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VOULOIR - Page 205

  • Jonas

    ha-jo-10.jpgÉtudier et approfondir l’œuvre de

    Hans Jonas (1903-1993)

    pour une éthique de la Vie et de la responsabilité

    ◘ Intervention de Robert Steuckers à l'Université d'été de Synergies Européennes, Pérouse, juil. 1999

    Analyse : Franz Josef Wetz, Hans Jonas zur Einführung, Junius Verlag, Hamburg, 1994, 225 p.
    Eric Jakob, Martin Heidegger und Hans Jonas : Die Metaphysik der Subjektivität und die Krise der technologischen Zivilisation, Francke Verlag, Tübingen / Basel, 1996, 394 p.

    podcast

    [ci-dessus : Hans Jonas photographié par Lisl Haas en 1953]

    Une grave négligence marque le développement de notre mouvement — et de certains mouvements adverses voire de tout mouvement politique classique — et débouche, en fin de compte, sur bon nombre de stagnations, de faux pas ou d'enlisements. Cette négligence est l'ignorance générale du message que nous a laissé Hans Jonas, mort à 90 ans en 1993. Plusieurs raisons me poussent aujourd'hui à vous enjoindre de lire et d'approfondir l’œuvre de ce philosophe, tiraillé entre sa patrie allemande, son exil américain, son combat pour la création de l’État d'Israël (nouvelle patrie rêvée puis abandonnée) Je donne aujourd'hui, en guise d'introduction, quatre raisons ou batteries de raisons qui doivent nous inciter à le lire et le méditer :

    ♦ 1. H. Jonas commence sa carrière de philosophe en analysant et en critiquant le gnosticisme, donc l'espace philosophique qui se trouve à l'origine des dualismes qui marquent, oblitèrent et pervertissent la civilisation chrétienne donc occidentale.

    ♦ 2. H. Jonas constate que les dualismes, issus de la gnose du Bas-Empire, conduisent à une négation de la Vie. Il en conclut qu'il faut réhabiliter la Vie, sans sombrer dans un vitalisme purement matérialiste.

    ♦ 3. La réhabilitation de la Vie postule une éthique de la responsabilité, vis-à-vis du donné vital, garant de toute continuité, vis-à-vis de toutes les formes de continuités, y compris celles qui s'inscrivent dans la dimension écologique globale (« gaïenne », dirait Edward Goldsmith).

    ♦ 4. Plusieurs raisons annexes doivent nous conduire à étudier Jonas encore plus en profondeur :

    • a) Il a été un élève de Heidegger ; il lui est resté fidèle malgré tout ce qui les a séparés, notamment les prises de position politiques en faveur du national-socialisme qu'a manifestées Heidegger en 1933-34 ;
    • b) Jonas a été le condisciple de Hannah Arendt et c'est lui qui, au terme d'une longue amitié, prononcera le discours de circonstance au bord de sa tombe en 1975 aux États-Unis ;
    • c) Jonas a connu une vie combattante qui s'inscrit dans une trajectoire logique : elle part du socialisme communautaire (inspiré de Landauer puis de Buber) pour aboutir au sionisme (quand, en tant que Juif, il ne peut plus œuvrer pour l'avènement d'un tel socialisme communautaire en Allemagne) et à un engagement, à 40 ans, dans la Légion Juive de l'armée britannique, issue de la faction majoritaire de la Haganah qui était pro-britannique (au contraire du Group Stern qui voulait une alliance avec l'Axe), puis dans l'armée israélienne en 1947-48. Jonas est donc un philosophe de la Vie et le théoricien d'une éthique de la responsabilité, après avoir été un soldat, contrairement à beaucoup de ses homologues.

    Hans Jonas  : éléments biographiques

    Qui fut Hans Jonas ?

