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  • Tintin

    26 septembre 1946 : Le premier numéro du Journal de Tintin, hebdomadaire, sort dans les kiosques belges. Quatre dessinateurs œuvrent dans cet hebdomadaire : Hergé (George Rémi), bien sûr, Edgar-Pierre Jacobs, Paul Cuvelier et Jacques Laudy. Jacobs y publie les premières planches de sa fameuse aventure de Blake et Mortimer, « Le Secret de l’Espadon ».


     
    Couverture du Journal de Tintin n°1
     


    Il a fallu batailler contre toute une cohorte d’excités, haineux et profondément stupides, pour pouvoir autoriser Hergé à republier son œuvre et à la poursuivre.
    Le mérite de ce combat tenace revient au résistant national-royaliste Raymond Leblanc, qui souhaitait que le cataclysme de 1939-1945 n’ait pas pour effet complémentaire de ruiner les bonnes valeurs au sein de la jeunesse de notre pays. Il a réussi là un brillant combat d’arrière-garde, permettant de les conserver, presque intactes, jusqu’au seuil des années 70, où tout a commencé à partir en quenouille. Les ennemis de Hergé en 1945, ces individus écervelés et échaudés par des propagandes ineptes, lui reprochaient d’avoir publié le « Secret de la Licorne », « Le Trésor de Rackham le Rouge » et « Les Sept boules de cristal » (l’histoire fut interrompue lors de l’arrivée des troupes anglo-saxonnes) en feuilleton dans le quotidien le « Soir », qui avait été non pas réquisitionné par l’occupant allemand, mais cédé en bonne et due forme par l’héritière de la famille qui possédait le quotidien !
     

    On a beau écarquiller les yeux, mais on ne trouve aucune allusion politique aux événements de la Seconde Guerre mondiale dans ces albums. Hergé fut arrêté à plusieurs reprises, chaque fois relâché et ne fut jamais traîné devant un tribunal de ces terrifiants « auditorats militaires » de l’époque, qui suscitaient, disait un ministre d’alors, une « justice de roi nègre ». Rien n’y fit : la hargne obsessionnelle de ses adversaires n’a jamais cessé de se manifester, jusqu’à nos jours, où récemment l’affaire « Tintin au Congo » [cf. article ci-bas] a suscité quelques émois, en Angleterre d’abord, en Belgique ensuite, avec la plainte déposée par un pitre congolais auprès du Tribunal de Première Instance de Bruxelles, sans oublier l’odieux pamphlet, heureusement peu commenté et commis par un gauchiste échevelé, un certain Maxime Benoît-Jeannin (« Les guerres d’Hergé. Essai de paranoïa-critique », janvier 2007).

    Dans cette période peu glorieuse de l’histoire belge, entre 1944 et 1951, Hergé a cherché un moment refuge en Suisse, sur les bords du Léman, puis a montré une belle fidélité à bon nombre de proscrits, tels Robert Poulet, Raymond De Becker, Paul Jamin (alias « Jam » puis « Alidor »), Paul Werrie, Soulev S. Kaya, J. van den Branden de Reeth, etc. Et n’oubliait pas non plus, dans ses chagrins, l’exécution d’un journaliste, Victor Meulenijzer, dont le pire crime fut sans doute d’avoir publié, avant-guerre, un livre sur les coups bas des services secrets britanniques… Et se révoltait contre le sort que l’on fit à son ami Jacques Van Melkebeke, inspirateur de bon nombre d’albums. Hergé n’avait rien d’un fasciste ou d’un nazi, comme tente de le démontrer le délirant Maxime Benoît-Jeannin, mais un homme qui avait été élevé dans le vaste monde intellectuel du catholicisme belge d’entre les deux guerres, où, comme l’a dit une romaniste avisée, qui a étudié le phénomène dans toute son ampleur, « on écrivait sous le regard de Dieu », et où communiaient des idéologèmes conservateurs et sociaux-justicialistes.
     

