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HISTOIRE - Page 50

  • Barbarossa

    1941 : les Soviétiques préparaient la guerre !

    [Ci-contre : Au temps de la lune de miel entre Hitler et Staline, caricature de 1939]

    hitler-stalinePendant des décennies, l'attaque allemande contre l'Union Soviétique, commencée le 22 juin 1941, a été considérée comme l'exemple par excellence d'une guerre d'extermination, préparée depuis longtemps et justifiée par des arguments raciaux. L'historiographie soviétique qualifiait en outre cette guerre de “guerre de pillage” et ajoutait que l'Allemagne avait trahi ses promesses, avait rompu la parole donnée. Jusqu'en 1989, le Pacte Hitler/Staline des 23 et 24 août 1939 avait été interprété de cette façon dans l'apologétique soviétique. L'observateur des événements était littéralement noyé sous un flot d'arguments qui visaient à étayer au moins 2 thèses :

    • 1) La signature du traité a empêché Moscou d'être impliqué dans les premiers événements de la guerre européenne, qui aura ultérieurement comme victime principale l'URSS ;
    • 2) Le pouvoir soviétique a vu d'avance le plan des “impérialistes” et l'a contrecarré ; il visait à détourner l'armée allemande vers l'Est. L'Union Soviétique aurait ainsi été la victime, à l'été 1941, de sa fidélité à la lettre du pacte et de sa volonté de paix. Cette loyauté, l'URSS l'a payée cher et a failli être complètement détruite sur le plan militaire.

    Des experts soviétiques réfutent l'interprétation officielle

    sept-010.jpg[Ci-contre : Des soldats allemands vont saluer des soldats soviétiques équipés de chars ultra-modernes en Pologne en septembre 1939]

    Depuis 1989, cette vision de l'histoire contemporaine a été largement réfutée. Des experts soviétiques, dont V. Dachitchev, estiment désormais que le Pacte des 23 et 24 août 1939 a constitué une lourde erreur de la politique étrangère soviétique (cf. Hans-Henning Schröder, Der Zweite Weltkrieg, Piper, München, 1989). Bien sûr, on parle encore et toujours de la guerre germano-russe comme d'une “guerre d'anéantissement justifiée par une idéologie racialiste”, notamment dans les écrits, y compris les derniers, de l'historien Andreas Hillgruber (cf. Zweifacher Untergang, 1986). Mais les préoccupations qui dominent, actuellement, chez les spécialistes de l'histoire contemporaine, sont celles qui concernent les multiples facettes du processus de décision : outre la volonté d'expansion de Hitler, on examine désormais la logique, certes subjective, qui a fait que l'Allemagne a choisi la solution militaire pour régler le problème que constituait l'URSS dans le contexte stratégique du printemps 1941. On étudie ensuite ce qui opposait de façon irréconciliable les idéologies au pouvoir en URSS et dans le Troisième Reich, tout en essayant de comprendre quelles étaient les arrière-pensées de Staline en ce qui concerne l'Europe. Résultat de ces investigations : on se demande si l'attaque allemande n'a pas été finalement une attaque préventive, vu ce qui s'annonçait à moyen ou long terme. Ernst Topitsch est de cet avis depuis longtemps et a étayé solidement sa thèse dans Stalins Krieg (2ème éd., 1986). Quant à Viktor Souvorov, dans Le brise-glace (Olivier Orban, Paris, 1990), il a illustré cette thèse à grand renfort de preuves.

    Staline avait le temps pour lui

    Cela n'aurait guère de sens de revenir sur la vieille querelle quant à savoir si l'attaque de la Wehrmacht a été dictée essentiellement par des considérations d'ordre stratégique et politique ou par des motivations d'ordre idéologique. Il me semble plus utile, d'un point de vue historique, de chercher à cerner la raison première et fondamentale qui a fait que l'état-major allemand s'est décidé à passer à l'attaque. Cet état-major s'est dit, me semble-t-il, qu'attendre passivement rendait jour après jour le Reich plus dépendant de la politique de Staline ; une telle dépendance aurait finalement créé des conditions défavorables pour l'Allemagne dans sa guerre à l'Ouest et en Afrique. Hitler était bien conscient du risque énorme qu'il y avait à ouvrir un second front, à parier pour l'offensive : il l'a clairement fait savoir à ses généraux, dont la plupart étaient trop optimistes.

    Les papiers de Joukov

    joukov11.jpg[Ci-contre : Le Maréchal Joukov inspecte le front avant la guerre. Vainqueur des Japonais en Sibérie en 1938, Joukov a mis au point des tactiques offensives terriblement efficaces. Ses écrits dévoilent des indices tendant à prouver le plan soviétique d'invasion de la Pologne, de l'Allemagne, de la Slovaquie et de la Roumanie pour l'été 1941]

    Les historiens qui affirment que les motivations idéologiques à connotations racistes ont été les plus déterminantes, sous-estiment trop souvent les préoccupations stratégiques ; en effet, dès le début de l'automne 1940, la situation, pour l'Allemagne, était alarmante ; l'état-major devait le reconnaître, si bien que son chef, le Général Halder craignait, dès avril 1941, une attaque préventive des Soviétiques. Aujourd'hui, après qu'on ait publié les papiers du Maréchal Georgy Joukov et qu'on y ait découvert des documents d'une importance capitale, non seulement on sait que l'Armée Rouge s'était mise en branle, que ses manœuvres avaient un caractère offensif, surtout dans les 4 districts militaires de l'Ouest mais on sait également, d'après des sources attestées, que les autorités militaires soviétiques prévoyaient dès la mi-mai 1941 une attaque préventive limitée, au moins contre la Pologne centrale et la Haute-Silésie.

    Staline a certes refusé ce plan, mais son existence explique néanmoins pourquoi les Soviétiques ont massé 6 corps mécanisés sur des positions en saillie du front (le premier échelon opérationnel soviétique comptait en tout et pour tout 13 corps mécanisés), ont aligné 5 corps aéroportés, ont réaménagé les installations d'un grand nombre de terrains d'aviation pour bombardiers et pour chasseurs à proximité de la frontière et ont renoncé à renforcer la Ligne Staline, alors qu'elle aurait été excellente pour une bonne défense stratégique du territoire soviétique. Les papiers de Joukov nous permettent de comprendre pourquoi les grandes unités stationnées dans les régions frontalières n'ont pas reçu l'ordre de construire un système défensif en profondeur mais, au contraire, ont été utilisées pour améliorer les réseaux routiers menant à la frontière. Ces indices, ainsi que bien d'autres, ont été mis en exergue récemment par des historiens ou des publicistes soviétiques, dont Vladimir Karpov. Sur base de ces plans d'opération, le chef de l'état-major général soviétique, Joukov, en accord avec le Ministre de la Défense, Timochenko, voulait atteindre en 30 jours la ligne Ostrolenka, Rive de la Narev, Lowicz, Lodz, Oppeln, Olmütz. Ensuite, Joukov prévoyait de re-tourner ses forces vers le Nord et d'attaquer et de défaire le centre des forces allemandes, ainsi que le groupe Nord des armées du Reich, massé en Prusse Orientale.

    Je souligne ici que ce plan d'opérations ne signifie pas que les Soviétiques avaient définitivement décidé de passer à l'offensive. L'existence de ce plan ne constitue donc pas une preuve irréfutable des intentions offensives de Staline à l'été 1941. Mais ce plan nous permet d'expliquer bon nombre de petits événements annexes : on sait, par ex., que Staline a refusé de prendre en considération les informations sérieuses qu'on lui communiquait quant à l'imminence d'une attaque de la Wehrmacht au printemps 1941. Or il y a eu au moins 84 avertissements en ce sens (cf. Gordievski/Andrew, KGB, 1990). Comme le prouvent les événements de la nuit du 22 juin, Staline voulait éviter toute provocation ; peu de temps avant que le feu des canons allemands ne se mette à tonner au-dessus de la frontière soviétique, il a donné instruction à l'ambassadeur d'URSS à Berlin, de s'enquérir des conditions qu'il fallait respecter pour que les Allemands se tiennent tranquilles (cf. Erich E. Sommer, Das Memorandum, 1981).

    Staline estime que l'Armée Rouge n'est pas prête

    russian-attack-barbarossaCe qui nous autorise à conclure que Staline cherchait à gagner du temps, du moins jusqu'au moment où le deuxième échelon stratégique, composé de 6 armées (77 divisions), puisse quitter l'intérieur des terres russes. Ce qui étaye également la thèse qui veut que Staline estimait que ses préparatifs offensifs, destinés à réaliser ses projets, n'étaient pas encore suffisants. Quoi qu'il en soit, au début de la campagne, les Soviétiques alignaient à l'Ouest, réserves comprises, 177 divisions, renforcées par au moins 14.000 chars de combat, environ 34.000 canons et obusiers et à peu prés 5.450 avions d'attaque (61 divisions aériennes). Face à ces forces impressionnantes, la Wehrmacht n'alignait que 148 divisions, 3 brigades, 3.580 chars de combat, 7.150 canons et environ 2.700 avions d'attaque.

    Cette faiblesse des forces allemandes et l'improvisation dans l'équipement et l'organisation, permettent de soutenir la thèse que la décision d'ouvrir un front à l'Est ne découlait pas d'un “programme” concocté depuis longtemps (cf. Hartmut Schustereit, Vabanque, 1988). Beaucoup d'indices semblent prouver que Staline estimait que le conflit ouvert avec l'Allemagne était inéluctable. En effet, les avantages incontestables que le Pacte germano-soviétique offrait à Berlin (cf. Rolf Ahmann, Hitler-Stalin-Pakt 1939, 1989) n'avaient de valeur qu'aussi longtemps qu'ils facilitaient les opérations allemandes à l'Ouest.

    C'est alors qu'un facteur a commencé à prendre du poids : en l'occurrence le fait que les 2 camps percevaient une menace qui ne pouvait être éliminée que par des moyens militaires. Les ordres qui lancent déploiements ou opérations ne reflètent — c'est connu — que des jugements d'ordre politique. C'est pourquoi l'observateur se trouve face à une situation historique où les 2 protagonistes ne réfléchissent plus qu'au moment opportun qui se présentera à eux pour déclencher l'attaque. Mais comme dans l'histoire, il n'existe pas d'“inéluctabilité en soi”, la clef pour comprendre le déclenchement de l'Opération Barbarossa se trouve dans une bonne connaissance de la façon dont les adversaires ont perçu et évalué la situation. De cette façon seulement, l'historien peut « vivre rétrospectivement et comprendre » (comme le disait Max Weber), le processus de décision. On peut ainsi acquérir un instrument pour évaluer et juger les options politiques et stratégiques qui se sont présentées à Berlin et à Moscou au cours des années 1940 et 1941. L'Allemagne tentait, en prestant un effort immense qu'elle voulait unique et définitif, de créer un imperium continental inattaquable ; l'URSS tentait de défendre à tout prix le rôle d'arbitre qu'elle jouait secrètement, officieusement, en Europe.

    ► Dr. Heinz Magenheimer, Vouloir n°83/86, 1991. (texte issu de Junge Freiheit, juin 1991)

    • L'auteur : Professeur à l'Université de Salzbourg, Membre de l'Académie de Défense de Vienne.

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    Un tabou de l'histoire contemporaine : l'attaque allemande contre l'Union Soviétique en juin 1941

    si0710.jpgLe 22 juin de cette année, il y avait tout juste 50 ans que la Wehrmacht était entrée en Russie. Notre époque se caractérisant par un engouement pour les dates-anniversaires, médias et politiciens ont eu l'occasion de se manifester et de faire du tapage. Mais on savait d'avance ce qu'ils allaient nous dire. Ils nous ont rappelé que l'Allemagne, pendant la Seconde Guerre mondiale, avait utilisé des méthodes criminelles (l'ordre de déclencher l'Opération Barbarossa) et concocté des desseins tout aussi criminels (le Plan de la réorganisation politique et économique des territoires de l'Est). Et que c'est pour promouvoir ces méthodes et réaliser ces desseins que les Allemands ont combattus. Avec des reproches dans la voix, avec des trémolos de honte, on nous a remémoré que toutes les institutions politiques, y compris la Wehrmacht, ont participé à ces crimes.

    Plus d'un donneur de leçons est venu à nous, la mine docte, pour nous dire qu'il fallait briser les tabous et laisser la vérité se manifester.

    Mais il y a plus intéressant que ces sempiternelles répétitions de ce que nous savons déjà : précisément ce que ces briseurs de tabous veulent ériger comme tabous, les révélations qu'ils considèrent comme sacrilèges et qu'ils dénoncent comme telles. L'hebdomadaire Die Zeit, notamment, s'est spécialisé dans ce genre d'entourloupettes. En 1988, quand les toutes premières voix se sont élevées pour- dire que l'attaque allemande de juin 1941 n'était peut-être pas une attaque délibérée, perpétrée sans qu'il n'y ait eu, de la part de l'adversaire, la moindre provocation, Die Zeit répondit par 2 longs articles morigénateurs, dont le titre et les sous-titres en disaient assez sur leur contenu et leur style : « Les mensonges qui justifient la thèse de l'attaque défensive — Pourquoi on réactive la fable de la guerre préventive déclenchée par l'Allemagne ». Bref : le ton d'une inquisition moderne.

    Bien sûr, Staline voulait la paix et Hitler, la guerre

    map-in10.jpg[Ci-contre : La concentration du premier échelon de l'Armée Rouge en juin 1941. Carte tirée de l'ouvrage de Victor Souvorov, Le brise-glace – Juin 1941 : le plan secret de Staline pour conquérir l'Europe (Olivier Orban, Paris, 1989). Le déploiement de ce premier échelon rendait l'Armée Rouge très vulnérable. Il suffisait d'une légère poussée pour la contourner et encercler 5 armées (la flèche sur la carte). La 9ème Armée devait s'emparer de la Roumanie et du pétrole roumain, privant le Reich de cette matière première indispensable à la guerre. Les 12ème et 18ème armées de montagne devaient verrouiller les Carpathes en Slovaquie. Toutes les autres devaient débouter sur la Pologne et l'Allemagne. Hitler a frappé dur et vite dans cette concentration, annihilant ce premier échelon en quelques jours]

    Souvenons-nous toujours que les médias et les politiciens ne traitent des causes de la guerre qu'au départ de catégories moralisantes : on parle de culpabilité dans le déclenchement de la guerre, de Kriegs-'Schuld'. Or la guerre est un fait de monde qui échappe précisément aux catégories de la morale. Mieux qui ne peut nullement s'appréhender par les catégories de la morale. Si Hitler avait acquis plus rapidement la victoire à l'Ouest ou si, au moins, il était parvenu à une paix provisoire avec l'Angleterre, il aurait pu, s'il en avait eu envie, tourner tout son potentiel contre la Russie. Staline aurait été livré à son bon vouloir. Donc Staline ne pouvait pas, sans réagir, laisser évoluer la situation de la sorte. Il devait en conséquence attaquer l'Allemagne tant que celle-ci affrontait encore l'Angleterre (derrière laquelle se profilaient depuis un certain temps déjà les États-Unis). Staline a dû opter pour cette solution par contrainte. Et cette option n'a rien à voir avec une quelconque notion morale de “faute”, de “culpabilité” ; elle a été dictée par la volonté de Staline de survivre.

    Examinons les choses de l'autre bord : la contrainte que Staline allait inévitablement subir, Hitler ne pouvait pas ne pas la deviner. Par conséquent, Hitler était contraint à son tour d'élaborer des plana pour abattre la puissance de Staline, avant que celui-ci ne passe à l'attaque. Et quand, dans une situation pareille, si explosive et si complexe, l'état-major allemand assure Hitler que la Russie peut être battue en quelques mois, plus rien ne pouvait arrêter le Führer. Processus décisionnaire qui n'a rien à voir non plus avec la notion de “faute”, mais découle plus simplement de la position géographique occupée par l'Allemagne. Oser poser aujourd’hui de telles réflexions réalistes, non morales : voilà qui est tabou.

    Mais il y a encore plus étonnant : par ex., ce que nos destructeurs de tabous racontent sur les intentions de Staline en 1940/41. Les documents soviétiques ne sont toujours pas accessibles. Pourtant, nos briseurs de tabous savent parfaitement bien ce que voulait Staline. Et il voulait la paix. Évidement. Donc, l'attaque allemande était délibérée, injustifiée. Scélérate. Comme sont des scélérats ceux qui osent émettre d'autres hypothèses sur la question. Des scélérats et des menteurs. Des menteurs qui cultivent de mauvaises intentions. Voilà comment on défend des tabous.

