Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

révolutions oranges

  • Révolutions non violentes

    Femen.jpg

    Les Révolutions non-violentes: sont-elles instrumentalisées par les Etats-Unis?

    par Albert A. Stahel,

    Institut d’Etudes stratégiques,

    www.strategische-studien.com

    Ex: http://www.horizons-et-debats.ch/

    Le 10 octobre 1998, l’organisation OTPOR (la résistance) a été crée dans l’ancienne République fédérale de Yougoslavie.1 Beaucoup de ses membres étaient des étudiants et membres de la nomenclature de la République fédérale de Yougoslavie. Les membres d’OTPOR ont analysé les points faibles du régime de Slobodan Milosevic et ont établi un plan stratégique à l’aide duquel ils voulaient renverser le régime. Au début, l’agitation d’OTPOR se limitait à l’Université de Belgrade. Pendant la guerre aérienne de l’OTAN «Allied Force», il n’y avait pas d’activités d’OTPOR. Début 2000, les activités contre le régime ont recommencé. Pendant les élections du mois de septembre 2000 en Yougoslavie, l’opinion contre Milosevic a été attisée par des slogans tels que «Gotov Je» (il est fini) ou «Vreme Je» (il est temps).2 Le 5 octobre 2000, Milosevic a été renversé. Pendant cette année, OPTOR a mis en action tous les moyens tactiques d’agitation politique. Milosevic a été ridiculisé, des barrages routiers ont été montés, des boycotts proclamés, l’adversaire a été dérouté par de fausses informations et des bâtiments publics ont été occupés. La communication entre les différents groupes s’effectuait à l’aide d’Internet.


    Plus tard, il a été révélé que, pour définir leur stratégie, les membres d’OTPOR s’étaient appuyés sur un livre écrit par Gene Sharp,3 un pacifiste américain ayant fait des études en sciences politiques. Si l’on examine attentivement cet ouvrage, on s’attend d’abord à un manuel sur la pratique révolutionnaire, mais il s’agit plutôt d’un traité théorique de la pensée stratégique. Seule l’annexe, avec une liste des méthodes d’actions non-violentes, contient des instructions concrètes concernant les activités à entreprendre contre une dictature.4 Concernant ces méthodes, Sharp se réfère à son ouvrage de l’année 1973. Le glossaire est également très intéressant, particulièrement en ce qui concerne le jiu-jitsu politique.5 A l’aide de ce jiu-jitsu, il est possible de continuellement répondre à la répression violente de la dictature par une résistance non-violente au lieu de contre-violence. L’appareil répressif est discrédité à l’aide de médias internationaux.


    A l’aide des notes bibliographiques de Gene Sharp, on découvre qui est le véritable pionnier de la stratégie moderne de la résistance non-violente, à savoir le Britannique Adam Roberts. Il a promu au cours des années soixante-dix du siècle dernier, en raison de la résistance non-violente des citoyens de la Tchécoslovaquie contre l’occupation de leur pays par les divisions du Pacte de Varsovie en 1968, la résistance non-violente comme la seule réponse efficace à l’occupation d’un pays par une puissance étrangère.6 Déjà à cette époque, Roberts a décrit dans ses opuscules la tactique de la résistance non-violente dont Sharp a parlé beaucoup plus tard. Il s’agit notamment des «Methods of Persuasion, of Non-Cooperation and of Intervention».7 Les premières directives concrètes pour l’agitation tactique contre une dictature ont cependant été décrites par l’ami et collaborateur de Karl Marx, Friedrich Engels dans son essai «L’insurrection»: «L’insurrection est un calcul avec des variables très incertaines dont l’importance peut changer de jour en jour …».8


    Après la chute de Milosevic, la question s’est posée, de savoir qui avait financé OTPOR et l’agitation coûteuse. En novembre 2000, dans un article paru dans le New York Times Magazine, le journaliste Roger Cohen a donné des informations concernant les financiers d’OTPOR. Selon Cohen, OTPOR a apparemment obtenu de l’argent de la National Endowment for Democracy (NED), de l’International Republican Institute (IRI) et de l’US Agency for International Development (USAID). Alors que la NED et IRI étaient proches de l’administration Clinton de ce temps-là, USAID fait aujourd’hui encore partie de l’administration fédérale des Etats-Unis. Déjà en septembre/octobre 1989 (donc avant le lancement des attaques aériennes Allied Force), Paul B. McCarthy du NED aurait rencontré l’équipe dirigeante d’OTPOR dans la capitale de Monténégro, Podgorica et en Hongrie, à Szeged et Budapest.9