    N.B. : D’abord publié en Belgique et tiré à 60.000 exemplaires, l’hebdomadaire paraît en France en 1948. Au plus fort de son succès, le titre phare de la BD progressera jusqu’à atteindre 600 000 exemplaires pour le plus grand bonheur des éditions du Lombard ! Qui mettront fin au titre en 1993. Il reste la matrice de fabuleux succès d’édition, de Blake et Mortimer à Ric Hochet en passant par Alix et bien d’autres.
     
     

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    Dans Le Journal Tintin, les coulisses d’une aventure (éd. Moulinsart, 2006, 16 €) Dominique Maricq, Patrick Gaumer et Christian Marmonnier nous racontent dans ses moindres détails la chronologie des événements qui ont suivis la naissance du Journal Tintin, de 1946 à 1988.
     

    Ce journal pour la jeunesse, créé dans l’euphorie de l’après-guerre, deviendra un point tournant pour la reconnaissance et l’évolution du 9e art en Europe, dans la seconde moitié du vingtième siècle. Le succès dépasse toute attente : dès le troisième numéro, le tirage passe de 60.000 à 80.000 exemplaires. Le design graphique et la lisibilité ont un impact considérable et durable sur un lectorat qui deviendra de plus en plus fidèle. Ce nouveau journal innove, étonne et séduit.
     

    C’est en 1945, juste après la libération, que débute une époque florissante en publications pour les jeunes où l’audace, le talent pur et la détermination remplacent tous les diplômes. Les auteurs rendent justice à l’un des fondateurs longtemps ignoré, André Sinave, qui a précédé le rôle de Raymond Leblanc dans la conception du journal en misant le premier sur la popularité d’Hergé. C’est l’active collaboration Leblanc-Hergé qui donna au journal sa réussite exemplaire, malgré les turbulences et les remises en question. L’homme d’affaires et l’artiste ont imposé de manière fulgurante l’identité forte de leur hebdomadaire qui caractérisa le style de la BD franco-belge, après la fondation du Journal Spirou en 1938. Outre Hergé, on retrouve E-P Jacobs comme deuxième atout majeur de la nouvelle équipe éditoriale pour le premier numéro paru à Bruxelles, le 26 septembre 1946. Sur la couverture, inspirée du Temple du Soleil, on utilise le procédé héliogravure, malgré son prix onéreux, pour donner une qualité d’impression chromatique jamais vue pour un illustré, avec des noirs et des couleurs intenses. En encarté du présent ouvrage, nous pouvons parcourir le fac-similé du premier numéro, avec en double page le début du Temple du Soleil, Le Secret de l’Espadon (Blake & Mortimer par E.-P. Jacobs), L’Extraordinaire odyssée de Corentin Feldoé (de P. Cuvelier) et La Légende des Quatre Fils Aymon de J. Laudy.
     

    Le 3 avril 1947, apparaît le slogan qui deviendra accrocheur pour les générations à venir : « Tintin est le journal de tous les jeunes de 7 à 77 ans ». Hergé fournit une création originale pour toutes les couvertures qu’il dessine. Il est intéressant d’observer que de nombreuses couvertures ont une connotation religieuse, sans tomber dans l’hagiographie. Les passages les plus intéressants et inédits de l’analyse concernent les secrets de fabrication d’un grand journal de BD. Au point de départ, des principes importants pour garantir un hebdomadaire sans vulgarité, instructif et amusant. Durant les premières années, les éditoriaux, accompagnés de la signature de Tintin lui-même, constitueront l’ossature morale du journal. Dans chacune des pages soigneusement montées, abondent illustrations et photos. Progressivement les bonnes surprises se multiplient avec l’arrivée des futurs grands auteurs comme Jacques Martin, Willy Vandersteen, François Craënhals, Raymond Macherot, Tibet... et même l’irruption singulière de Franquin avec les gags de Modeste et Pompon, sans oublier celle de Goscinny et Uderzo avec Oumpah-pah. Un judicieux équilibre de séries humoristiques et réalistes qui deviendront des classiques du genre, assure au journal un succès solide.
     