    Pourtant Karl Marx déjà nous avait enseigné que les États socialistes devaient se préparer pour la guerre finale contre les capitalistes. Staline — on sait qu'il ne s'encombrait pas de scrupules inutiles — avait choisi de provoquer cette lutte finale par l'offensive. Et il l'avait planifiée jusqu'au plus insignifiant détail. Depuis 1930, tous les nouveaux wagons des chemins de fer soviétiques, épine dorsale de la logistique des armées modernes (encore de nos jours), devaient être construits de façon à pouvoir passer rapidement du grand écartement russe au petit écartement européen. Préconise-t-on de telles mesures quand on n'envisage que la défensive ? De plus, Staline avait mis sur pied une armée gigantesque. On pourrait arguer que c'était pour se défendre ; mais les chars et les unités aéroportées y jouaient un rôle prépondérant. Par conséquent, cette immense armée avait bel et bien été conçue pour une guerre offensive.

    top310.jpgComparons quelques chiffres pour donner une idée de la puissance soviétique en matière de blindés ; en 1941, la Wehrmacht possédait 3.700 chars capables d'engager le combat, c'est-à-dire des chars qui ont au moins un canon de 37 mm. Elle disposait en plus de 2.030 engins chenillés ou sur roues armés de mitrailleuses ou de canons de 20 mm. Elle a attaqué la Russie avec 2.624 chars et 1024 engins armés de mitrailleuses ou de canons légers de 20 mm (types Panzer I ou Panzer II). C'était tout ! Face à elle, l'Armée Rouge alignait entre 22.000 et 24.000 chars de combat, presque tous armés de canons de 45 mm ou plus. Parmi ces chars, on trouvait déjà 1.861 chars des types KV et T34, qui étaient invulnérables face à presque tous les chars allemands de l'époque. L'arme blindée soviétique, à elle seule, était plus puissante que toutes les autres forces blindées du monde ! La supériorité soviétique en matière de canons et de mortiers était plus impressionnante encore. Quant aux escadrilles aériennes, le rapport des forces était également défavorable aux Allemands : le 22 juin 1941, les unités allemandes envoyées au front russe disposaient de 2.703 avions de combat ; leurs adversaires soviétiques en avaient de 8.000 à 9.000, pour protéger des unités bien plus importantes encore, massées dans l'arrière-pays.

    Les Soviétiques disposaient en tout état de cause d'une puissance militaire capable de passer à l'offensive. Et l'URSS avait des raisons de s'en servir. Mais que voulait Staline ?

    Déjà, au début de l'été 1940, quand les Allemands n'avaient plus que 4 divisions à l'Est, Staline avait massé prés de 100 divisions le long de sa frontière occidentale. Personne ne saura jamais ce que Staline comptait en faire, au cas où l'attaque allemande contre la France se serait enlisée. À la veille de l'attaque allemande contre l'Est, Staline avait rassemblé 180 divisions dans ses districts militaires de l'Ouest. Elles venaient des régions les plus éloignées de l'empire soviétique : de la Transbaïkalie et du Caucase. À ces 180 divisions, s'ajoutaient encore 9 nouveaux corps mécanisés (chacun doté de plus de 1.000 chars) ainsi que 10 nouveaux corps d'armée aéroportés, ce qui trahissait bien les intentions offensives du dictateur géorgien.

    Bon nombre de ces divisions acheminées vers l'Ouest ont été cantonnées dans des bivouacs de forêt provisoires, où il s'avérait difficile de maintenir à long terme les acquis de l'instruction et la vigueur combative des troupes. Pas une seule de ces unités ne s'est mise en position défensive. Si elles avaient construit des redoutes de campagne, installé des obstacles, posé des champs de mines, l'attaque allemande de juin 1941 aurait été bloquée net et neutralisée. Les généraux soviétiques n'ont pas tenu leurs unités de chars en réserve pour une éventuelle contre-attaque mais les ont avancés le plus loin possible vers l'Ouest, dans les saillies frontalières. Indice plus révélateur encore : les dépôts logistiques de pièces de rechange, de munitions, etc. se situaient dans la plupart des cas à l'avant, plus à l'Ouest, que les unités de combat ou les escadrilles d'avions qui étaient censées s'ébranler les premières. Beaucoup de phénomènes apparemment marginaux confirment la thèse de l'imminence d'une attaque soviétique. Citons-en un seul : lors de leur avance fulgurante, les troupes allemandes ont souvent découvert des stocks de cartes militaires soigneusement emballées. Ces paquets contenaient des cartes de territoires allemands.

    La thèse de l'attaque délibérée ne tient plus

    wehrma10.jpgQue pouvons-nous prouver en avançant tous ces indices ? Rien. Sinon que l'attaque du 22 juin 1941 n'était probablement pas une attaque délibérée et injustifiée contre une URSS qui ne voulait que la paix. Staline avait tous les moyens qu'il fallait pour attaquer. Beaucoup d'indices prouvent qu'il avait également l'intention d'attaquer, comme Hitler l'a affirmé dans plusieurs conversations secrètes et privées. Reste à savoir quand cette attaque soviétique se serait déclenchée. Quelques semaines plus tard ? Au printemps de 1942 ? La décision allemande d'attaquer, la date du déclenchement des opérations, ont-elles été choisie parce que l'état-major allemand avait aperçu le danger d'une attaque soviétique imminente ou parce que les mouvements des troupes soviétiques ont précipité le cours des événements ou ont-elles été choisies tout à fait indépendamment des manœuvres soviétiques ? Voilà tout un jeu de questions encore sévèrement tabouisé. La “querelle des historiens”, il y a quelques années, l'a amplement démontré.

    Quoi qu'il en soit : tout historien qui prétend aujourd'hui, en dépit de tous ces indices, que l'attaque allemande était entièrement injustifiée, qu'elle a été perpétrée sans qu'il n'y ait eu la moindre provocation soviétique, tout historien qui avance la thèse d'une attaque allemande délibérée et veut faire d'une telle thèse un axiome de vérité, ne pourra plus être pris su sérieux. La raison, le bon sens et le programme du premier semestre de toute licence en histoire nous enseignent la même chose : toute connaissance sûre quant aux motivations, aux intentions et aux objectifs ne peut être acquise qu'au départ de documents internes. Or les documents soviétiques sont toujours inaccessibles.

    ► Dr. Franz Uhle-Wettler, Vouloir n°83/86, 1991. (texte issu de Junge Freiheit, juin 1991)

    • L'auteur : ancien Lieutenant-général de la Bundeswehr et Commandeur du NATO Defence College de Rome.

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    Opération Barbarossa : les forces en présence et les conclusions qu'on peut en tirer

    [Ci-dessous : encart issu de Guerres & Histoire n°2, été 2011]

    chars-barbarossaUn matin d'été, 3 h 30. La nuit est sombre du Cap Nord à la Mer Noire. Tout d'un coup, l'air est déchiré par le fracas assourdissant des canons. Des milliers d'obus forment une pluie d'acier et martèlent le versant soviétique de cette frontière. Les positions avancées de l'Armée rouge sont matraquées. Et quand les premières lueurs du jour apparaissent, la Wehrmacht allemande et ses alliés franchissent la frontière et pénètrent en URSS.

    C'était le 22 juin 1941. Un jour historique où l'Allemagne a joué son destin. La lutte âpre qui commence en ce jour va se terminer un peu moins de 4 années plus tard, dans les ruines de la capitale allemande, à Berlin. Pendant 45 ans, on nous a répété que cette défaite était le juste salaire, bien mérité, de l'acte que nous avions commis ce 22 juin. L'historiographie des vainqueurs de 1945 et de leur clientèle parmi les vaincus a présenté pendant plusieurs décennies l'Opération Barbarossa comme une guerre d'extermination minutieusement planifiée, perpétrée par des parjures qui n'avaient pas respecté le pacte qui nous liait à notre voisine de l'Est. Les historiens qui osaient émettre des opinions différentes de celles imposées par cette sotériologie officielle n'ont pas rigolé pendant 45 ans ! Mais aujourd'hui, alors que l'ordre établi à Yalta s'effondre, de gros lambeaux de légende s'en vont également en quenouille. En cette année 1991, 50 ans après les événements, on pourrait pourtant examiner les tenants et aboutissants de cette guerre et de ses prolégomènes sans s'encombrer du moindre dogme. En effet, on est impressionné par le grand nombre d'indices qui tendent à réfuter la thèse officielle d'une attaque délibérée et injustifiée contre une Union Soviétique qui ne s'y attendait pas. Ces indices sont tellement nombreux qu'on peut se demander comment des historiens osent encore défendre cette thèse officielle, sans craindre de ne plus être pris au sérieux : Nous savons désormais assez de choses sur ce qui s'est passé avant juin 1941, pour ne plus avoir honte de dire que l'attaque allemande du 22 juin a bel et bien été une guerre préventive.

    Un vieux débat

    Pourtant ce débat pour savoir si l'Opération Barbarossa a été une attaque délibérée ou une guerre préventive n'est ni nouveau ni original. Les 2 positions se reflétaient déjà dans les déclarations officielles des antagonistes dès le début du conflit. Le débat est donc aussi ancien que l'affrontement lui-même. L'enjeu de ce débat, aujourd'hui, est de savoir si l'on veut continuer à regarder l'histoire dans la perspective des vainqueurs ou non.

    L'ébranlement des armées allemandes qui a commencé en ce jour de juin a d'abord été couronné d'un succès militaire sans précédant. Effectivement, le coup brutal asséné par les troupes allemandes surprend la plupart des unités soviétiques. Par centaines, les avions soviétiques sont détruits au sol ; les positions d'artillerie et les concentrations de troupes sont annihilées. Au prix de lourdes pertes en matériel, les Soviétiques sont contraints de reculer. Dès le début du mois de juillet, commencent les grandes batailles d'encerclement, où des centaines de milliers de soldats soviétiques sont faits prisonniers. En tout et pour tout, l'URSS perd, au cours des 3 premières semaines de la guerre, 400.000 hommes, 7.600 chars et 6.200 avions : une saignée inimaginable.

    C'est après ces succès inouïs que le chef de l'état-major général de l'armée de terre allemande, le Colonel-Général Halder, écrit dans son journal : « Je n'exagère pas en disant que la campagne de Russie a été gagnée en 14 jours ». Une erreur d'appréciation, comme on n'en a jamais vue. Car au bout de 1.396 jours, la campagne la plus coûteuse que l’Allemagne n’ait jamais déclenchée, se termine par une défaite.

    Le désastre soviétique

    Pourtant, le désastre soviétique paraissait complet. Au vu de celui-ci, on comprend l'euphorie de Halder, même si on ne prend pas seulement en considération les 2 premières semaines de la guerre mais ses 6 premiers mois. Jusqu'à la fin de l'année 1941, la Wehrmacht fait environ 3 millions de prisonniers soviétiques. C'est l'ampleur de ces pertes qui incite les défenseurs de la thèse de l'attaque délibérée à justifier leur point de vue : en effet, ces pertes tendraient à prouver que l'Union Soviétique n'était pas préparée à la guerre, qu'elle ne se doutait de rien et qu'elle a été complètement surprise par l'attaque allemande.

    Il est exact de dire, en effet, que l'Union Soviétique n'avait pas imaginé que l'Allemagne l'attaquerait. Néanmoins, il est tout à fait incongru de conclure que l'Union Soviétique ne s'était pas préparée à la guerre. Staline avait bel et bien préparé une guerre, mais pas celle qu'il a été obligé de mener à partir de juin 41. Pour les officiers de l'état-major allemand comme pour tous les observateurs spécialisés dans les questions militaires, c'est devenu un lieu commun, depuis 1941, de dire que l'avance allemande vers l'Est a précédé de peu une avance soviétique vers l'Ouest, qui aurait été menée avec beaucoup plus de moyens. La vérité, c'est que le déploiement soviétique, prélude à l'ébranlement des armées de Staline vers l'Ouest, n'a pas eu le temps de s'achever.

    Comparer les forces et les effectifs en présence

    Lorsque l'on compare les forces et les effectifs en présence, on en retire d'intéressantes leçons. On ne peut affirmer que la Wehrmacht allemande — sauf dans quelques unités d'attaque aux effectifs réduits et à l'affectation localisée — était supérieure en nombre. Les quelque 150 divisions allemandes (dont 19 blindées et 15 motorisées), qui sont passées à l'attaque, se trouvaient en face de 170 divisions soviétiques massées dans la zone frontalière. Parmi ces divisions soviétiques, 46 étaient blindées et motorisées. En matériel lourd, la supériorité soviétique était écrasante. Les unités allemandes attaquantes disposaient de 3.000 chars et de 2.500 avions, inclus dans les escadrilles du front ; face à eux, l'Armée Rouge aligne 24.000 chars (dont 12.000 dans les régions militaires proches de la frontière) et 8.000 avions. Pour ce qui concerne les pièces d'artillerie, la Wehrmacht dispose de 7.000 tubes et les Soviétiques de 40.000 ! Si l'on inclut dans ces chiffres les mortiers, le rapport est de 40.000 contre 150.000 en faveur des Soviétiques. Le 22 juin, l'Armée soviétique aligne 4,7 millions de soldats et dispose d'une réserve mobilisable de plus de 10 millions d'hommes.

    Les Landser allemands avançant sur le front russe constatent très vite comment les choses s'agençaient, côté soviétique : effectivement, les pertes soviétiques sont colossales, mais, ce qui les étonne plus encore, c'était la quantité de matériels que les Soviétiques étaient en mesure d'acheminer. Les Allemands abattent 15 bombardiers soviétiques et voilà qu'aussitôt 20 autres surgissent. Quand les Allemands arrêtent la contre-attaque d'un bataillon de chars soviétiques, ils sont sûrs que, très rapidement, une nouvelle contre-attaque se déclenchera, appuyée par des effectifs doublés.

    Un matériel soviétique d'une qualité irréprochable

    Sur le plan de la qualité du matériel, la Wehrmacht n'a jamais pu rivaliser avec ses adversaires soviétiques. Alors qu'une bonne part des blindés soviétiques appartient aux types lourdement cuirassés KV et T-34 (une arme très moderne pour son temps), les Allemands ne peuvent leur opposer, avant 1942, aucun modèle équivalent. La plupart des unités allemandes sont dotées de Panzer I et de Panzer II, totalement dépassés, et de chars tchèques, pris en 1938-39.

    Pourquoi l'Allemagne ne peut-elle rien jeter de plus dans la balance ? Pour une raison très simple : après la victoire de France, l’industrie allemande de l'armement, du moins dans la plupart des domaines cruciaux, avait été remise sur pied de paix. Ainsi, les usines de munitions (tant pour l'infanterie que pour l'artillerie) avaient réduit leurs cadences, comme le prouvent les chiffres de la production au cours de ces mois-là. Est-ce un indice prouvant que l'Allemagne préparait de longue date une guerre offensive ?

    Concentration et vulnérabilité

    map-barbarossa[Ci-contre : Dès que la Grande-Bretagne et la France eurent déclaré la guerre à l'Allemagne, l'Armée Rouge entreprit de détruire ses propres systèmes défensifs. Les questions de défense du territoire cessèrent d'intéresser le commandement soviétique. Les “P” indiquent les zones verrouillées par des unités de partisans, appelées à harceler tout ennemi qui franchirait les frontières de l'URSS. Le démantèlement de cette ligne a permis aux armées de Hitler d'envahir de larges portions du territoire soviétique. Staline avait fait également disloquer la flottille du Dniepr qui aurait pu faire barrière en pitonnant les unités allemandes en progression vers l'intérieur de l'Ukraine]

    Mais cette réduction des cadences dans l'industrie de l'armement n'est qu'un tout petit élément dans une longue suite d'indices. Surgit alors une question que l'on est en droit de poser : « Si la supériorité soviétique était si impressionnante, comment se fait-il que la Wehrmacht n'ait pas été battue dès 1941 et que l'Armée Rouge ait dû attendre 1944-45 pour vaincre ? ». La réponse est simple : parce que le gros des forces soviétiques était déjà massé dans les zones de rassemblement, prêt à passer à l'attaque. Cette énorme concentration d'hommes et de matériels a scellé le destin de l'Armée Rouge en juin 1941. En effet, les unités militaires sont excessivement vulnérables lorsqu'elles sont concentrées, lorsqu'elles ne se sont pas encore déployées et qu'elles manœuvrent avant d'avoir pu établir leurs positions. À ces moments-là, chars et camions roulent pare-chocs contre pare-chocs ; les colonnes de véhicules s'étirent sur de longs kilomètres sans protection aucune ; sur les aérodromes, les avions sont rangés les uns à côté des autres.