    Hans Jonas naît en 1903 à Mönchengladbach, dans la zone industrielle de la Ruhr. Il est issu d'un milieu aisé, celui de la grande bourgeoisie juive libérale. Son père est fabricant de textiles et patriote allemand. Les inclinaisons politiques du jeune Jonas vont vers un catholicisme ouvrier (l'aile gauche du Zentrum chrétien-démocrate) ; il veut travailler à l'avènement d'une démocratie ouvrière allemande non révolutionnaire. Plus tard, sous la pression des événements et poussé à choisir une orientation sioniste, ces inclinaisons se traduiront par un sionisme modéré, communautaire, exprimé par le socialisme des kibboutzim. De lui-même, Jonas disait qu'il avait un « tempérament méridional » (Hannah Arendt s'en est souvenue et l'a noté), qu'il aimait l'Italie et croyait, après les événements tumultueux de la révolution spartakiste et de l'aventure de la République des Conseils en Bavière, que l'avenir de la communauté juive allemande était en Palestine (où il effectue un premier voyage en 1923). Mais, dès ce premier contact avec la terre palestinienne, il se rend compte de la difficulté qu'il aurait, lui, garçon d'une ville industrielle, à vivre la vie paysanne et rurale des kibboutzim.

    Il abandonne provisoirement son rêve de colon sioniste pour entamer des études de philosophie en Allemagne. Ses premières lectures philosophiques le conduisent tout d'abord à Kant, dont il retient une idée-force : « Il faut avoir de la BONNE VOLONTÉ », noyau essentiel de la Metaphysik der Sitten. Ensuite, il aborde Schopenhauer et Martin Buber (not. les Reden über das Judentum), dont il retient l'amour pour la Vie et la création de Dieu, également exprimé dans le mouvement hassidique de la diaspora est-européenne. De cette lecture de Buber, Jonas retient un respect de la nature et des créatures (contraire de la gnose, qui, elle, se posera d'emblée comme ennemie de la Vie).

    Heidegger et Bultmann

    Sa vie d'étudiant allemand le mène dans les auditoires où professe Heidegger. Le philosophe de la Forêt Noire exerce sur lui une véritable fascination. Il lui rend un vibrant hommage (rédigé après leur rupture !), que je considère comme l'un des plus beaux témoignages de respect d'un disciple à son maître, qu'il n'a toutefois pas suivi aveuglément en tous points :

    « On avait tout de suite l'impression, avant de comprendre quoique ce soit : ici, il se passe quelque chose de nouveau, ici, on ouvre de nouvelles perspectives et on travaille à forger un nouveau langage. Je sais qu'au cours de ce semestre, sans comprendre grand chose, j'étais entièrement persuadé que quelque chose d'important et d'essentiel en matière de philosophie était à l’œuvre. Il y avait là un homme qui pensait devant ses étudiants, qui ne répétait pas quelque chose qui avait déjà été pensé, comme c'était le cas chez Husserl, mais qui accomplissait l'acte même de penser en présence de ses étudiants. Voilà ce qui nous ébranlait ».

    Jonas est donc fasciné par :

    • 1) La volonté de Heidegger de se détacher de la terminologie philosophique conventionnelle.
    • 2) La volonté de retourner à l'essentiel, dissimulé derrière cet écran de vocables et de concepts. Ce retour à l'essentiel est simultanément un retour au Vivant, à l'authentique (lebendig und authentisch), et une volonté d'aller à la rencontre de l'Urerlebnis, le vécu original, le sentiment originel.