    Le début des années 1950 marque un tournant important avec le journal diffusé à travers le monde francophone, du Québec au Vietnam, et la sortie des premiers albums du Lombard qui annoncent l’aube des collectionneurs et des bédéphiles. Avec l’arrivée des timbres Tintin (chèques en France), apparaissent les produits dérivés à l’emblème du reporter ; pour Hergé c’est l’occasion de concrétiser nombre de projets que les éditions Casterman ont toujours refusés. C’est dans le journal que l’on retrouve toute l’effervescence de la génération des « baby boomers » avec des rubriques pour le nouveau lectorat féminin, des interviews exclusives avec les vedettes de l’époque, tels Alain Bombard et Haroun Tazieff. Hergé colle de plus en plus avec l’actualité et même la dépasse avec son voyage sur la lune. Le 3 février 1953 apparaît un logo flambant neuf, inspiré des hebdomadaires américains : un titre réduit, encadré et placé dans le coin gauche de la couverture.

    L’année 1958 sera placée sous le signe de l’Exposition universelle de Bruxelles, le journal y aura son propre pavillon. Aussi spectaculaire, le building Tintin se prépare à illuminer le ciel dans un immeuble au coeur de la capitale. Désormais, Tintin est un journal de poids qui s’expose et veille sur sa ville natale. Avec l’arrivée du journal Pilote, le 29 octobre 1959, le Journal Tintin change discrètement son logo et passe de 32 à 48 pages, puis à 52 pages, en ajoutant plus d’humour. L’arrivée de Greg, en octobre 1965, donne un second souffle pour traverser les radicaux changements culturels et sociaux des années 1960. Ce nouveau rédacteur en chef aux talents multiples contribuera au renouveau du journal en introduisant une nouvelle génération d’auteurs : Hermann, Dany, William Vance, Dupa, Turk et de Groot... Les personnages de papier deviendront plus humains, en compagnie d’héroïnes à part entière. Après le départ de Greg en 1974, le journal commence sa lente régression pour mettre fin à la belle aventure avec le dernier numéro, le 29 novembre 1988.

    Cet ouvrage sur un journal exceptionnel est d’autant plus important qu’il trace, en parallèle, l’histoire de la maison d’édition du Lombard qui fêtait ses soixante ans d’existence en 2006 au service du rêve par l’image. Pour les 7 à 77 ans, l’année 2007 s’est montrée prospère et enrichissante avec tous les autres ouvrages parus pour célébrer le centième anniversaire d’Hergé, né en 1907.


     
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    L’affaire « Tintin au Congo » : la voix du peuple


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    On sait qu’un pitre Congolais bien dodu et largement trentenaire, qui vit en nos murs et y est « étudiant », s’est mis récemment dans la boule de porter plainte comme les éditeurs de « Tintin au Congo » sous prétexte que l’album serait « raciste ». Ce pitre Congolais prenait le relais d’une brochette de pitres britanniques, qui avaient déclenché un scandale équivalent en Grande-Bretagne, il y a quelques semaines. En l’année du centenaire d’Hergé, les ennemis tenaces du dessinateur ne désarment pas, tous des bougres de méchants blancs, qui ont enfin trouvé un gros noir naïf pour faire leur vilain boulot (tiens, ne serait-ce pas du « racisme » larvé ? Faire monter au front un « tirailleur congolais », dans une entreprise où le ridicule risque fort bien de tuer ceux qui l’ont déclenché ?).
     