    Aucune armée au monde n'a jamais pris de telles positions pour se défendre. Tout état-major qui planifie une défense, éparpille ses troupes, les dispose dans des secteurs fortifiables, aptes à assurer une défense efficace. Toute option défensive prévoit le creusement de réseaux de tranchées, fortifie les positions existantes, installe des champs de mines. Staline n'a rien fait de tout cela. Au contraire : après la campagne de Pologne et à la veille de la guerre avec l'Allemagne, Staline a fait démanteler presque entièrement la ligne défensive russe qui courait tout au long de la frontière polono-soviétique pour prévenir toute réédition des attaques polonaises ; mieux, cette ligne avait été renforcée sur 

    une profondeur de 200 à 300 km. Or, pourtant, l'Armée Rouge, pendant la guerre de l'hiver 1939-40 contre la Finlande, avait payé un très lourd tribut pour franchir le dispositif défensif finlandais. Toutes les mesures défensives, toutes les mesures de renforcement des défenses existantes, ont été suspendues quelques mois avant que ne commence l'Opération Barbarossa. Les barrières terrestres ont été démontées, les charges qui minaient les ponts et les autres ouvrages d'art ont été enlevées et les mines anti-chars déterrées. Quant à la “Ligne Staline”, bien plus perfectionnée, elle a subi le même sort, alors que, depuis, 1927, on n'avait cessé de la renforcer à grand renfort de béton armé. Et on ne s'est pas contenté de la démonter en enlevant, par ex., toutes les pièces anti-chars : on a fait sauter et on a rasé la plupart des bunkers qui la composaient. Ces démontages et ces destructions peuvent-ils être interprétés comme des mesures de défense ? Le Maréchal soviétique Koulikov disait en juin 1941 : « Les mines sont des moyens pour ceux qui se défendent... Nous n'avons pas tellement besoin de mines mais plutôt de matériel de déminage ».

    Les dix corps aéroportés de Staline

    Bon nombre d'autres mesures prises par les Soviétiques ne sauraient être interprétées comme relevant de la défense du territoire. Par ex., la mise sur pied de 10 corps aéroportés. Les troupes aéroportées sont des unités destinées à l'offensive. Entraîner et équiper des unités aéroportées coûtent des sommes astronomiques ; pour cette raison budgétaire, les États belligérants, en général, évitent d'en constituer, ne fût-ce qu'un seul. L'Allemagne ne l'a pas fait, alors que la guerre contre l'Angleterre le postulait. Staline, pour sa part, en a mis 10 sur pied d'un coup ! Un million d'hommes, avec tous leurs équipements, comprenant des chars aéroportables et des pièces d'artillerie légères. Au printemps de l'année 1941, l'industrie soviétique, dirigée depuis sa centrale moscovite, ordonna la production en masse des planeurs porteurs destinés au transport de ces troupes. Des milliers de ces machines sont sorties d'usine. Staline, à l'évidence, comptait s'en servir pendant l'été 1941, car rien n'avait été prévu pour les entreposer. Or ces planeurs n'auraient pas pu résister à un seul hiver russe à la belle étoile.

    Ensuite, depuis la fin des années 30, l'industrie de guerre soviétique produisait des milliers d'exemplaires du char BT : des blindés de combat capables d'atteindre des vitesses surprenantes pour l'époque et dont le rayon d'action était impressionnant ; ces chars avaient des chenilles amovibles, de façon à ce que leur mobilité sur autoroutes soit encore accentuée. Ces chars n'avaient aucune utilité pour la défense du territoire.

    En revanche, pour l'attaque, ils étaient idéaux ; en juillet 1940, l'état-major soviétique amorce la mise sur pied de 10 armées d'avant-garde, baptisées “armées de sécurité” pour tromper les services de renseignements étrangers. À ce sujet, on peut lire dans l'Encyclopédie militaire soviétique : « Les armées d'avant-garde ont été constituées pour des missions purement offensives » (vol. 1, p. 256). Il s'agissait d'armées disposant de masses de blindés, en règle générale, de un ou de deux corps dotés chacun de 500 chars, dont les attaques visait une pénétration en profondeur du territoire ennemi.

    Les préparatifs offensifs de l'Armée rouge peuvent s'illustrer par de nombreux indices encore : comme par ex. le transport vers la frontière occidentale de l'URSS de grandes quantités de matériels de génie prévoyant la construction de ponts et de voies ferrées. Les intentions soviétiques ne pouvaient être plus claires.

    Hitler prend Staline de vitesse

    s320x210.jpgC'est sans doute vers le 13 juin que l'état-major général soviétique a commencé à mettre en branle son 1er échelon stratégique, donc à démarrer le processus de l'offensive. L'organisation de ce transfert du 1er échelon stratégique a constitué une opération gigantesque. Officiellement, il s'agissait de manœuvres d'été. À l'arrière, le 2ème échelon stratégique avait commencé à se former, dont la mission aurait été de prendre d'assaut les lignes de défense allemandes, pour le cas (envisagé comme peu probable) où elles auraient tenus bon face à la première vague.

    Mais le calcul de Staline a été faux. Hitler s'est décidé plus tôt que prévu à passer à l'action. Il a précédé son adversaire de 2 semaines. Côté soviétique, la dernière phase du déploiement du 1er échelon (3 millions d'hommes) s'était déroulée avec la précision d'une horloge. Mais au cours de ce déploiement, cette gigantesque armée était très vulnérable. Le matin du 22 juin, l'offensive allemande a frappé au cœur de cette superbe mécanique et l’a fracassée.

    À ce moment, de puissantes forces soviétiques se sont déjà portées dans les balcons territoriaux en saillie de la frontière occidentale, notamment dans les régions de Bialystok et de Lemberg (Lvov). Les Allemands les ont encerclées, les ont forcées à se rassembler dans des secteurs exigus et les y ont détruites. Et ils ont détruit également d'énormes quantités de carburant et de munitions que les trains soviétiques avaient acheminés vers le front le matin même.

    Staline jette ses inépuisables réserves dans la balance

    Le désastre soviétique était presque parfait. Presque, pas entièrement. Les pertes étaient certes énormes mais les réserves étaient encore plus énormes. De juillet à décembre 1941, l'Union Soviétique a réussi à remettre sur pied 200 importantes unités, dont les effectifs équivalaient à ceux d'une division. La Wehrmacht n'a pas su en venir à bout. Pendant l'hiver, devant Moscou, l'Allemagne a perdu sa campagne de Russie. À partir de ce moment-là, la Wehrmacht n'a plus livré que des combats désespérés contre l'Armée Rouge, avec un acharnement aussi fou qu'inutile, tant l'adversaire était numériquement supérieur, et compensait ses pertes en matériel par les livraisons américaines.

    Voici, en grandes lignes, les faits présents le 22 juin 1941. L'histoire des préliminaires de cette campagne de Russie, la question de savoir à quelle date précise les Allemands et les Soviétiques avaient décidé d'attaquer, restent matière à interprétation, d'autant plus que d'importantes quantités d'archives allemandes sont toujours inaccessibles, aux mains des vainqueurs, et que les archives soviétiques ne peuvent toujours pas être consultées par les chercheurs. La raison de ces secrets n'est pas difficile à deviner...

    ► Joachim F. Weber, Vouloir n°83/86, 1991. (texte issu de Criticón n°125, mai/juin 1991)

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    Bibliographie

    Guerre préventive ou attaque délibérée ?

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    C'est à partir de 1985 que l'on a commencé à parler de l'Opération Barbarossa comme d'une guerre préventive destinée à frapper les concentrations de troupes massées par Staline le long de la frontière occidentale de l'URSS. Le philosophe autrichien Ernst Topitsch, dans son livre Stalins Krieg : Die sowjetische Langzeitstrategie gegen den Westen als rationale Machtpolitik (La guerre de Staline : La stratégie à long terme des Soviétiques contre l'Ouest en tant que politique de puissance rationnelle, 1985), a été le premier à démontrer que Staline a tenté de profiter des divisions entre les grandes puissances occidentales pour prendre le contrôle de toute l'Europe. Un an après, Viktor Souvorov, un officier du GRU soviétique passé à l'Ouest, commence à publier toute une série d'articles dans la presse militaire anglo-saxonne, démontrant que Staline avait fait démanteler les lignes défensives soviétiques et avait concentré des troupes en vue de s'emparer au moins des zones pétrolifères roumaines, de la Pologne, des zones industrielles de Silésie et de la Slovaquie. Ces réflexions prennent la forme d'un livre en 1986, traduit [par Pierre Lorrain] en français 3 ans plus tard : Viktor Souvorov, Le brise-glace – Juin 1941 : le plan secret de Staline pour conquérir l’Europe, Olivier Orban, Paris, 1989.

    En Allemagne, au même moment, l'historien Max Klüver publiait Präventivschlag 1941 : Zur Vorgeschichte des Rußland-Feldzuges (La guerre préventive de 1941 : Les prolégomènes de la campagne de Russie, Druffel-Verlag, Leoni am Starnberger See, 1986). Très systématique, l’auteur montre comment Staline s'empare des Pays Baltes, de la Bessarabie et de la Bukovine, démontrant par là même que sa volonté d'expansion se tournait vers l'Ouest et non pas vers l'Est, la Perse, l'Afghanistan et le Pakistan, comme le prévoyait les accords germano-soviétiques. Max Klüver analyse aussi l'histoire des rapports anglo-soviétiques et montre que, en secret, Staline avait promis de ne pas toucher à l'Empire britannique au Moyen-Orient. Klüver signale aussi l'importance de l'arbitrage de Vienne, où la diplomatie allemande réconcilie Hongrois et Roumains à propos de la Transylvanie, sans demander l'aide soviétique. Il explique par ailleurs que la Finlande, qui vient de terminer une guerre contre l'URSS, est un fournisseur de bois et de matières premières pour le Reich et que celui-ci ne peut pas boycotter purement et simplement le “Pays des mille lacs”, comme le voulait Staline. Enfin, Klüver rappelle le fatidique traité soviéto-yougoslave du 5 avril 1941 qui a porté les tensions entre le Reich et l'URSS à leur comble. Conclusion de Klüver : l'Opération Barbarossa était bel et bien préventive. À Paris, les éditions Porte-Glaive préparent une version française de cet ouvrage important qui bouleversera bon nombre d'idées acquises.

    Enfin, plus récemment, l'historien Fritz Becker, qui avait rencontré Molotov lors de son séjour à Berlin, a publié, à son tour, un ouvrage sur la question : Im Kampf um Europa : Stalins Schachzüge gegen Deutschland und den Westen, Leopold Stocker Verlag, Graz, 1991. Dans ce livre, Fritz Becker énumère les entorses perpétrées par le gouvernement soviétique aux accorda Molotov-Ribbentrop. Le Secrétaire d'État Ernst von Weizsäcker, père de l’actuel Président de la RFA, rappelle Becker, a compris le double jeu des Soviétiques, en observant notamment le comportement de l'ambassadrice soviétique à Stockholm, la fameuse Kollontai. Staline a cru que les armées allemandes allaient être bloquées en France comme en 1914. Au moment de la campagne de France, il a commencé à acheminer ses troupes vers l'Ouest. Mais la France est totalement envahie et Staline ne peut déployer toutes ses troupes avant le retour des divisions allemandes du front occidental. En novembre, Molotov exige des concessions territoriales à l'Ouest, ce que ne prévoyait pas le Pacte germano-soviétique. Becker signale enfin un document émanant de Staline et daté du 16 février 1943, prouvant que l'URSS avait l'intention de passer à l'offensive à l'Ouest pendant l'été 1941.

    Une approche de la problématique qui s'impose lentement mais sûrement dans la confrérie des historiens, malgré les réticences que l'on devine.

    ► Vouloir n°83/86, 1991. 

     

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    Les prolégomènes de l'attaque allemande contre l'URSS (22 juin 1941)

    Plus d'une génération après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'historiographie souffre encore et toujours de la mise au secret des archives de guerre alliées. Ce sont surtout les archives de Moscou qui demeurent inaccessibles aux historiens. Malgré cela, les historiens ont pu, au cours des dernières décennies, réfuter pour l'essentiel la thèse des vainqueurs : celle d'une attaque-surprise de Hitler contre une “Union Soviétique qui ne voulait que la paix”. Un historien diplômé, qui s'est spécialisé dans ces questions, nous donne un survol des opinions sur cet épisode de la Seconde Guerre mondiale et dresse le bilan de l'historiographie allemande sur ce sujet.

    Les accords secrets du 23 août 1939

    La politique étrangère de Hitler a été telle qu'en 1939 les Polonais se sont sentis très menacés. Hitler, comme chacun le sait, demandait aux Polonais de négocier à propos du Corridor et de la Ville Libre de Dantzig, créations du Traité de Versailles. Les Polonais ont pu se montrer intransigeants — au contraire des Tchèques pendant l'automne 1938 — parce qu'ils jouissaient depuis le 31 mars 1939 d'une garantie britannique, qui, chose étonnante, s'étendait très loin. La Grande-Bretagne avait promis de venir en aide à la Pologne en cas de guerre. Ce pacte d'assistance anglo-polonais, auquel la France s'est jointe rapidement, ne pouvait fonctionner sur le plan militaire que si une autre grande puissance continentale y adhérait. Or seule l'Union Soviétique pouvait entrer en ligne de compte dans cette optique.

    Les États capitalistes, France et Angleterre, courtisèrent assidûment l'URSS au cours de l'été 1939. Mais les négociations échouèrent parce que les Polonais se méfiaient des Russes. Les Polonais refusèrent que les Russes obtiennent le droit de traverser leur territoire pour aller garnir l'hypothétique front occidental de la Pologne. Varsovie craignait que les Russes ne profitent de l'occasion pour régler un vieux contentieux et pour demeurer en Pologne orientale, territoire qu'ils réclamaient depuis longtemps.

    Ce fut la grande chance de Hitler. Dans n'importe quel livre scolaire, on mentionne la surprise de l'opinion publique internationale quand, le 23 août 1939, l'entrée en vigueur du pacte Hitler-Staline est annoncée officiellement. Le monde pouvait à peine croire que 2 ennemis mortels, sur le plan idéologique, la Russie communiste et le Reich national-socialiste, arrivaient à s'entendre et à régler pacifiquement leurs différends d'un coup et pour dix ans.

    Mais les accords secrets qui accompagnaient le pacte sont, à notre avis, bien plus intéressants à étudier et leurs conséquences sont plus importantes. L'opinion publique internationale n'a appris leur existence qu'après la Seconde Guerre mondiale et l'URSS continue à les nier.

    Dans ce protocole secret, les signataires avaient prévu un partage de la Pologne : la partie occidentale du pays, avec la Lithuanie, étaietn attribués à la sphère des intérêts allemands ; la partie orientale à la sphère des intérêts soviétiques. La Finlande, l'Estonie, la Lettonie et la Bessarabie tombaient également dans l'orbite soviétique.

    Une semaine plus tard, le 1er septembre 1939, les Allemands attaquent la Pologne. Hitler a pu attaquer sans trop de risques ; il savait que l'Armée Rouge ne bougerait pas et qu'il n'y aurait pas de guerre sur 2 fronts.

    Les Soviétiques en Pologne en 1939

    Quel fut le comportement de Staline après le 1er septembre 1939 ? Il a d'abord attendu de voir comment les choses évoluaient ; il pensait que les Anglais et les Français allaient attaquer l'Allemagne immédiatement. Les États capitalistes se seraient affrontés ce qui, conformément à l'idéologie de Staline, n'aurait profité qu'à la seule URSS.

    Pour prolonger la guerre entre l'Allemagne et la Pologne, Staline alla même jusqu'à promettre secrètement des armes aux Polonais, pour qu'ils poursuivent leur lutte contre les Allemands. Il n'a pas pu mettre ce projet à exécution, parce que la Wehrmacht a avancé trop rapidement, à la surprise générale, et parce que le Kremlin a été complètement surpris par la rapide victoire allemande, malgré les affirmations contraires de Molotov (1). Quand le sort de la Pologne était presque réglé, les Soviétiques se sont décidés à pénétrer en Pologne le 17 septembre 1939. Le désarroi était tel que certaines unités polonaises ont cru que les Russes volaient à leur secours (2).