    Deuxième célébrité philosophique que rencontre l'étudiant Jonas : Bultmann, qui entend “dé-mythologiser” les écritures. Hans Jonas et Hannah Arendt se rencontreront lors des séminaires de Bultmann. C'est lui qui sera directeur de la thèse de Jonas, matrice de sa première grande œuvre philosophique, Gnosis und spätantiker Geist (Gnose et esprit de l'antiquité tardive ; 1934, 1ère partie). L'objet de ce livre est de montrer que la gnose est l'esprit dominant à la fin de l'antiquité, qu'il marque l'évolution ultérieure de la pensée hellénistique, européenne médiévale et occidentale. La trajectoire de la gnose est loin d'être terminée aujourd'hui : nous sommes tributaires (et le plus souvent, victimes) du modèle gnostique. Fidèle à la méthode que lui lègue Bultmann, Jonas veut retrouver le « contenu initial » de cet esprit gnostique, sur fond duquel se développera le christianisme. La gnose impose à la philosophie occidentale un dualisme extrême. Tout dualisme, même modeste, en est un avatar. Le dualisme gnostique impose un divorce radical entre l'homme et le monde, entre la nature et l'esprit, entre l'homme et le divin (même si le christianisme catholique officiel combat cette césure absolue initiée par la gnose). Ce divorce est précisément le noyau original de la civilisation chrétienne-occidentale. Cette césure est récurrente, aussi en notre XXe siècle, où l'existentialisme, par ex., en est un avatar pervers, aux yeux de Jonas (nous y reviendrons). Pour la gnose, le salut réside dans le refus du monde (Ent-weltlichung), dans le rejet du donné naturel.

    Avant de terminer le deuxième volet de ce travail, dont la première partie parait en 1934 et la seconde en 1954, Jonas quitte l'Allemagne et s'installe, exilé amer, en Palestine. Il participe à la vie politique juive, en militant dans l'aile modérée de la Haganah, ce qui l'entraînera, pendant la Deuxième Guerre mondiale, à servir dans la Brigade Juive de l'armée britannique, qui part, sous le commandement de Montgomery, à la reconquête de l'Afrique du Nord (Égypte, Libye, Tunisie) et aux débarquements en Sicile et en Italie. Jonas retourne ainsi en Allemagne dans un uniforme de soldat (comme il l'avait promis à sa mère). Après la guerre en Europe, il retourne en Palestine, puis émigre au Canada et, enfin, aux États-Unis.

    Une critique de Heidegger

    Cette vie d'exil, d'émigrations forcées et de vie militaire, interrompt sa quête philosophique et sanctionne sa rupture personnelle avec Heidegger, consommée après le fameux Discours de Rectorat, où le philosophe de la Forêt Noire avait donné (provisoirement) sa pleine adhésion au régime national-socialiste, dans l'espoir que celui-ci mette rapidement un terme à tous les encroûtements et les pesanteurs qui empêchaient le génie allemand de s'exprimer (à ce propos : lire Hans Sluga, Heidegger's Crisis : Philosophy and Politics in Nazi Germany ; Bernd Martin, Martin Heidegger und das “Dritte Reich” : Ein Kompendium). Premier reproche philosophique de Jonas à Heidegger : celui-ci aurait manqué de Mitgefühl (de sentiment pour l'autre, de pitié ou de miséricorde), absence qui conduit à un manque de piété (de Frömmigkeit). Aujourd'hui, on sait que ce reproche est insuffisant : Heidegger a bel et bien jeté les bases de cette « piété miséricordieuse », de cette générosité et de cette charité, en énonçant ses conceptions du Mitsein (“l'être-avec”), mais qu'il a incomplètement théorisées (cf. les nouvelles recherches en ce domaine de Frederick A. Olafson aux États-Unis : Heidegger and the Ground of Ethics : A Study of Mitsein). Mais cette critique n'implique nullement une rupture d'ordre philosophique : chaque démarche philosophique posée par Jonas est parallèle à une démarche équivalente de la part de Heidegger. Jonas est resté, quoi qu'il en ait dit, le disciple de Heidegger.

    Il se borne à critiquer le formalisme de Heidegger (comme d'autres, y compris dans le camp national-socialiste) et son existentialisme qu'il juge « engagé, politique, partisan, etc. », à l'instar de ceux de Sartre, Malraux, Drieu et les nationaux-socialistes allemands.