    L’équipe dirigeante d’OTPOR (Srdja Popovic et Ivan Marovic entre autres) a tenté, après la chute de Milosevic, de transformer l’organisation en un parti politique. Suite au petit nombre de voix qu’OTPOR a obtenu lors des élections législatives de 2003, le coup n’a pas réussi.10 Mais les activistes d’OTPOR auraient aussi été financés de l’étranger par la suite. Ainsi, Popovic a obtenu un engagement comme Visiting Scholar au Harriman Institut de la Columbia University. Ces pensées idéologiques ont continué de gagner du terrain. Des écrits sur la mise en œuvre d’une révolution à la mode OTPOR ont été rédigés. En outre, on a publié le film «How to Start a Revolution» avec Popovic comme un des acteurs.11 On prétend que les manifestations et révolutions suivantes ont été organisées selon le modèle OTPOR:12
    –    Kmara en Géorgie a été partiellement responsable de la chute du président Eduard Schewardnaze,
    –    Pora (partie de la Révolution orange) avec des manifestations en Ukraine,
    –    Zbur en Biélorussie, avec des manifestations contre le président Alexander Lukaschenko,
    –    Oborona en Russie, avec des manifestations contre le président Vladimir Poutine,
    –    KelKel au Kirghizistan, a participé au renversement du président Askar Akayev,
    –    Bolga en Ouzbékistan, avec des manifestations contre le président Islam Karimov.
    Il est tout à fait possible qu’un certain nombre de ces manifestations et insurrections ont également été financées par les organisations américaines susmentionnées.13

    Dans la foulée de la répression d’une grève d’ouvriers du 6 avril 2008, un mouvement de jeunes, dénommé le 6 avril a été créé en 2008 en Egypte. Les partisans de ce groupe ont été conseillés par des militants d’OTPOR à Belgrade et ils ont repris le logo d’OTPOR.14 Conformément aux instructions et conseils reçus, on a organisé en 2011 la révolution égyptienne et occupé la place Tahrir. Il n’est pas impensable que la première phase des révoltes en Tunisie, en Libye et en Syrie aie aussi été planifiée selon la tactique d’OTPOR.
    Jusqu’à présent, les révolutions réussies n’ont pas seulement abouti au renversement du pouvoir sur place. Suite aux putschs et aux révolutions tunisiennes et libyennes, les structures étatiques et les administrations se sont également effondrées. Ainsi, ces deux pays sont actuellement presque acéphales et désorientés et leur état correspond à celui des «Etats en déliquescence». Mais, de tels Etats ne sont plus en mesure de faire face aux influences de pays tiers. Compte tenu du financement ainsi que des références répétées concernant le «maître à penser» Gene Sharp, il est imaginable que les Etats-Unis ont instrumentalisé certaines manifestations et révoltes pour leurs objectifs.     •

    (Traduction Horizons et débats)

    1    OTPOR! (2012). Wikipedia. en.wikipedia.org/wiki/Otpor! p. 2, 15/8/12
    2    OTPOR! (2012). Wikipedia; p. 5
    3    Sharp, G. (1993). From Dictatorship to Democracy. En allemand: Von der Diktatur zur Demokratie. Ein Leitfaden für die Befreiung. Traduit de l’anglais par Andreas Wirthensohn. Editions C.H. Beck. «Tages-Anzeiger» (17/2/11). Wie man einen Diktator stürzt: Eine Anleitung auf 93 Seiten. www.tagesanzeiger.ch/21758820/print.html, 17/8/12
    4    Sharp, G. (1993). pp. 101–108
    5    Sharp, G. (1993). pp. 116/117
    6    Roberts, A. (1972), Total Defence and Civil Resistance, Problems of Sweden’s Security Policy. The Research Institute of Swedish National Defence, FOA P Rapport C8335/M, Stockholm
    7    Roberts, A. (1972). p. 132
    8    Stahel, A.A. (1987). Terrorismus und Marxismus, Marxistisch-Leninistische Konzeptionen des Terrorismus und der Revolution. ASMZ, Allgemeine Schweizerische Militärzeitschrift, Huber & Co. AG, Frauenfeld, p. 29.
    9    OTPOR! (2012). Wikipedia, p. 6
    10    OTPOR! (2012). Wikipedia, p. 9
    11    OTPOR! (2012). Wikipedia, p. 10
    12    OTPOR! (2012). Wikipedia, p. 12
    13    OTPOR! (2012). Geplante Revolutionen.
    schnittpunkt2012.blogspot.ch/2011/05/otpor-geplante-revolutionen.html. p. 3, 15/8/12
    14    Hermann, R. (2011), Revolution nach Plan, Protestbewegung in Ägypten. Frankfurter Allgemeine Zeitung du 15/2/11, pp.1–4. www.faz.net/aktuell/politik/arabische-welt/protestbewegung-in-aegypten-revolution-nach-plan-1589885.html, 17/8/12