    Comme ni Moscou ni Varsovie n'avaient déclaré la guerre formellement, les Polonais désarmés ont été considérés par les Russes comme des criminels. Beaucoup d'entre eux aboutirent dans des camps pénitentiaires d'URSS (3).

    Dans ce contexte, on connaît généralement le massacre par les Soviétiques de quelque 15.000 officiers polonais, prisonniers de l'Armée Rouge. « On en a acquis la certitude ultérieurement, les officiers polonais ont été exécuté d'une balle dans la nuque au début de l'année 1940 et jetés dans des fosses communes. L'une de ces fosses a été découverte en avril 1943 par des soldats allemands près de Katyn dans les environs de Smolensk. Des représentants de la Croix-Rouge internationale l'ont visitée. Elle contenait environ 4800 cadavres » (4).

    Sur base du droit des gens, les Soviétiques ont incorporé immédiatement dans leurs structures étatiques les territoires attribués à leur sphère d'influence. À l'aide de leurs techniques manipulatoires bien éprouvées, ils ont fait élire dès octobre 1939 des représentants pour les assemblées nationales ouest-ukrainienne et biélorusse. Ces 2 assemblées ont tenu diète séparément : l'une à Lvov (Lemberg ; Lviv) en Ukraine ; l'autre à Bialystok en Biélorussie. Les orateurs se sont succédé à la tribune pour dire que leur rêve le plus cher était d'être annexés à l'URSS (5). À la suite de quoi, les 2 assemblées nationales ont voté à l'unanimité pour l'annexion aux RSS de Biélorussie et d'Ukraine (6).

    Dans les terrioires nouvellement acquis, les Soviétiques ont immédiatement dépossédé la “classe des exploitateurs et des propriétaires terriens”, ce qui englobait non seulement les gros propriétaires terriens polonais mais aussi tous les paysans, tous les entrepreneurs, petits industriels et commerçants. Tous perdirent définitivement leurs avoirs. On ferma également les écoles supérieures, les universités, les instituts de recherches et les bibliothèques ; de même, toutes les églises et toutes les synagogues (7).

    Une bonne partie de la population de cette ex-Pologne orientale a été déportée par les Soviétiques : environ 1,2 million de personnes en 1939 et 1940. Beaucoup de Polonais tentèrent d'échapper au filet des organes de sécurité soviétiques. Ils gagnèrent la Lithuanie ou la Roumanie en grand nombre, mais la plupart d'entre eux se réfugia dans les zones occupées par les Allemands. Des milliers d'entre eux demandèrent aux autorités allemandes de rejoindre leurs familles, et, au grand étonnement d'un Khroutchev, parmi ces demandeurs d'asile, il y avait beaucoup de Juifs, qui souhaitaient s'installer dans les territoires sous contrôle allemand, sans craindre, apparemment, la terreur nazie (8).

    Le Traité qui règle les problèmes de frontières, le Traité d'amitié et les accords commerciaux

    Comment s'est agencée la collaboration germano-soviétique en Pologne occupée ? Le 28 septembre 1939, Allemands et Soviétiques signent un traité d'amitié qui règle en même temps les problèmes de frontières entre les 2 puissances ; ce traité confirme en gros les conventions en matières territoriales prises le 23 août 1939, mais avec les modifications suivantes : le Reich englobe désormais dans sa sphère d'influence la plus grande partie de la Pologne jusqu'au cours de la rivière Bug ; en contrepartie, l'URSS prend la Lithuanie dans sa propre sphère d'influence.

    Tout aussi importants ont été les accords commerciaux d'une durée d'un an, signés le 11 février 1940 entre l'Union Soviétique et le Reich. Le volume des transactions s'élevait à 800 millions de RM. Selon ces accords, le Reich allait prendre livraison de matières premières indispensables à la guerre, du pétrole et divers minerais, des céréales, etc. dans des quantités telles qu'elles réduisaient presque à néant les effets du blocus britannique. L'Allemagne payait ces livraisons de matériels d'équipement de marine et de machines-outils (9).

    Ces accords ne constituaient pas un traité commercial ordinaire mais bien plutôt un traité d'aide réciproque. La preuve ? L'URSS devait importer des matières premières pour pouvoir les vendre à l'Allemagne (par ex. le caoutchouc) (10). Autre clause importante pour l'Allemagne dans cet accord : l'URSS mettait ses chemins de fer à la disposition du commerce allemand pour le transit du pétrole roumain vers l'Allemagne ; de même, pour les marchandises en transit à travers la Pologne soviétisée et venant du Proche-Orient et de l'Extrême-Orient.

    Qui plus est, l'Union Soviétique n'a même pas tenté de cacher à l'opinion publique internationale son option en faveur du Reich. Au contraire : quand Hitler occupe au printemps 1940 le Danemark et la Norvège, puis la France, Molotov lui envoie très officiellement des félicitations. Sur le plan idéologique également, les Soviétiques tentèrent de justifier les actions de leurs nouveaux amis face aux critiques et aux questions des partis communistes occidentaux.

    Les premières tensions entre Berlin et Moscou

    Les Soviétiques se sont efforcés, dans un premier temps, d'occuper réellement les territoires que Hitler leur avait permis d'inclure dans leur sphère d'intérêts. Des pressions d'ordre politique et militaire ont rapidement vaincu la résistance des gouvernements estonien, letton et lithuanien : ceux-ci accordèrent à l'Armée Rouge des points d'appui sur leur territoire.

    Les Finlandais ne se plièrent pas aux exigences soviétiques. Le 30 novembre 1939, l'URSS attaque la Finlande. Malgré la supériorité des Soviétiques, les forces finlandaises parvinrent à tenir jusqu'en mars 1940. Le 12 mars 1940, Finlandais et Soviétiques négocient un traité de paix à Moscou. La Finlande cède plusieurs territoires caréliens à l'URSS.

    Même si l'inclusion des Pays Baltes dans l'URSS s'était faite avec l'assentiment de Hitler, en pratique, les conflits n'ont pas tardé à survenir.

    Le 20 juin 1940, les troupes soviétiques avaient envahi la Lithuanie complètement, jusqu'à la frontière de la Prusse orientale, alors que dans l'accord secret du 28 septembre 1939, les 2 dictateurs étaient convenus qu'une bande territoriale située au sud-ouest de la Lithuanie devait revenir au Reich, qui, de cette façon, corrigerait le tracé de sa frontière. Il a fallu des négociations serrées pour que le 10 janvier 1940, à l'occasion de nouveaux accords économiques, l'URSS consente à donner une compensation de 7,5 millions de dollars-or à l'Allemagne pour que celle-ci renonce à cette bande territoriale (11). Mais les rapports germano-soviétiques devenaient de jour en jour plus problématiques en Europe du Sud-Est. Dans cette région du continent, Hitler, dans le fameux protocole secret, n'avait donné carte blanche aux Soviétiques que pour la Bessarabie roumaine. Le 28 juin 1940, Staline frappe dans cette région et, après avoir lancé un ultimatum, il y fait entrer ses troupes. Mais il ne se contente pas de la Bessarabie mais s'empare du même coup de la Boukovine du Nord, qui appartenait, elle aussi, à la Roumanie (12).

    Hitler aurait pu se sentir offenser, car il tenait absolument à ce que la Roumanie demeure stable, parce qu'elle lui livrait d'importantes quantités de pétrole.

    On remarquera que Staline passe à l'action au moment où Hitler tient la victoire en France. Sans doute, le dictateur georgien voulait-il s'assurer une part de butin. Hitler a dû accepter le fait accompli, car, sans les livraisons de matériels soviétiques, il n'aurait jamais pu mener la campagne de France. Quoi qu'il en soit, c'est ce qu'il a affirmé devant Molotov le 1er août 1940 (13).

    Mais les rapports germano-soviétiques ne pouvaient demeurer harmonieux vu la situation dans les Balkans. Ce que prouvent par ex. les demandes maintes fois réitérées du Roi Carol de Roumanie à l'Allemagne, d'envoyer une mission militaire à Bucarest (14). En août 1940, Hitler décide de convoquer les petites puissances régionales à l'arbitrage de Vienne, où les puissances de l'Axe garantissent l'intégrité territoriale de la Roumanie (15) : une mesure qui était dirigée exclusivement contre l'URSS et qui entendait faire barrage aux désirs d'expansion soviétiques dans la région. Cette décision a évidemment hypothéqué les relations entre Soviétiques et Allemands. Et quand la Wehrmacht fit transiter des troupes à travers la Finlande neutre pour prendre position sur les côtes de l'Océan Arctique dans la région de Kirkenes, Molotov émit une plainte, comme quoi le Reich avait enfreint le droit en faisant pénétrer des unités numériquement importantes de son armée dans un territoire attribué à la sphère d'influence soviétique (16). L'Allemagne a alors justifié ses intérêts en Finlande et en Roumanie par la nécessité d'obtenir de ces pays des matières premières nécessaires à la guerre : le pétrole roumain et le nickel finlandais.

    On voit que les rapports entre les 2 dictateurs étaient déterminés par l'envie et la méfiance, tout au long de l'année 1940. Chacun d'eux voyait en l'autre son futur adversaire et veillait, avec mesquinerie, que l'autre n'interfère pas dans sa zone d'influence.

    La visite de Molotov à Berlin, les 12 et 13 novembre 1940

    Dans la perspective qui est celle d'aujourd'hui, on peut se demander si en 1940 il n'aurait pas été possible d'éviter la guerre avec l'URSS. L'historiographie donne des réponses très diversifiées à cette question.

    Qu'on se rappelle la situation politique de 1940. Fin juin, la France capitule. Il fallait donc mettre l'Angleterre à genoux. Quand il est apparu au grand jour que ce n'était pas possible, Hitler forgea le 27 septembre 1940 le Pacte Tripartite entre l'Allemagne, l'Italie et le Japon, pacte qui devait rester ouvert à la Russie, ce qu'il est très intéressant de noter (17). C'était une tentative de reconduire la répartition des forces de 1939 et de trouver un modus vivendi avec les Soviétiques.

    Hitler partait du principe que les Anglais capitulerait assez vite s'ils constataient qu'une guerre germano-soviétique n'était plus possible. C'est-à-dire que l'URSS n'était plus prête à jouer le rôle d'allié continental de l'Angleterre. Enfin, les États-Unis auraient été contraints de bien réfléchir avant d'entrer officiellement en guerre, vu qu'ils auraient dû affronter un immense bloc continental formé par l'Allemagne, l'Italie, le Japon et la Russie. L'idée d'un bloc continental était l'idée favorite du ministre allemand des affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop. À ce bloc, devaient s'ajouter ultérieurement la France et l'Espagne.

    Mais les pourparlers décisifs eurent lieu les 12 et 13 novembre 1940 à Berlin.

    C'est Ribbentrop qui prit la parole le premier : il expliqua aux Soviétiques quelle était la position allemande ; il exprima sa conviction que l'Angleterre était déjà vaincue. Or, en totale contradiction avec cette assertion de Ribbentrop, les très officiels Actes de la politique étrangère allemande, dans lesquels la conversation toute entière a été consignée, mentionnent que les délégations se sont rendues dans les abris anti-aériens du Ministère des affaires étrangères du Reich, car on annonçait des attaques de la RAF, et que les pourparlers finaux y ont eu lieu”. Molotov, qui avait le sens de l'humour, dit à Ribbentrop, en le saluant cordialement lors de son départ, qu'il ne s'était nullement formalisé de cette alerte aérienne, car cela lui avait permis de s'entretenir en long et en large — pendant 2 heures et demie — avec le Ministre des affaires étrangères du Reich (18).

    Ribbentrop avait soumis à son homologue soviétique un projet de traité tout prêt, qui reposait sur l'hypothèse d'un fin imminente des hostilités. L'Allemagne, le jour où la paix serait signée, se contenterait de parfaire les révisions territoriales qui s'imposaient en Europe. Les aspirations territoriales allemandes du futur se porteront vers l'Afrique centrale. En contrepartie, Ribbentrop suggère à Molotov d'infléchir le poids de l'Union Soviétique vers le Sud, en direction de l'Océan Indien. Quoi qu'il en soit, les Soviétiques recevraient pour toujours le droit de franchir les détroits avec leurs navires de guerre.

    Les intentions des Allemands étaient claires : Staline aurait dû laisser à Hitler les mains libres en Europe centrale et orientale ; en contrepartie, Staline auraient eu les mains libres en Asie.

    Dans sa réponse, Molotov ne releva même pas l'offre allemande mais suggéra un modus vivendi différent, démontrant simultanément que l'URSS n'entendait pas être tenue à l'écart des affaires européennes. Molotov, en pratique, exigea le droit de s'immiscer dans toutes les questions ouvertes de l'Europe de l'époque. L'URSS s'intéressait à la Turquie, à la Bulgarie, à la Roumanie, à la Hongrie, à la Yougoslavie, à la Grèce, à la Finlande et à la Pologne. Les Soviétiques voulaient même discuter du futur statut de la neutralité suédoise. Le Ministre des affaires étrangères soviétique termina son exposé en signalant que la Russie montrerait également dans l'avenir un vif intérêt pour le contrôle aux accès à la Mer Baltique et à la Mer du Nord (Skagerrak et Kattegat) (19).

    Moscou n'avait jamais exprimé ses desiderata de façon aussi explicite. Göring a décrit plus tard la réaction de la délégation allemande : « Nous sommes presque tous tombés de nos chaises » (20).

    Pourquoi les Soviétiques ont-ils subitement adopté une position aussi dure ? Probablement parce que Roosevelt venait d'être réélu le 5 novembre 1940. Le Président des États-Unis s'était fait l'avocat de meilleures relations entre son pays et l'URSS et voulait aider l'Angleterre (21).

    Hitler était bien forcé d'interpréter les affirmations de Molotov dans ce sens et de constater que Staline voulait utiliser le Reich pour parfaire une seconde expansion vers l'Ouest de l'URSS. Staline, de surcroît, savait parfaitement que Hitler dépendait de Moscou à cause des matières premières venues des Balkans et de l'espace soviétique. Cet atout, Staline le jouait sans vergogne. Restait ensuite l'éventualité que l'URSS se range du côté des Anglais : l'Armée Rouge avait fait avancer 100 divisions et les avait massées de la Baltique aux Carpathes. Hitler, du coup, devait se sentir menacé par l'URSS et dépendant d'elle ; les Soviétiques pouvaient le faire chanter (22). De plus, les services secrets allemands avaient eu vent des conversations secrètes entre Russes et Américains : faits dont Hitler devait désormais tenir compte (23).

    Idéologue ou pragmatique ?

    L'historiographie contemporaine conteste l'importance de la visite de Molotov à Berlin. L'école représentée par Andreas Hillgruber n'accorde à cette visite qu'une importance réduite. Hillgruber part du principe que Hitler voulait la guerre contre l'URSS dès le départ. La façon dont le Führer entama cette guerre, la brutalité avec laquelle il l'a menée, signifient, pour Hillgruber que Hitler considérait cette guerre comme la sienne.

    Or cette thèse on ne peut la prouver qu'en faisant référence à l'idéologie nationale-socialiste, qui réclamait de l'“espace vital” pour le peuple allemand à l'Est, justifiait la lutte contre les “races inférieures” (Slaves et Juifs) et annonçait le combat final contre la bolchévisme qu'elle haïssait. Tels sont les facteurs énumérés par les historiens qui attribuent à Hitler, à partir de 1920 environ, la volonté de mener une guerre de conquête à l'Est. Ils lui concèdent toutefois d'avoir souhaité une pause de quelques années après avoir vaincu la France et l'Angleterre (qu'il croyait vaincre rapidement après juin 1940). Après cette pause, Hitler, d'après les historiens de l'école de Hillgruber, aurait mis son programme à exécution et amorcé la conquête de l'URSS. Vu sous cet angle, les conversations de Berlin n'aurait pas eu d'autre signification que de gagner du temps.