    La persécution contre Hergé date de fin 1944, et n’a finalement connu aucun succès réel, s’est toujours enlisée dans la fange de sa propre sottise. On ne va pas revenir sur le triste bilan des faits et gestes des ennemis d’Hergé, tous aussi ridicules les uns que les autres, à commencer par un clown résistancialiste de l’immédiat après-guerre, qui fut jadis épinglé par Paul Sérant, un clown coléreux et atrabilaire qui avait écrit, sans rire, qu’il fallait, pour purifier la Belgique débarrassée de la présence allemande, que disparaissent « Quick et Flupke », avec leurs « relents de feldgrau ». Ce clown résistancialiste devait souffrir d’une forme de daltonisme « felgrauïsateur ». Il voyait du feldgrau partout, le pauvre, y compris dans le pull rouge vif de Quick et dans la veste verte fluo de Flupke. Son épigone congolais voit, non plus du feldgrau, mais du « racisme ». Les termes qui font aboyer les chiens de Pavlov ont changé, la même bêtise crasse est restée.
     

    Bien évidemment, le peuple en rit ou s’insurge. Le 9 août 2007, le quotidien « Het Laatste Nieuws » y consacrait sa rubrique « courrier des lecteurs ». Qu’on en juge :
     
    • Paul Duribreux, d’Ostende, écrit : « Un étudiant congolais a déposé une plainte pour racisme contre la bande dessinée « Tintin au Congo » d’Hergé. L’album regorge de stéréotypes sur les Congolais, prétend-il. Nonobstant le fait que les albums d’Hergé regorgent de stéréotypes sur tous et sur chacun, cet étudiant ferait mieux de s’occuper et de se soucier du champ de ruines que sont devenus le Congo et le reste de l’Afrique. Et si l’Afrique est en train de retourner à un moyen âge des plus sombres, les anciens coloniaux n’y peuvent rien, cinquante après, et ne sauraient en être tenus pour responsables. La faute incombe plutôt à des dictateurs africains stéréotypés et non pas à un humoriste fin et subtil tel Hergé ».
    • Kurt Demaria, de Coq-sur-mer, écrit, quant à lui : « Qui peut bien avoir dans la boule l’idée saugrenue de fouler aux pieds l’un de nos monuments belges. Cette bande dessinée, mon cher, a été rédigée il y a 70 ans, et, ne le prenez pas mal, mais des choses bien pires se sont déroulées depuis lors… (…). Je pense que c’est là du petit esprit, de la courte vue, mille millions de mille sabords, qui vous tiennent là. Lorsque j’ai appris que plainte avait été déposée en Grande-Bretagne, j’ai haussé les épaules. Mais que cela se passe dans notre propre Belgenland, que l’on y foule ainsi aux pieds l’un de nos grands monuments, je ne l’accepte pas ! Avez-vous au moins lu ces histoires ? Chacune d’entre elles est une petite œuvre d’art qui doit forcer le respect et ne mérite pas d’être écrasée et enfoncée dans le sol. Je suis un fan de Tintin et voilà pourquoi j’ai voulu exprimer ici ce que j’avais sur le cœur ».
    • Lucien Wouters, de Lierre : « L’album « Tintin au Congo » reflète l’esprit d’une époque et n’est nullement raciste ! Ou doit-on faire de Saint Nicolas un Noir ? ».
    • Philippe Proost, de Bruxelles : « Voilà qui est renversant ! Une plainte contre Tintin pour racisme ! Mbutu Mondondo Bienvenu a certes un océan de temps à perdre pour s’occuper de telles futilités. Il s’agit d’une bande dessinée de plus de 70 ans d’âge ! ».
    • J. L., de Ninove : « Une plainte pour racisme contre un album de Tintin ? Alors, nous y sommes, la fiction et la réalité ne font plus qu’un ! ».
    • Michel Guns, de Putte : « Pourquoi un étudiant congolais vient-il ici pour s’opposer à l’édition d’un livre qui date de plus de cinquante ans et qui fut écrit dans l’esprit de son temps. Il insulte, par sa plainte, et notre créateur national de bandes dessinées et l’héritage historique de notre pays. S’il lisait les ouvrages plus récents d’Hergé, il remarquerait que le ton s’est adapté à l’esprit du temps, et qu’Hergé ne s’avère plus du tout raciste. Le Tribunal ne pourrait-il pas déclarer cette plainte d’emblée irrecevable, avant que l’on ne consacre temps et argent à une enquête sur pareilles futilités ? ».