VOU 126-128
VOULOIR n° 126-128
Été 1995
DOSSIERS : SOCIALISME - MODERNITÉ
◘ SOMMAIRE :
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Entretien avec José Luis Ontiveros (B. Dietsch)
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Subsistance des mythes “sudistes” (Isidro Juan Palacios)
SOCIALISME
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Itinéraire (Robert Steuckers) [ci-dessous]
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Réflexions sur l'histoire du socialisme belge (RS)
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Le socialisme a 100 ans en Belgique : la nostalgie camarades ! (L. Michel)
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Le clivage gauche/droite dans l'histoire politique belge [1830-1900] (F. Kisters)
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Serge Panunzio : du syndicalisme révolutionnaire au fascisme (C. Caballero-Jurado)
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Edgard Delvo : une quête sans repos de la justice sociale (P. Lemmens)
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Henri de Man, mon “maître-à-penser” (E. Delvo)
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Entretien avec E. Delvo (RS)
MODERNITÉ
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Benjamin, Heidegger et la naissance de la Modernité (P. Le Vigan)
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La Modernité s'épuise, l'Histoire continue (P. Le Vigan)
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Une Modernité en état critique (P. Le Vigan)
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La Ville, sa figure moderne (N. Rivière)
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Itinéraire :
Socialisme et modernité. Souvent pensés comme indissolublement liés l'un à l'autre, ces deux concepts sont pourtant incompatibles, du moins si l'on considère comme “moderne” ce qui met au pas, ce qui s'insurge contre les “irrationalités”, contre l'histoire (dont il s'agit de faire table rase), contre les originalités qui donnent ses couleurs au monde, contre les différences qui conduisent aux conflits mais aussi aux réconciliations... Pourtant, on peut être socialiste tout en s'opposant à l'expansion de cette modernité-là, qu'adulent aussi les libéraux, qui, eux, ne se soucient guère de la justice sociale. Pas plus que de l'histoire, carrière de tragédies, défi aux volontés. Pas plus que du politique, qui impose une ascèse quotidienne au zôon politikon, le détournant de cet hédonisme que les libéraux entendent totaliser et globaliser, envers et contre toutes les autres éthiques. Notre option pour le pluriel est une option pour le pluriel des réalités historiques, pour le pluriel des types et des caractères humains, des créativités individuelles et collectives, au-delà des “homologations” contre lesquelles s'insurgeait notamment Pier Paolo Pasolini. Et non pas pour le pluriel des opinions privées, des bricolages idéologiques qui servent à avancer des intérêts quantifiables. Le socialisme, pour nous, est la défense d'un héritage communautaire qui, en pratique, doit garantir des continuités culturelles par le biais de l'éducation, doit garantir le plein déploiement des communautés, associations, agrégats qui font la trame de la société. C'est cela le socialisme pour nous, c'est-à-dire le discours carrément katechonique qui barrera la route au libéralisme. Notre dossier est un rappel historique : depuis l’apparition d'un socialisme solidement charpenté en Belgique, en passant par le syndicalisme italien et le planisme de Henri De Man. C'est ce socialisme-là, cette volonté populaire, éducatrice et militante, qu'ont trahi ceux qui usurpent cette tradition pour se vautrer dans leur électoralisme corrupteur. C'est ce socialisme-là, dans toutes ses facettes, sans mutilation ni réduction, qu'il faut restaurer contre les forces déliquescentes du libéralisme, contre les puissances politiques et militaires qui veulent que nos économies soient “pénétrées” donc privées d'indépendance, d'initiative propre, empêchées de financer nos universités, nos maisons d'édition, notre enseignement, de subventionner nos cinéastes et nos artistes, nos théâtres et nos poètes, nos philologues et nos historiens. Un socialisme identitaire donne la priorité à la continuité culturelle.
Modernité, post-modernité : mots galvaudés, aseptisés à force d'avoir été trop employés. Mais que les choses soient claires. Nous sommes heureux, nous, que les “grands récits” de la modernité, ces pauvres récits qui ont eu la prétention de remplacer les grands mythes ou même les grandes options religieuses, sont en train de crever, et nous attendons, sardoniques, que ceux qui les ont véhiculés dans les parlements et dans les médias, quittent l’avant-scène sous les huées et les quolibets, pour aller mourir, ignorés des honnêtes gens, dans les taudis qu'ils avaient réservés à ceux qu'ils excluaient, bien entendu après avoir rendu l'argent qu'ils ont détourné. Parler de la modernité, jongler avec les vocables qui la désignent, qui en désignent toutes les nuances, toutes les naïvetés, les prétentions, les perversités, exige une solide formation philosophique, pour que nous ne sombrions pas dans la confusion en vulgarisant, à l'intention de nos élèves si nous sommes enseignants, de nos patients si nous sommes médecins, de nos convives et de nos interlocuteurs si nous sommes autre chose qui a un quelconque ascendant sur le commun des mortels. Car la vulgarisation de notre discours et de nos réflexions “anti-modernes”, enracinées mais aussi futuristes/projectuelles, est un acte politique de tous les jours, un acte qui désigne tranquillement, subtilement, naturellement, l'ennemi. Qui contribue à détruire, à saper, son discours, en dépit de la puissance des médias. Mais le schématisme moderne s'interdit de dire tout de l'homme, des peuples et de cultures et ce qu'il aura refoulé mécaniquement, dans la presse, sur les ondes ou sur le petit écran, finira par revenir au grand galop. Au grand galop des libres cosaques de la pensée, dont nous sommes ou voulons être. Les textes de Pierre Le Vigan et de Noël Rivière sont une contribution sereine à ce combat. Ceux qui auront le courage de les lire, de les intérioriser, de les traduire pour leurs interlocuteurs dans le langage simple de l'instituteur, gagneront en conscience, et en confiance en soi. (RS)