    Ce qui fait problème : c'est l'importance que l'on accorde, dans ce contexte, à l'idéologie et au programme de la NSDAP. Question : Hitler était-il vraiment marqué par une idéologie, comme on le dit aujourd'hui ? N'a-t-il pas été, le plus souvent, un pragmatique qui calculait ses coups à froid ? On se souvient surtout du sort des Tyroliens du Sud que Hitler, s'il avait suivi son “idéologie”, aurait dû incorporer dans le Reich ; mais Hitler a plutôt agi en machiavélien : il a sacrifié l'irrédentisme sud-tyrolien au profit de son alliance avec Mussolini. Il a eu exactement le même comportement avec la Pologne : il n'a pas tenu compte des intérêts de la minorité allemande de ce pays entre 1934 et 1938, parce qu'il ne jugeait pas opportun de se préoccuper d'elle dans le cadre de sa politique étrangère de ces années-là.

    Mis à part ces exemples ou d'autres faits de même nature, nous devons formuler une objection de principe : les historiens ne devraient pas croire aveuglément, sans émettre de critiques, que les affirmations de nature idéologique de tel ou tel individu ou de telle ou telle formation politique sont automatiquement transposées dans la réalité dès que l'occasion se présente. Tous les systèmes marqués par une idéologie — et le système marxiste offre sur ce chapitre suffisamment d'exemples — ont pour caractéristique que, dès qu'ils se hissent au pouvoir, ils se transforment sous la pression du réel et finissent par présenter un visage purement pragmatique. Pourquoi dès lors Hitler constituerait-il une exception ? Les historiens devraient se garder, de prendre des formules de nature idéologique pour des éléments de preuve, qui plus est, de preuves définitives, pour expliquer que tel acte positif ou tel acte condamnable ont été commis en leur nom. En premier lieu, il faut avancer les faits que prouvent les sources, pour pouvoir juger d'un événement historique.

    En 1982, une controverse scientifique a eu lieu sur cette question de méthode dans les colonnes de la revue Geschichte in Wissenschaft und Unterricht (n°4, 1982).

    Hillgruber, une fois de plus, y a réitéré sa thèse habituelle : Hitler aurait toujours voulu la guerre contre l'URSS pour des raisons d'ordre idéologique. Mais l'historien militaire Stegemann s'est opposé à cette interprétation ; pour lui, ce sont, en première instance, des considérations d'ordre stratégique qui ont conduit Hitler à attaquer l'Union Soviétique. Pour preuve, Stegemann évoque la politique de Staline pendant l'été 1940, que nous venons d'exposer ; cette politique menaçait dangereusement les intérêts allemands et Hitler a fini par considérer l'URSS comme un allié potentiel de l'Angleterre (24). Ensuite, Stegemann a avancé d'autres arguments : dès juin 1940, alors que l'armistice n'avait pas encore été signé avec la France et que des combats se déroulaient encore entre Français et Allemands, Hitler a ordonné que l'on réduise les effectifs de l'armée de terre de 155 à 120 divisions et que l'industrie militaire devait concentrer ses efforts sur l'aviation et la marine (25). Ce sont là des mesures qui montrent à l'évidence que le Reich ne préparait pas une guerre de conquête à l'Est.

    Hitler a évoqué pour la première fois l'idée d'en découdre militairement avec l'URSS à la date du 22 juillet 1940. Halder a consigné ses dires dans son journal. Et les motivations qui animaient le Führer étaient essentiellement d'ordre stratégique. Hitler, ensuite, a fait part de sa décision à Jodl, Brauchitsch et Halder, en la justifiant sur un plan stratégique. C'était le 31 juillet 1940. L'attaque contre l'Union Soviétique aurait servi de dérivatif pour obliger l'Angleterre à accepter la paix. Mais cette “décision” n'a rien eu de définitif, car Hitler s'est efforcé de trouver d'autres solutions. Du 31 juillet au 5 décembre 1940, on ne trouve plus une seule trace d'un tel projet ; Hitler ne montre plus le moindre intérêt pour une campagne à l'Est. Ce n'est que le 18 décembre 1940, un peu plus de quatre semaines après la visite de Molotov à Berlin, que Hitler a donné l'ordre, fatidique, de préparer l'“Opération Barbarossa”.

    Hitler juge incorrectement le potentiel de l'Armée Rouge

    En prenant en considération la défaite allemande de 1945 et la puissance militaire soviétique actuelle, on a trop rapidement tendance à juger l'acte de Hitler comme totalement insensé. En effet, beaucoup de nos contemporains pensent que c'est un acte dément d'avoir osé attaquer, sans motif impérieux, un pays aussi puissant que la Russie soviétique. Qui plus est, en envahissant l'URSS, Hitler s'obligeait à mener une guerre sur 2 fronts, dont l'issue ne pouvait être qu'une défaite inéluctable. Mais pour juger correctement de cette décision de Hitler, il faut tenir compte de l'état des connaissances de l'époque ; seule une telle prise en compte permet un jugement historique solide. L'Armée Rouge avait alors dans le monde entier une très mauvaise réputation. Fin mai 1941, par ex., le Foreign Office britannique conclut que l'URSS capitulerait rapidement, avant ou après la menace d'une attaque allemande. Si les choses en arrivaient là, les Britanniques bombarderaient Bakou, le centre pétrolier soviétique, de façon à ce que les Allemands ne puissent pas s'emparer de cette matière première indispensable à la poursuite de la guerre (26). Hitler, ses conseillers militaires et bon nombre d'autres experts militaires étrangers estimaient que le sort de l'URSS aurait été réglé en une campagne d'été de 9 à 18 semaines (27).

    Cette mésestimation des capacités de l'Armée Rouge et de la résistance du peuple russe abonde plutôt dans le sens de Stegemann et de ceux qui disent que Hitler a été essentiellement motivé par des raisons stratégiques. Hitler a cru qu'il était possible, concrètement, d'éliminer l'URSS par une Blitzkrieg, après avoir épuisé toutes les possibilités de coopération avec le partenaire soviétique en automne 1940.

    Hitler pouvait espérer se débarrasser du maître-chanteur qui le menaçait sur son flanc oriental, ôter à l'Angleterre la possibilité de manœuvrer contre lui un “allié continental” et montrer aux États-Unis que toute intervention directe dans la guerre européenne était désormais impossible puisque le Reich contrôlait à son profit toute la puissance économique russe. Nous constatons donc que Hitler — tout en restant dans le cadre de sa stratégie globale — avançait toujours des motifs plausibles et réalisables pour justifier sa décision d'attaquer l'URSS.

    Pourquoi les Allemands ont-ils si mal évaluer le potientiel de l'Armée Rouge ? Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, cette mésestimation remonte à la jonction entre unités de la Wehrmacht et unités de l'Armée Rouge en Pologne en septembre 1939. Les militaires allemands ont eu une mauvaise impression de l'Armée Rouge. Leurs rapports mentionnent une discipline qui laissait à désirer et une disparité dans les uniformes. Enfin, les équipements, signalaient ces rapports, étaient totalement obsolètes et, souvent, les obusiers étaient encore tirés par des tracteurs (28).

    Cette mauvaise impression des militaires allemands, Staline l'a-t-elle délibérément provoquée ? On doit prendre ce soupçon en compte. Même si au cours de la guerre de l'hiver 39/40 contre la Finlande, les Soviétiques s'étaient également servi d'armes obsolètes. Sur cette guerre, les militaires soviétiques ont même fait tourner un film de propagande, dont le titre était En perçant la ligne Mannerheim. Ce film est tombé entre les mains des services secrets allemands, qui l'ont montré à l'état-major. On y voyait effectivement des mitrailleuses d'un autre âge, ce qui a convaincu l'état-major général allemand que l'Armée Rouge n'avait qu'une faible valeur combative, incapable, qui plus est, de venir rapidement à bout des Finlandais (29).

    Vraisemblablement, ce film a été délibérément fourni aux Allemands, sinon Staline aurait verrouillé son territoire sans laisser la moindre faille pour que l'étranger ne prenne pas connaissance de la véritable valeur combative du soldat soviétique. En toute apparence, le dictateur géorgien voulait montrer piètre figure afin de suggérer aux Allemands qu'aucun danger ne les guettait de l'Est.

    Une agression ?

    Le 22 juin 1941 à 3 heures 15, Hitler attaque l'Union Soviétique. On parle de cet événement majeur de la Deuxième Guerre mondiale comme d'une “agression” ; dans le langage courant, ce terme désigne une attaque-surprise, que la victime n'avait pas introduite dans ses calculs. Dans le cas de l'Opération Barbarossa, l'effet de surprise n'a pas joué, donc le terme “agression” nous apparaît inapproprié. Staline, bien sûr, savait depuis longtemps quels étaient les plans de Hitler.

    Plusieurs discours de Staline prouvent que le dictateur soviétique considérait la guerre comme inévitable, notamment son allocution du 5 mai 1941 aux lauréats de l'Académie militaire. Dans ce discours, dont le contenu est attesté par de nombreux témoins, Staline a dit, textuellement : « L'Armée Rouge doit se faire à l'idée que l'ère de la paix est terminée et que l'ère de l'expansion violente du front socialiste a commencé. Celui qui ne reconnaît pas la nécessité de passer à l'offensive est soit un petit bourgeois soit un idiot » (30). Le pouvoir soviétique devait donc temporairement retenir l'adversaire en engageant des négociations, pour pouvoir s'opposer à lui dans de meilleurs conditions en 1942 (31).

    Signe extérieur de la tension qui règnait entre Allemands et Soviétiques : en avril 1941 la propagande anti-allemande est à nouveau tolérée à Moscou (32).

    Même l'observateur qui ne connaît pas grand'chose à l'art militaire admettra qu'on ne peut pas transporter vers leurs zones de rassemblement plus de 3 millions de soldats allemands, avec leur matériel, sans que l'ennemi ne s'en aperçoive. Les Soviétiques n'ont pas cessé de renforcer leurs effectifs le long de leurs frontières occidentales, amenant des divisions de Sibérie orientale et concentrant les masses compactes de leur armée de terre à proximité de la frontière, de façon à ce que les observateurs allemands aient l'impression que l'Armée Rouge était sur le point d'attaquer (33).

    Chars et unités de cavalerie avaient également été massées dans des positions exposées ; beaucoup de terrains d'aviation avaient été aménagé à proximité des frontières. « Les travaux d'aménagement n'avaient pas encore été terminés au début de la guerre, si bien que les avions étaient alignés en rangs serrés sur les terrains d'aviation presque prêts ; de cette façon, ils offraient des cibles idéales pour les appareils de la Luftwaffe ». De même, les forces terrestres et aériennes, les dépôts logistiques, les stocks de carburants et les réserves en cas de mobilisation avaient été disposés d'une façon jugée erronée aujourd'hui, à proximité immédiate de la nouvelle frontière entre les 2 puissances. Dès le début des hostilités, tout cela a évidemment été perdu pour les Soviétiques (34). Ils avaient construit des routes et des ponts, tracé des chemins, bâti des refuges pour leurs troupes mais avaient renoncé à installer dans l'arrière-pays des relais de communication et des postes de commandement. Ce choix, qui s'est avéré fatidique, montre bien que les Soviétiques ne pensaient pas devoir défendre leur pays en profondeur. Mais les mesures qu'ils ont effectivement prises (concentration des troupes très près des frontières, etc.) ne signifient-t-elles pas que Staline mettaient en œuvre ses plans offensifs (35) ?

    Ce qui, jusqu'ici, ne pouvait être lu que dans les souvenirs des officiers ou entendu dans les propos de table des soldats, pénètre petit à petit, depuis 1983, dans la littérature scientifique consacrée à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, l'historien Förster relativise les thèses qui évoquent les intentions offensives des Soviétiques ; à ce propos, il écrit : « Du fait que les Soviétiques ne donnent pas encore accès à leurs documents, on ne peut pas répondre en toute certitude à la question de savoir si oui ou non les Soviétiques avaient l'intention de passer à l'offensive » (36). Le dilemme est connu : les archives soviétiques ne sont pas accessibles aux historiens, si bien qu'on ne peut trouver ni la preuve ni l'indice d'un ordre quelconque, prouvant que les Soviétiques avaient bel et bien l'intention de lancer une offensive.

    Ce qui frappe les observateurs, ce sont les énormes concentrations de troupes soviétiques dans le saillant de Lemberg (Lvov) et dans la région de Bialystok. De telles concentrations ne peuvent s'expliquer pour des raisons purement défensives ; en effet, comme l'admet Joukov lui-même, en cas d'attaque, ces masses concentrées de troupes risquent d'être contournées en profondeur, puis encerclées et détruites (37).

    Förster avance l'hypothèse que l'URSS a vraisemblablement envisagé d'entrer en guerre durant l'hiver 1940/41, avant la campagne victorieuse des Allemands dans les Balkans (38). « Lorsque nous disons que les préparatifs militaires se faisaient en vue d'une offensive soviétique, nous défendons finalement le même point de vue que celui du Général Vlassov, qui, au début de la guerre [germano-soviétique], commandait le 4e Corps mécanisé dans la région de Lemberg (Lvov), et qui, en cette qualité, devait être plus ou moins au courant des intentions du commandemant soviétique » (39). On ne peut dire avec certitude qu'une seule chose : Staline, en disposant ses troupes à l'Ouest, se ménageait indubitablement des possibilités, de quelque façon que la situation évolue (40).

    Enfin, il est intéressant de juger la puissance respective des Soviétiques et des Allemands à la date du 22 juin 1941. Ce jour-là, sur le Front de l'Est, se trouvaient 3.050.000 soldats allemands et 600.000 alliés de l'Axe (Roumains, Finlandais et Hongrois). Face à eux, 2.900.000 soldats soviétiques, mais qui pouvaient rapidement recevoir des renforts de l'intérieur du pays. Sur le plan matériel, les Soviétiques étaient nettement supérieurs. Ainsi, face aux 3.648 chars et canons d'assaut allemands, se trouvaient 14.000 à 15.000 chars soviétiques ; face aux 2.510 avions allemands, 8.000 à 9.000 avions soviétiques.

    Hitler a pu facilement exploiter, dans sa propagande, le fait que les Soviétiques avaient concetré autant d'hommes et de matériels le long de sa frontières orientale. Lorsque, dans la nuit du 22 juin 1941, la rupture définitive entre Berlin et Moscou a été consommée, Hitler, dans son mémorandum, a reproché au gouvernement soviétique et à Staline d'avoir concentré l'ensemble des forces soviétiques « le long de la frontière, prêtes à bondir » (41). Pour justifier la guerre, les Allemands reprochaient aux Soviétiques d'avoir pénétré dans les Pays Baltes et en Finlande, en Bessarabie et en Boukovine du Nord, et d'avoir exercé une pression constante sur la Turquie, la Roumanie, la Bulgarie et la Yougoslavie (42).

    ► Dr. Ulrich Müller.

    • Résumé :

    • 1. Hitler et Staline ont coopéré de 1939 à juin 1941 ; tous 2 ont profité largement de cette coopération.
    • 2. Hitler a pu mener ses campagnes en Europe occidentale parce que l'Union Soviétique n'a pas bougé et lui a livré d'impressionnantes quantités de matériels.
    • 3. L'harmonie entre Moscou et Berlin ne s'est pas rompue pour des motifs idéologiques mais parce qu'il s'est avéré, au plus tard en novembre 1940, lors de la visite de Molotov à Berlin, que les 2 dictateurs avaient quasiment les mêmes visées territoriales, notamment l'acquisition de territoires et d'influences en Europe centrale et orientale.
    • 4. La question de savoir si Hitler aurait attaqué l'URSS ultérieurement et dans d'autres circonstances, si Moscou avait accepté d'adhérer en 1940 à son projet de “bloc continental”, demeure ouverte.
    • 5. L'URSS n'était pas un “pays pacifique” : elle avait forcé la main à 6 de ses voisins depuis 1939, en utilisant des moyens militaires : la Finlande, la Lettonie, l'Estonie, la Lithuanie, la Pologne et la Roumanie.
    • 6. L'URSS, cela va de soi, a intérêt à diffuser la thèse que Hitler l'a attaquée en 1941 pour des motifs idéologiques. Si, dans l'opinion publique internationale, elle passe pour la victime innocente d'une théorie folle de la race et de l'espace vital, elle peut, simultanément, faire oublier les années — celles où il y avait du butin à prendre — où ses intérêts ont été identiques à ceux des Allemands.

    • Notes :

    • 1) Hellmuth Günther Dahms, Die Geschichte des Zweiten Weltkrieges, Munich, 1983, p. 104.
    • 2) Ibidem.
    • 3) Ibidem, p. 120.
    • 4) Alfred Schickel, Polen und Deutsche, Bergisch Gladbach, 1984, p. 232.
    • 5) Hellmuth Günther Dahms, op. cit., p. 121.
    • 6) Ibidem.
    • 7) Ibidem.
    • 8) Ibidem, p. 122.
    • 9) Förster, “Der Angriff auf die Sowjetunion”, in Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg, Bd. 4, Stuttgart, 1983, p. 104.
    • 10) Ibidem, p. 96.
    • 11) Andreas Hillgruber, Hitlers Strategie, Politik und Kriegsführung 1940/41, Frankfurt, 1965, p. 231.
    • 12) Ibidem, p. 110.
    • 13) Ibidem, p. 105.
    • 14) Hellmuth Günther Dahms, op. cit., p. 213.
    • 15) Ibidem, p. 214.
    • 16) Ibidem, p. 215.
    • 17) Ibidem, p. 220.
    • 18) Akten zur auswärtigen deutschen Politik, Serie D, Bd. 11, 1, pp. 472 et suivantes.
    • 19) Ibidem.
    • 20) Hellmut Diwald, Geschichte der Deutschen, Frankfurt, 1979, p. 156.
    • 21) Hellmuth Günther Dahms, op. cit., p. 223.
    • 22) Ibidem, p. 225.
    • 23) Hellmut Diwald, op. cit., p. 157.
    • 24) Bernd Stegemann, “Politik und Kriegführung in der 1. Phase der deutschen Initiative”, in Das Deutsche Reich und der Zweite Weltkrieg, Bd. 2, Stuttgart, 1979, p. 39.
    • 25) Andreas Hillgruber, “Noch einmal Hitlers Wendung gegen die Sowjetunion 1940”, in Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, 4, 1982, Stuttgart.
    • 26) Hellmuth Günther Dahms, op. cit., p. 261.
    • 27) Ibidem, p. 262.
    • 28) Erich Helmdach, Täuschungen und Versäumnisse, Kriegsausbruch 1939/41, Berg, 1979, p. 114.
    • 29) Ibidem.
    • 30) Förster, op. cit., p. 73.
    • 31) Hellmuth Günther Dahms, op. cit., p. 261.
    • 32) Ibidem, p. 268.
    • 33) Ibidem, p. 266.
    • 34) Förster, op. cit., p. 69.
    • 35) Ibidem.
    • 36) Ibidem.
    • 37) Ibidem.
    • 38) Ibidem, p. 70.
    • 39) Ibidem, p. 71.
    • 40) Ibidem.
    • 41) Ibidem, p. 75.
    • 42) H. G. Dahms, op. cit., p. 268.

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    La guerre préventive contre l'Union Soviétique

    Ce texte de Gerd Rühle rend compte des corrections que les historiens occidentaux ont dû apporter à leurs jugements depuis que les archives soviétiques s'ouvrent lentement au public et depuis que, grâce à la perestroïka, les historiens russes, baltes, ukrainiens, etc. cessent de répéter les thèses que le régime leur avait imposées. G. Rühle dresse le bilan de la question en 1989, juste avant la chute du Mur de Berlin. Mais 5 années plus tard, le public francophone ignorait toujours ce bilan. L'Histoire revue et corrigée comble cette scandaleuse lacune.

    Étonnés, nous constatons qu'en URSS, aujourd'hui, l'ouverture d'esprit est plus largement répandue qu'en Occident. En RDA, la publication soviétique destinée au grand public, Spoutnik, a été interdite parce qu'elle expliquait pourquoi les communistes avaient perdu la bataille en Allemagne face aux nationaux-socialistes. Les “glorieux anti-fascistes” en quête permanente de légitimité, qui sont regroupés autour de Honecker, n'ont pas pu admettre une telle liberté de ton. Honecker lui-même s'est attaqué verbalement au mouvement réformiste de l'“URSS amie”, qui travestit dans les colonnes de Spoutnik l'histoire du Parti Communiste et suscite les « jacassements d'un clique de petits bourgeois excités qui veulent réécrire l'histoire dans un sens bourgeois ».

    Il est évidemment difficile de se défaire des visions conventionnelles que l'on a de l'histoire, surtout si l'on met en jeu sa propre légitimité. Cette évidence apparaît au grand jour dans la discussion entre historiens sur la guerre préventive de 1941 contre l'Union Soviétique. Le 16 octobre 1986, le directeur scientifique du Bureau de recherches en histoire militaire (dépendant du gouvernement) de Fribourg, Joachim Hoffmann, prend position, dans un lettre de lecteur à la Frankfurter Allgemeine Zeitung, sur la question de la guerre préventive de 1941. Hoffmann a suscité une longue série de lettres de lecteurs, dont plusieurs émanaient de collaborateurs de ce Bureau de recherches de Fribourg. Parmi ceux-ci, Rolf-Dieter Müller soulignait, le 10 novembre 1986, que, dans cette querelle, il ne s'agissait pas seulement d'établir la vérité historique mais de toucher à des intérêts bien actuels :

    « D'après moi, dans ces questions, il ne s'agit pas uniquement  de problèmes scientifiques. Si l'on tente aujourd'hui, au départ de diverses officines, de faire renaître un anticommunisme militant et de réhabiliter le IIIe Reich dans ses dimensions les plus effrayantes, alors il s'agit ni plus ni moins d'une manœuvre de diversion destinée à torpiller l'Ostpolitik du gouvernement fédéral (allemand), surtout l'orientation choisie par le Ministre des Affaires étrangères Genscher ».

    De cette façon, on nous fait comprendre indirectement que des faits que l'on aimerait occulter ou refouler sont sans cesse tenus sous le boisseau pour satisfaire des objectifs politiques actuels ! Le seul argument que Müller avance en cette question — l'Amiral Dönitz aurait dit en 1943 que l'Est aurait été conquis pour des raisons économiques — n'infirme pas les thèses de Hoffmann. Un autre collaborateur du Bureau de Fribourg, Gert R. Ueberschär, critique Hoffmann (lettre à la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 31 octobre 1986), d'une manière caractéristique, à ce titre exemplaire : sans détours, il décrit les thèses factuelles de Hoffmann comme des “thèses politiques” (« Les thèses politiques du Dr. Hoffmann sont singulières dans le domaine de la recherche historique »). De cette façon, il pose son adversaire comme un marginal, ce qui n'est pas le cas, évidemment. Ueberschär nie tout simplement l'existence de textes importants, qu'il doit pourtant connaître ; il espère que son lecteur, lui, ne les connaît pas. La tentative de réfuter les arguments de Hoffmann repose sur un “axiome de base”, qui, selon Ueberschär, ne peut pas être mis en doute par des faits nouveaux : « L'intention de Hitler, son objectif immuable, a été de conquérir de l'espace vital à l'Est en menant une guerre d'extermination sans merci, justifiée par une idéologie de la race ». Cette intention, on peut la lire dans Mein Kampf, l'ouvrage de Hitler, ce qui permet à Ueberschär de considérer comme superflus tous les efforts de ses collègues qui tentent de saisir en détail chaque facette du processus historique : « Hitler n'a pas commencé la guerre à l'Est parce qu'il a eu des querelles politiques avec Staline, mais parce qu'il entendait rester dans la logique de son programme et de ses plans de conquête, déterminés depuis les années 20 ». Une affirmation de cette nature exige pourtant des preuves supplémentaires. En général, on ne se contente pas des déclarations d'intention ; dans un procès criminel, en effet, on ne déclare pas coupable un inculpé pour ses intentions mais pour le fait.

    Pourtant cette méthode, qui consiste à refuser tout débat qui prendrait en compte la multiplicité des événements historiques, à tout déduire d'une et une seule déclaration d'intention, à ignorer les résultats des recherches historiques, est devenue monnaie courante dans ce pays, du moins pour ce qui concerne l'histoire allemande récente.

    Dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 21 septembre 1988 (p. 10), Günter Gilessen recense objectivement, en pesant bien ses mots, l'enquête parue cette année-là sur la guerre préventive à l'Est de 1941, due à la plume de Hartmut Schustereit (Vabanque — Hitlers Angriff auf die Sowjetunion 1941 als Versuch, durch den Sieg im Osten den Westen zu bezwingen, Herford, 1988 ; = Jouer va banque – L'attaque de Hitler contre l'Union Soviétique en 1941 comme tentative de faire fléchir l'Ouest par une victoire à l'Est). Schustereit a étudié les documents relatifs à la planification de la production d'armements ; il en déduit les objectifs de guerre de Hitler et arrive à la conclusion qu'il n'y a pas eu de planification avant Barbarossa. Les planifications allemandes n'ont jamais été élaborées pour le long terme mais toujours pour l'immédiat, le très court terme ! En juxtaposant tous les chiffres, qui parfois sont contradictoires, et en ne se contentant pas de combiner les indices qui abondent dans son sens, Schustereit conclut que la guerre contre l'Union Soviétique n'avait nullement était prévue par Hitler de longue date mais considérée comme une étape intermédiaire, nécessaire pour abattre l'Angleterre.

    Sur base des documents et des statistiques qu'analyse Schustereit, on peut évidemment contester ses conclusions et se demander si les chiffres contradictoires qu'il nous soumet et les résultats qu'il en tire sont suffisants pour établir définitivement quels étaient les véritables objectifs des guerres menées par Hitler. Quoi qu'il en soit son travail minutieux, clair et précis mérite pleinement d'être discuté. Il conteste les thèses d'Andreas Hillgruber, énoncées en 1965. Hillgruber insistait sur les motivations idéologiques de Hitler et interprétait toutes les campagnes militaires qui ont précédé la guerre contre l'URSS comme une préparation à celle-ci, qui devait assurer aux Allemands un “espace vital” à l'Est.

    Tout ce débat, objectivement mené dans les colonnes de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, est traité dans Die Zeit (supplément littéraire du 7 octobre 1988, p. 33) sur un mode hostile, totalement dépourvu d'objectivité. Le journaliste qui recense nos ouvrages historiques ne peut imaginer que les recherches en cours n'ont d'autre finalité que d'établir la vérité historique. Jost Dülffer laisse franchement filtrer sa propre subjectivité, son hostilité aux ouvrages qu'il recence et déclare sans vergogne : « Ces derniers temps, quelques thuriféraires ont tenté d'étayer scientifiquement le point de vue défendu, à l'époque, par la propagande national-socialiste, et qui voulait que la guerre à l'Est était une guerre préventive, qui avait gagné Staline de vitesse et évité de justesse une attaque soviétique imminente. Or pour étayer une telle thèse, on ne peut avancer aujourd'hui aucune source plausible ou aucun argument sérieux ».

    Ueberschär et Müller (cf. supra) procèdent à peu près de la même façon. Mais, pour leur malheur, dans l'espace linguistique anglais, on trouve, depuis un certain temps déjà, le livre important de Victor Souvorov, un ancien de l'état-major général soviétique, qui a exploité une série de documents — qu'on a détruit entretemps — et qui prouve que l'Union Soviétique se préparait à attaquer. Au début de l'“agression” contre l'URSS, Staline avait fait déployer onze armées dans les régions frontalières occidentales de son empire. Qui plus est, les Soviétiques prévoyaient pour la fin juillet 1941 le déploiement de 23 armées et de 20 corps d'armée autonomes. On peut évidemment exclure d'office que « ce plus grand déploiement de toute l'histoire du monde, organisé par un seul pays » (dixit Souvorov) ait été conçu comme une mesure de défense préventive. Une telle concentration de troupes prêtes à l'attaque, sur un territoire aussi réduit, n'aurait pu se maintenir pendant longtemps. Ce qui prouve, d'après Souvorov, que l'attaque finale aurait dû avoir lieu peu après le déclenchement de la guerre préventive allemande. En aucun cas, les troupes massées le long de la frontière occidentale de l'Union n'auraient pu se maintenir dans ces régions de déploiement jusqu'à l'hiver.

    La traduction allemande de ce livre de Souvorov paraîtra au printemps 1989 chez le grand éditeur Klett-Cotta de Stuttgart. On peut prévoir la réaction des médias, vu les préliminaires que nous venons de rendre compte. Le livre subira la conspiration du silence. Ou bien les “recenseurs” imiteront les méthodes des Ueberschär, Müller et Dülffer : ils ignoreront délibérément les faits nouveaux, avancés et dûment étayés, refuseront les conclusions que tout historien sensé tirera de ces innovations et trouveront dans Mein Kampf des passages pour justifier, comme d'habitude, la guerre à l'Est par les intentions exprimées par Hitler dans son livre. Les lecteurs simplets se contenteront des arguments d'un Dülffer et jugeront sans doute qu'il est superflu d'entamer de nouvelles recherches : « On connaît depuis longtemps la vision du monde racialiste et biologiste de Hitler, ses objectifs de lutte contre le "bolchévisme juif" et son intention de conquérir de l'espace vital à l'Est ».

    Dans un ouvrage très pertinent et véritablement fondamental du philosophe grec Panajotis Kondylis (Theorie des Krieges : Clausewitz, Marx, Engels, Lenin, Klett-Cotta, Stuttgart, 1988 ; = Théorie de la guerre : Clausewitz, Marx, Engels, Lénine), l'auteur opère une distinction judicieuse entre “guerre d'extermination” et “guerre totale”, qui peut nous servir dans l'argumentaire que nous déployons. « Sans nul doute, les expériences traumatisantes de Hitler pendant la Première Guerre mondiale ont influencé considérablement sa pensée stratégique, si bien qu'une répétition de la guerre "totale" ou de ce que l'on considérait comme tel à l'époque, était pour lui l'objectif stratégique prioritaire ; la guerre totale est la némésis de Hitler, non son projet » (p. 131).

    La leçon que Hitler a tiré de l'infériorité matérielle du Reich allemand pendant la Première Guerre mondiale, c'est que la guerre devait être une guerre-éclair (Blitzkrieg), devait concentrer l'ensemble des forces sur un point. Ce qui signifie mobilisation massive des moyens, effet de surprise et grande mobilité pour compenser les faiblesses matérielles. Les chiffres de la production d'armements, étudiés en détail par Schustereit, Kondylis les inscrit dans le contexte de la Blitzkrieg ; pour Kondylis, mener une guerre-éclair ne nécessite pas d'accroître la production d'armements :

    « cependant, ce qui était absolument nécessaire, c'était d'orienter le potentiel de l'économie de guerre selon le prochain ennemi envisagé, c'est-à-dire selon la physionomie et les besoins particuliers de la prochaine guerre. C'est ainsi qu'au cours des années 1939-1941, l'effort principal de l'industrie de guerre s'est modifié à plusieurs reprises ; modifications successives qui impliquaient la nécessité de tenir compte de la rareté des matières premières et de diminuer la production dans un domaine pour l'augmenter dans un autre » (p. 133).

    « Les Allemands, jusqu'au début de l'année 1942, n'ont pas accru l'économie de guerre à grande échelle, n'ont pas décrété la mobilisation totale des forces économiques, parce que leur stratégie de la Blitzkrieg ne l'exigeait pas. La légende de la reconstruction de l'économie allemande après 1933 dans la perspective de préparer la guerre a été dissipée depuis longtemps. Entre 1933 et 1938, les dépenses en matières d'armements se chiffraient à moins de 40% des dépenses de l'État, ce qui correspondait à environ 10% du PNB. Ce pourcentage a été considérablement augmenté en 1938-39, bien que l'Allemagne produisait par mois autant d'avion que l'Angleterre et moins de chars. En 1941, la production globale d'armements n'avait que peu augmenté par rapport à l'année précédente. De septembre 1940 à février 1941, on constate un recul général de la production d'armements, la production d'avions diminuant de 40% » (p. 132 et s.).

    Ensuite, Kondylis fait référence à des travaux parus dans l'espace linguistique anglo-saxon, qu'on ne peut pas citer en Allemagne sans déclencher de polémiques hystériques (not. : B. Klein, Germany's Economic Preparations for War, Cambridge, Mass., 1959 ; B. Caroll, Design for Total War : Army and Economics in the Third Reich, La Haye/Paris, 1968).

    L'ouvrage de Kondylis fait table rase de bon nombre de préjugés — préjugés qu'il considère comme éléments de l'“idéologie des vainqueurs”. Raison pour laquelle aucun journal allemand ne lui a consacré de recension positive. Die Zeit, notamment, le critique impitoyablement (7 oct. 1988). Cette hostilité doit nous inciter à lire ce livre le plus vite possible, à lui faire de la publicité.

     

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    La Kriegsmarine et l'Opération Barbarossa

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    km310.jpgEn conquérant toute la côte atlantique de la France en juin 1940, les armées de Hitler ont dégagé le Reich de l'encerclement maritime que lui avaient imposé les Britanniques et les Français. La victoire allemande à l'Ouest ouvre au Reich les portes du large. À partir de ce moment, la Kriegsmarine ébauche des projets globaux et non plus purement défensifs, limités à la Mer du Nord et à la Baltique. C'est l'Amiral Carls, Commandant en chef du Groupe Est, qui fut le premier à fournir une étude globale, définissant les objectifs de la guerre sur mer (1). Son mémorandum reflète parfaitement l'état d'esprit des chefs de la marine allemande, après que les côtes atlantiques de la France soient tombées aux mains des Allemands.

    L'Allemagne : une puissance d'ordre à l'échelon mondial

    Carls, dans son mémorandum, parlait un langage clair. Sans circonlocutions, il déclare que l'Allemagne, désormais, doit devenir une puissance mondiale. Il ne craint pas de mener la guerre « contre la moitié ou les deux tiers du monde ». Déjà en 1938, il avait dit que l'Allemagne pouvait envisager de mener un tel combat avec succès. En déclarant que l'Allemagne devait devenir une puissance mondiale, Carls imposait à la marine une ligne de conduite, qui impliquait, à son tour, plusieurs objectifs de guerre : après avoir récupéré les anciennes provinces et territoires du Reich à l'Ouest et réclamé le retour des anciennes colonies africaines, Carls préconisait la constitution d'une confédération des États d'Europe du Nord sous l'égide allemande, regroupant, outre le Reich, une Grande-Flandre, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège, y compris leurs possessions d'outre-mer. Les possessions qu'apporteraient le Danemark et la Norvège dans la nouvelle communauté d'États (Spitzberg, Groenland, Islande, Iles Féroé), garantirait la domination maritime du Reich dans l'Atlantique-Nord, qui serait encore consolidée par l'annexion des Iles anglo-normandes et des Shetlands — la marine considéraient encore l'annexion de ce petit archipel au Nord de l'Écosse comme un but de guerre en 1944. Cette position fortifiée dans le Nord aurait permis à l'Allemagne d'avoir un accès libre aux zones centrales de l'Atlantique, grâce à l'inclusion dans la sphère d'influence du Reich d'une bande littorale ouest-française. Les ports de cette bande littorale auraient servi de tremplin vers le sud, permettant du même coup de se rendre maîtres de la côte ouest-africaine. Sur cette côte, l'Allemagne devra s'assurer quelques territoires, de façon à s'aménager des points d'appui. Ensuite, l'Union Sud-Africaine, y compris la Rhodésie du Sud, deviendraient des États indépendants et se détacheraient de l'Empire britannique, s'empareraient de Madagascar et des îles avoisinantes, de façon a créer une “chaîne” de points d'appui qui s'étendrait de l'Océan Indien au Pacifique, en passant pas les colonies néerlandaises (Indonésie), tombées sous influence allemande grâce à l'inclusion de la Hollande dans la communauté des États du Nord de l'Europe. Cette “chaîne” aboutirait au Bornéo septentrional qui serait, lui aussi, détaché de l'Empire et passerait sous domination allemande.

    Cette esquisse des ambitions allemandes, élaborée par Carls, correspondait bel et bien à l'état d'esprit qui régnait dans les états-majors de la marine. Seuls quelques officiers ont émis des revendications plus modérées, mais qui ne portaient que sur les détails, non sur l'essentiel. Ainsi, le Chef du 1er Skl., le Contre-Amiral Fricke, en formulant une ligne de conduite légèrement différente, estimait que l'Allemagne devait en priorité s'affirmer comme puissance européenne dominante. Fricke suggérait de ne pas mettre la charrue avant les bœufs et de ne pas aller trop vite en besogne en voulant faire de l'Allemagne une puissance mondiale. Le Commandant-en-chef de la Marine, le Grand-Amiral Raeder, pour sa part, refusait de s'emballer pour les projets trop audacieux et ne voulait pas perdre de vue l'essentiel : les objectifs à court terme ; l'acquisition de points d'appui insulaires et continentaux le long des côtes africaines ne serait alors qu'un objectif à moyen terme. Dans les détails, les buts déclarés variaient d'une personnalité à l'autre. Mais il n'en demeure pas moins vrai que tous les officiers de l'état-major de la marine de guerre étaient d'accord sur un point : l'Allemagne était devenu une puissance d'ordre et devait s'affirmer en tant que telle sur toute la surface du globe. Aucun officier de marine ne mettait en doute la nécessité de faire du Reich la puissance hégémonique en Europe, la puissance organisatrice d'un “grand espace” économique européen, avec son complément colonial africain. Cette mission devait forcément donner à l'Allemagne une vocation planétaire. Toutes les ébauches de la marine impliquaient une Weltpolitik de grande envergure. Sans la moindre hésitation, les officiers de la marine prévoyaient de bétonner et de consolider les positions du “Reich Grand-Allemand” sur le plan géostratégique, de même que ses intérêts outre-mer, de “façon définitive, sur le fond, pour tous les temps”.

    L'objectif à court terme : devenir une puissance coloniale

    Les exigences coloniales de la marine allemande, de même que sa volonté d'acquérir des points d'appui, vise en premier lieu à asseoir solidement les revendications allemandes. Carls souhaitait un désarmement de l'Angleterre et de la France et pensait qu'il ne fallait réaccorder l'égalité en droit à ces 2 puissances que lorsqu'elles auraient accepté l'ordre nouveau imposé par le Reich à l'Europe. Leurs empires coloniaux devront être réduit en dimensions, afin qu'ils soient égaux en taille aux possessions allemandes d'outre-mer, mais ne devront en aucun cas être détruits. Les possessions coloniales de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Italie demeureront suffisamment vastes, après que l'Allemagne ait accedé au statut de grande puissance mondiale, “pour leur assurer l'existence et assez de puissance”, toutefois “dans les proportions que nous aurons souhaitées”. L'objectif de devenir “puissance mondiale” ne pourra se concrétiser que dans la mesure où l'Allemagne se montrera capable d'assurer l'équilibre entre les autres puissances. Carls parle en fait d'“auto-limitation” (Selbstbeschränkung) quand il parle du Reich ; il ne perçoit pas celui-ci comme une puissance qui règnerait seule sur le destin de la planète, mais qui serait davantage “régulatrice” de la politique internationale. La notion de “puissance mondiale” (Weltmacht) n'est donc pas synonyme, dans la pensée de Carls”, de “domination (non partagée) sur le monde” (Weltherrschaft). Les objectifs coloniaux énoncés dans le mémorandum ont une connotation nettement restauratrice. Ils se contentent, pour l'essentiel, de rétablir les colonies allemands d'avant 1918, en leur adjoignant quelques possessions françaises et la Rhodésie, qui souderait ses colonies entre elles.

    Carls renonce à toute acquisition en Méditerranée et à toute intrusion dans les sphères d'infuence américaine et japonaise. Il tient compte du fait “que le Führer ne veut pas s'installer en Méditerranée, ni s'immiscer dans les sphères d'influence américaine et japonaise”. Carls savait intuitivement quel état d'esprit régnait dans le quartier général du Führer et devinait ce que ce dernier voulait entendre. Il élaborait ses plans non pas dans les limites de son propre domaine mais tenait davantage compte des intentions du commandement suprême que Raeder quand il rédigeait ses rapports. Raeder, lui, n'élaborait de projet que sur base de son domaine spécifique et tentait, envers et contre tout, de l'imposer au commandement suprême.

    Ce qui frappe, c'est la mansuétude de Carls à l'égard de l'ennemi principal du Reich, la Grande-Bretagne. Celle-ci, dans la mesure du possible — c'est-à-dire si elle ne s'oppose pas au Reich allemand de manière irrémédiable — conserverait son Empire et demeurerait une puissance thalassocratique. Carls exprime de la sorte, outre une admiration pour l'œuvre coloniale des Britanniques, le point de vue de la marine : l'Empire britannique a eu une fonction stabilisante dans l'équilibre international. Sa chute favoriserait le Japon, puissance qui cherche l'hégémonie à l'échelle du globe, et qui se révèlerait, dans un avenir plus lointain, un nouvel adversaire du Reich allemand.

    La Marine : facteur de décision dans la guerre

    La marine de guerre allemande s'est toujours définie dans et par sa lutte contre la flotte britannique. Dans cette optique, l'Allemagne, en s'opposant à l'Angleterre, est logiquement, par la volonté du destin, obligée de devenir une puissance thalassocratique à l'échelle du globe. Cette vision des choses est solidement ancrée dans la marine depuis Tirpitz. Le corps des officiers de marine n'a jamais cessé de penser et d'agir dans le cadre de ces idées claires et compactes ; tous ses objectifs s'inscrivent dans cette logique implaccable, même après 1918, année de la défaite que n'admettent pas plus les officiers de marine que ceux de l'armée de terre. Dans son Dienstschrift IX (Note de service IX), rédigé en 1894, Tirpitz avait conçu le rôle des armées de terre — protéger l'État contre l'arbitraire de l'ennemi — comme inférieur à celui, sublime, de la marine : emporter la décision en cas de guerre. Cet état d'esprit témoigne de la cohésion morale, élitaire et sélective, du corps des officiers de marine allemands ; ces hommes étaient convaincus de l'importance de leur arme et cette conviction, largement partagée, s'est perpétuée et renforcée après 1918 et l'intermède de Weimar. Le vocabulaire lui-même en témoigne : la marine est kriegsentscheidend, elle force la décision, fait la décision, en cas de guerre. Tel est le noyau de la pensée stratégique et opérative de la marine. Ce qui explique la franchise avec laquelle la marine élabore ses plans pour faire de l'Allemagne une Weltmacht. Elle n'est pas victime de l'euphorie qui règne dans le Reich après la victoire sur la France mais s'inscrit plus simplement, plus naturellement, dans la tradition forgée à la fin du XIXe siècle par Tirpitz, tout en espérant, avec les nouveaux acquis territoriaux, rencontrer plus de succès.

    Le problème de l'Angleterre

    Comme les opérations contre la “forteresse insulaire” britannique s'avèrent lentes et n'emportent aucun succès, et comme l'invasion de l'Angleterre est reportée à l'année 1941, les esprits, en Allemagne, se concentrent sur le “problème anglais”. Si l'Angleterre ne peut être vaincue sur son île métropolitaine, il faudra trouver des points faibles dans l'Empire et y remporter des victoires décisives qui obligeront le gouvernement britannique à composer et à accepter la paix allemande. Cette question, essentielle, préoccupait bien entendu tous les militaires allemands, les chefs de la marine comme l'état-major de la Wehrmacht. Pour résoudre le problème anglais, il y avait plusieurs possibilités :

    • 1) Une guerre contre les sources d'approvisionnement qui s'inscrirait dans le cadre d'une guerre économique de plus vaste envergure.
    • 2) Des attaques ponctuelles contre les points névralgiques de l'Empire, de façon à ce qu'il s'effondre. À portée des Allemands, par ordre d'importance, nous avions, à l'époque : Suez, Gibraltar et Malte.
    • 3) L'acquisition de positions stratégiques navales en Afrique du Nord et de l'Ouest, afin de donner aux opérations dans l'Atlantique l'ampleur souhaitée.
    • 4) Intensifier la guerre des croiseurs. C'est l'idée motrice de Raeder.

    La question qui se pose alors : où les chefs de la marine allemande doivent-ils porter le poids de leurs armes, en concentrant toutes leurs forces ? Afin d'obtenir l'effet escompté le plus rapidement possible, avec les meilleures chances de succès ?

    Le tonnage anglais se concentrait dans l'Atlantique. C'est par l'Atlantique et la Méditerranée que passent les axes vitaux qui relient la Grande-Bretagne à ses sources d'énergie venues d'outre-mer. Fragmenter ces axes était la mission des sous-marins. Les chefs de la marine considéraient donc que la guerre anti-tonnage dans l'Atlantique était prioritaire. Mais le commandant en chef de la Marine tenait à la guerre traditionnelle des croiseurs, qu'il voulait mener en 2 endroits : dans l'Atlantique et en Méditerranée (sur ce théâtre en guise de diversion). Mais comme les plus lourdes unités allemandes se trouvent dans l'Atlantique, elles ne peuvent être déployées en Méditerranée. Convaincu du grand impact que pourrait avoir sa stratégie de diversion — laquelle ne pouvait que s'amplifier dès le début de la guerre du Pacifique et prendre des proportions globales — Raeder envoya ses sous-marins en Méditerranée. Il s'est heurté à une critique sévère des sous-mariniers, hostiles à cette stratégie de diversion. Pour Dönitz, la Méditerranée n'avait qu'une importance secondaire. Selon Dönitz, toutes les mesures qui visent à diviser et disperser les forces ennemies sont erronées, car elles ne peuvent que contribuer à prélever des forces allemandes hors de la zone principale des combats, qui est l'Atlantique. Mais, dans l'optique de Raeder, au contraire, la Méditerranée ne revêt pas une importance stratégique qui ne vaudrait que pour la diversion qu'il entend planifier. En lançant une offensive contre Suez, il veut trancher l'“artère principale” de l'organisme qu'est l'Empire britannique et porter ainsi le coup fatal à l'Angleterre. Après la prise de Suez, les résidus de la domination britannique en Méditerranée pourraient facilement être éliminés avec l'aide de la flotte française. Sans nul doute, Raeder exagérait l'importance de la Méditerranée pour les Britanniques mais n'avait pas tort de valoriser l'importance des côtes du nord et de l'ouest de l'Afrique et comptait sur la coopération française dans les opérations navales dans l'Atlantique.

    L'Atlantique, l'Afrique du Nord-Ouest et Suez : tels sont les objectifs principaux de la stratégie de la marine allemande.

    Y avait-il communauté d'intérêt entre la France et l'Allemagne ?

    Au fur et à mesure que les officiers supérieurs de la marine allemande élaborent et peaufinent leur stratégie, la France vaincue acquiert de plus en plus de poids à leurs yeux. Le choc de Mers-el-Kébir et de Dakar du côté français, l'impossibilité de mener à bien l'Opération Seelöwe (le débarquement en Angleterre) du côté allemand, contribuent à un rapprochement franco-allemand, qui devrait se concrétiser par un effort de guerre commun. Et comme les Italiens et les Espagnols n'ont pas réussi à chasser les Britanniques de la Méditerranée, contrairement à ce qu'avaient espéré les Allemands, les chefs de la marine allemande en viennent à estimer que la participation française à la guerre navale contre l'Angleterre est indispensable. Pour que les Français deviennent les adversaires de l'Angleterre, les Allemands doivent leur donner des garanties politiques, qui valent le prix d'une entrée en guerre de Vichy à leurs côtés. Raeder envisage une alliance en bonne et due forme avec les Français et souhaite que Berlin élargisse l'axe tripartite Rome-Berlin-Tokyo à Vichy. L'inclusion de la France dans le nouvel ordre européen a été l'une des exigences de base des chefs de la marine allemande.

    Ceux-ci ont trouvé des appuis dans l'état-major de la Wehrmacht. Le Général-Major Warlimont, Chef du L/WFSt, après une visite à Paris, s'est fait l'avocat du rapprochement franco-allemand. L'Afrique du Nord-Ouest et de l'Ouest constitue un flanc stratégique indispensable contre l'Angleterre ainsi qu'un espace économique soustrait au blocus britannique. Le conseiller militaire de Hitler, le Chef de l'état-major général de la Wehrmacht, le Colonel-Général Jodl, partage ce point de vue. La France pourrait aider le IIIe Reich et lui donner la victoire finale, si elle met à la disposition des Allemands ses bases africaines. Si l'Allemagne perd les bases nord-africaines possédées par la France, expliquent les chefs de la marine, il ne sera plus possible de battre l'Angleterre dans la guerre commerciale qui se déroule dans l'Atlantique. Cette formulation est évidemment osée. Mais il n'en demeure pas moins vrai que la masse territoriale nord-africaine et ouest-africaine constitue une barrière importante contre toutes les attaques anglo-saxonnes contre le Sud de l'Europe. En outre, ce territoire peut servir de base pour des attaques de l'aviation allemande contre les États-Unis.

    Une alliance franco-allemande constituerait donc un atout complémentaire, qui permettrait au Reich de faire son jeu sur le continent européen. Mais Hitler s'imaginait toujours qu'il allait pouvoir faire la paix avec l'Angleterre. Il laisse le sort de la France dans l'indécision. Après Mers-el-Kébir, l'Allemagne assouplit encore ses mesures de démobilisation, politique qui ne correspond pas du tout aux souhaits de la Marine et de l'état-major de la Wehrmacht, qui, eux, envisageaient de consolider militairement une communauté d'intérêt franco-allemande.

    La campagne de Russie

    Mais un projet militaire va s'avérer plus déterminant que tous les problèmes soulevés par la stratégie nouvelle, proposée par la marine allemande, plus déterminant aussi que tous les problèmes non résolus et toutes les occasions perdues : celui de lancer une campagne contre la Russie. Ce projet freine définitivement le développement de la stratégie maritime suggéré par Carls. La stratégie maritime dépend désormais de la guerre sur terre.

    Pour les chefs de l'armée de terre, la capitulation de la France et l'impossibilité pour la Grande-Bretagne d'entreprendre des opérations sur le continent ont rendu impossible la guerre sur 2 fronts. Du moins dans un premier temps. Mais l'élimination de la France n'a pas donné à la Kriegsmarine la liberté qu'elle souhaitait avoir sur ses arrières. Les forces opérationnelles de la marine allemande étant faibles, ses chefs ne pouvaient considérer l'Opération Barbarossa que comme un fardaud supplémentaire. Mais, mise à part cette objection, la marine n'avait nulle crainte quant au déroulement de la guerre à l'Est : « Les forces militaires qu'aligne l'armée russe doivent être considérées comme très inférieures à nos troupes expérimentées. L'occupation d'un territoire s'étendant du Lac Ladoga à la Crimée en passant par Smolensk est militairement réalisable, de façon à ce qu'en détenant ce territoire, il nous soit possible de dicter les conditions de la paix » (2). Les chefs de la marine partagent la conviction des dirigeants politiques de l'Allemagne : le Reich gagnera la guerre à l'Est sans difficulté. Mais doutent que, par cette victoire, la guerre contre l'Angleterre sera plus rapidement terminée. La marine croit en effet que l'impact d'une victoire allemande à l'Est sera mininal sur le moral de l'ennemi occidental. Les victoires allemandes sur le continent ne contraindront nullement la Grande-Bretagne à composer. Au contraire, l'effort exigé par la campagne de Russie sera tel qu'il favorisera une victoire anglaise dans l'Atlantique et rendra aux Britanniques toutes les positions perdues. Pire : si la Russie ne s'effondre pas immédiatement, l'Allemagne court un danger très grave, dans le sens où les territoires non neutralisés de l'URSS deviendront ipso facto des tremplins pour une attaque américaine. Dans l'esprit des chefs de la marine, le combat principal, c'est-à-dire la guerre contre l'Angleterre, pourrait bien être perdu, même si l'Opération Barbarossa débouche sur une victoire.

    La guerre à l'Est soulage l'Angleterre

    Les chefs de la marine jugent la sécurité globale de l'Allemagne, en incluant le facteur “Russie” dans des catégories qui justifient l'attaque contre l'URSS : la sécurité de l'Allemagne exige la consolidation, par des moyens militaires, d'un espace qui soit à l'abri de toute attaque extérieure, l'élimination, par des moyens politiques, des petits États peu fiables, et, enfin, la construction, par des moyens économiques, d'une autarcie continentale. Les chefs de la marine, de surcroît, acceptent les projets de colonisation et les dimensions idéologiques inhérents à la guerre contre l'URSS. Sur un plan politique plus général et animés par la conviction que les forces armées soviétiques de terre et de mer constituent un danger pour le Reich, les chefs de la marine s'alignent exactement sur les thèses du gouvernement allemand. Si les objectifs de construire un espace intangible ou une autarcie économique justifiaient dans une certaine mesure la guerre à l'Est, aux yeux du gouvernement, la marine, elle, tire des conclusions opposées. Dans son évaluation de la situation, 3 éléments sont importants : 1) la conviction que l'Allemagne aurait obtenu tout ce qu'elle voulait de la Russie, même sans lui faire la guerre ; 2) le problème anglais restait sans solution ; 3) un éventail de réflexions sur l'industrie militaire.

    Pour la marine, l'Angleterre est l'ennemi n°1

    Du point de vue de la marine, le gouvernement du Reich surestime la “masse soviétique” et poursuit, vis-à-vis de Moscou, une politique de concessions inutile. Le gouvernement allemand devrait au contraire montrer à l'Union Soviétique, fragile parce que tout un éventail de crises la guette, la puissance politique et militaire du Reich. Les Russes, pour l'état-major de la marine, sont prêts à négocier, ce qui rend toute guerre inutile. Moscou, pensent les officiers supérieurs de la marine allemande, ira au devant de tous les souhaits de l'Allemagne.

    La mission première de la marine de guerre est donc d'affronter directement l'Angleterre. Si celle-ci est abattue, le Reich obtiendra presque automatiquement la victoire. Toute campagne militaire à l'Est influencerait négativement la situation stratégique de l'Allemagne sur mer et jouerait en faveur de l'Angleterre, qui serait de fait soulagée. Le Korvettenkapitän Junge, chef du département “marine” auprès de l'état-major général de la Wehrmacht, tire les mêmes conclusions : l'Allemagne ne doit pas entrer en guerre contre la Russie, avant que l'Angleterre ne soit mise hors course.

    La campagne à l'Est a-t-elle été une alternative ?

    Fricke (Chef de la 1ère Skl.) constatait que les Anglo-Saxons, affaiblis après avoir perdu leur allié continental potentiel, la Russie, ne s'en prendraient plus à la grande puissance continentale que serait devenue l'Allemagne. Mais cette constatation n'a en rien influencé l'élaboration de la stratégie navale allemande, favorable, en gros, à la campagne de Russie. La marine a été incapable de s'opposer avec succès à l'option anti-soviétique du gouvernement allemand. Mais ni Fricke ni les officiers supérieurs de la Kriegsmarine n'ont pu voir dans le projet “Barbarossa” une entreprise qui aurait contribué à abattre l'Angleterre (pour Hitler, ce n'était d'ailleurs pas l'objectif). Les gains territoriaux à l'Est ne compenseront nullement le tonnage que les Allemands, occupés sur le continent, ne pourront couler dans l'Atlantique, théâtre où se décide réellement le sort de la guerre. Les chefs de la marine ne voient ni la nécessité ni l'utilité d'une opération à l'Est, qui éloignerait les Allemands de l'Atlantique. Le Reich, pour les marins, ne perdra ni ne gagnera la guerre en Russie. Le destin de l'Allemagne se joue uniquement dans l'Atlantique.

    Si l'option Barbarossa se concrétise, l'industrie de l'armement consacrera tous ses efforts à l'armée de terre et à l'aviation. Si les livraisons russes cessent d'arriver en Allemagne à cause de la guerre germano-soviétique, la marine en essuiera les conséquences et ne pourra plus espérer aucune priorité dans l'octroi de matières premières et de carburants. La guerre à l'Est ôtera à la marine son principal fournisseur de matières premières. Ses chefs ne pensent pas, en conséquence, que les opérations en Russie apporteront une solution au problème des matières premières, domaine où l'Allemagne est dans une situation précaire. Les livraisons de pétrole pour l'Opération Seelöwe ne seront pas nécessairement assurées, une fois l'Opération Barbarossa terminée. En conséquence, la marine estime que la campagne de Russie n'est qu'un élargissement compromettant de la guerre, pire, qu'elle l'étend dans une mauvaise direction et au moment le plus inapproprié.

    Appréciation

    Avec la victoire sur la France en juin 1940, la marine allemande peut enfin mettre au point sa “grande stratégie”. Mais cette stratégie prend fin avec le débarquement allié en Afrique du Nord de novembre 1942. Pour Raeder, la “grande stratégie navale” est une alternative à l'Opération Seelöwe et, plus tard, à l'Opération Barbarossa, dont il n'a jamais été convaincu de l'utilité. La stratégie maritime n'est pas une stratégie partielle ou complémentaire, qui se déploierait parallèlement à la guerre sur terre. Elle est une stratégie globale qui affecte également les opérations sur le continent. Aujourd'hui, il n'est pas possible de dire comment elle aurait influencé le cours de la guerre, si elle avait été appliquée sans restriction.

    Dans les mois qui se sont écoulés entre la fin de la campagne de France et le début de la campagne de Russie, le IIIe Reich a pu choisir entre plusieurs options : 1) Il se tient coi, renonce à entamer toute opération et organise la défensive ; 2) Il poursuit la guerre à l'Ouest jusqu'à la capitulation anglaise et impose sa paix ; 3) Il se tourne vers l'Est, soumet la Russie et se retourne vers l'Ouest avec l'atout complémentaire : un continent uni par la force et inexpugnable. Aucune de ces options n'avait la chance de réussir à 100%. Toutes pouvaient réussir ou échouer. Évidemment, la stratégie consistant à demeurer coi ou la stratégie navale préconisée par les chefs de la marine, qui n'a pas été appliquée, ont le beau rôle dans les querelles entre historiens : personne ne peut dire avec certitude qu'elles étaient erronées, puisqu'elles ne se sont pas traduites dans le concret. Quant à la “solution continentale”, recherchée par Barbarossa, elle a échoué. Mais elle aurait pu réussir.

    ► Ingo Lachnit, Revue d'histoire non conformiste n°3, 1994. (tr. fr. : RS)

    ♦ Notes :

    • (1) M. SALEWSKI, Die deutsche Seekriegsleitung 1935-1945, 3 t., tomes 1 & 2, Francfort/M., 1970-75. Tome 3 : Denkschriften und Lagebetrachtungen 1938-1944. Pour notre propos : t. 3, pp. 108 et sq.
    • (2) 1/Skl, “Betrachtungen über Russland”, 28 juillet 1940 (Salewski, t. 3, pp. 141 et sq.)   

     

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    ♦ Sur le Pacte germano-soviétique : Ingeborg FLEISCHHAUER, Der Pakt : Hitler, Stalin und die Initiative der deutschen Diplomatie 1938/39, Ull­stein, Berlin, 1990, 552 p. Parmi les publications et prises de position à l'occasion du 50ème anniversaire du fa­meux traité germano-soviétique de l'été 1939, peu ont mis l'accent sur les prémisses de ce “pacte dia­bolique”. L'historienne Ingeborg Fleischauer (Université de Bonn), spécialiste des relations germano-russes, a été la première Occidentale à pouvoir consulter certaines archives et pièces ori­ginales soviétiques. Ce qui lui a permis de retracer plus minutieusement que ses prédécesseurs la gé­néalogie du “pacte”. Elle en déduit que l'initiative de renouer de bonnes relations entre le Reich et la Russie venait surtout d'Allemagne et principale­ment dans la période qui a suivi Munich. Outre les archives russes, I. Fleischhauer a aussi compulsé un maximum de sources occidentales et interrogé les derniers témoins. Parmi les docu­ments analysés pour la première fois, il y a la cor­respondance privée du dernier ambassadeur alle­mand à Moscou, le Comte Friedrich Werner von der Schulenburg, dont le rôle n'a pas encore été évalué à sa juste mesure. La thèse personnelle d'I. Fleischhauer est de dire que l'initiative provient, non pas de Hitler ou de Staline, mais des milieux professionnels de la diplomatie allemande. L'historienne compte 4 étapes dans la gesta­tion du “pacte” : 1) d'octobre 1938 à fin janvier 1939, où l'on assiste à un renforcement des rela­tions commerciales bilatérales entre les 2 puis­sances ; 2) de février 39 au 10 mai 39, où les rela­tions bilatérales cessent d'être strictement com­merciales et se politisent lentement, malgré la désapprobation soviétique (surtout Litvinov) de l'occupation de la Bohème par les troupes de Hit­ler. Malgré l'annexion de ce territoire slave, une nouvelle génération de diplomates soviétiques ac­cepte le fait accompli qui contribue à déconstruire le cordon sanitaire occidental, mis en place pour tenir et l'Allemagne et l'URSS en échec ; 3) de mai 39 au 20 août ; les initiatives allemandes, quali­fiées de néo-bismarckiennes, se multiplient, jus­qu'à l'offre du pacte de non-agression du 17 août ; 4) du 20 au 23 août 1939, avec le voyage de Rib­bentrop à Moscou et la signature du “pacte”. En bref, un ouvrage d'une exceptionnelle minutie que doivent posséder et lire tous ceux qui veulent comprendre la dynamique de notre siècle. (RS)

    ♦ Sur l'Union soviétique et l'économie allemande dans l'entre-deux-guerres : Rolf-Dieter MÜLLER, Das Tor zur Weltmacht : Die Bedeutung der Sowjetunion für die deutsche Wirtschafts- und Rüstungspolitik zwischen den Weltkriegen, Harald Boldt Verlag, Boppard am Rhein, 1984, 420 p. L'époque qui s'étend de la révolution russe d'octobre 1917 à la signature du pacte germano-soviétique entre Hitler et Staline est l'une des plus passionnantes et des plus riches de l'histoire contemporaine. Les relations germano-soviétiques tissées pendant ces 20 années ont été le plus souvent étudiées sous l'angle de la diplomatie ou alors les historiens ont cherché à cerner l'importance que revêtait l'accord d'août 1939 dans les stratégies personnelles de Hitler ou de Staline. Ont été dès lors négligés les aspects économiques et la politique d'armement. Le travail de Müller vise à combler cette lacune, en explorant méthodiquement les archives de l'époque et en tentant de cerner les constantes de la politique allemande envers la Russie, constantes où se mêlent étroitement les ambitions impériales et les intérêts économiques. Ces constantes se sont appliquées jusqu'au 22 juin 1941, date à laquelle les armées allemandes entrent en Russie. L'objectif de ce travail d'investigation minutieux, c'est aussi d'éclairer le présent sur les éventualités d'une future politique allemande à l'Est. Müller démontre ainsi que le tandem germano-russe a pris le pas sur les projets pan-européens élaborés à l'Ouest entre 1925 et 1932 et que l'Allemagne a gardé une stricte neutralité dans le conflit anglo-russe de 1927, attitude qui favorisait la Russie. Müller étudie ensuite les variations de la politique russe du régime national-socialiste, d'abord allié à la Pologne de Pilsudski et spéculant sur un démembrement de la Russie avec l'appui de l'Angleterre et du Japon, puis lié économiquement à la Russie, laquelle ne devient plus une zone d'exploitation potentielle mais un espace détenu par un allié tacite où l'on achète des matières premières. En 1941, c'est la première option qui reprend le dessus, mais sans l'alliance anglaise. Une somme capitale pour comprendre les mécanismes d'une politique qui a déterminé l'histoire européenne. (RS, Orientations n°10, 1988)

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    ♦ Débat radiophonique : Libre Journal 2001-09-05

    ♦ Entrées connexes :

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    7510.jpgEn kiosque : le numéro 2 du magazine trimestriel de Sciences & Vie : Guerres et Histoire vient de paraître. À la une, un dossier spécial sur Barbarossa, la campagne de tous les extrèmes de la Seconde Guerre mondiale. Du triomphe au désastre, ce dossier de 26 pages revient sur l'état des forces en présence, les causes de la déroute soviétique et les erreurs allemandes, connues et méconnues... II y a 70 ans, le 22 juin 1941, à 3h15, Hitler attaquait Staline. Débutait alors l'opération Barbarossa, la campagne de tous les extrêmes. Jamais autant d'hommes et de matériel ne se sont affrontés sur un espace aussi vaste, jamais autant de sang n'a coulé, jamais armée n'a encaissé défaite aussi retentissante que l'Armée rouge, rarement aussi un dirigeant ne se sera trompé à ce point et jamais non plus un attaquant ne s'est vu si promptement frustré du fruit de sa victoire... Comment l'URSS a survécu au choc et pourquoi les Allemands ont échoué ? Quels étaient les points forts et faibles de ces 2 armées gigantesques ? Ce numéro 2 de Guerres & Histoire propose un dossier de 26 pages construit au travers d'interviews de témoins, ainsi que des meilleurs historiens russes, allemands et anglo-saxons. (histoire-pour-tous.fr)