    Après 1949, une fois installé au Canada et aux États-Unis, Jonas poursuit enfin ses recherches dans le calme et la sérénité. En 1954, paraît enfin le deuxième volet de son étude sur la gnose, où il se montre plus critique encore à l'endroit du dualisme gnostique et de son refus de la Vie. Pour Jonas, le dualisme (tout dualisme) est anti-cosmique. Ce qui a conduit à l'idéalisme, d'une part, à l'existentialisme nihiliste, d'autre part. Ainsi, écrit-il en poursuivant sa critique de Heidegger, le souci (Sorge), chez notre philosophe de la Forêt Noire, s'avère insuffisant pour exprimer toutes les détresses, les misères, les nécessités de l'existence. Il manque, dans la démarche de Heidegger, un intérêt pour la corporéité physique de l'homme. D'où Jonas préconise le développement d'une philosophie organique qui soit, en même temps, une révolte contre le dualisme. L'objectif d'une telle philosophie est de détruire (de déconstruire) l'apparatus philosophique traditionnel (comme l'avait réclamé Heidegger) et de mettre en avant (hervorholen) ce que la tradition philosophique a négligé ou refoulé (Précisons ici : Heidegger entend par “tradition” le ballast qui alourdit la pensée occidentale et l'empêche d'aller à l'essentiel, tandis qu'Evola utilise le terme “Tradition”, avec majuscule, pour désigner ce qu'il convient de retrouver derrière ce même ballast).

    Jonas énonce donc un double reproche à l'adresse de Heidegger : il lui reproche de rester chrétien en ne revendiquant pas assez radicalement l'organique et, en même temps, de courir le risque de basculer dans un paganisme immanentiste radical, que Jonas n'accepte pas (ce débat se retrouve, mutatis mutandis, dans les rangs des écologistes actuels, où les Fundis et les tenants de la deep ecology, s'opposent aux pragmatiques, aux Realos). Le risque de cette insuffisance d'organicité ou de cet immanentisme radical, chez Heidegger, et, sous entendu, chez les fascistes guerriers, quiritaires, et hyper-politisés, est de ne jamais énoncer de normes en dehors de cette Tiefe (profondeur), de cette Entschlossenheit (décision) ou de cet “appel de l'Être” (Seinsruf), que, seule, une très petite minorité de combattants ou d'activistes (jetés ou lancés sur la Voie Royale de Malraux, p. ex.) peut incarner, laissant l'immense majorité du peuple dans le désarroi et l'inauthentique. D'où le refus premier de Jonas du dualisme d'origine gnostique entraîne le philosophe, par effet de conséquence, à postuler un retour général à l'organique, mais, cette fois, tant dans ses phases dramatiques / tragiques (prisées par les existentialistes fascistes et autres) que dans ses phases quotidiennes triviales (affrontées par n'importe quel homme, fût-il le plus modeste, le plus humble). Ce retour à l'organique implique une éthique de la responsabilité. Comment tout cela va-t-il s'articuler ?

    Une étude serrée des gnoses du Bas-Empire

    Opérons d'abord un retour rétrospectif aux études de Jonas sur la gnose.

    ♦ A. Dans la Grèce pré-hellénistique, “Gnose” signifie tout simplement “connaissance” (connaissance immanente, rationnelle).

    ♦ B. Mais le terme “gnose” prend au fil du temps, après l'avènement du christianisme, une connotation religieuse. Ainsi, explique Jonas, si, au départ, “gnosies” est un terme grec pour désigner simplement la connaissance, la gnose des philosophes du Bas-Empire perd son caractère grec. Jonas va réclamer, avec son plaidoyer pour la Vie et l'organicité et son appel à une éthique de la responsabilité, un retour aux Grecs, à la gnose première de l'hellénité primordiale.

    ♦ C. En effet, la gnose, telle qu'on l'entendait dans la décadence du Bas-Empire, est une rupture radicale avec :

    • 1) la vision cosmique et unitaire (unitarienne) des Grecs ;
    • 2) le platonisme que Jonas respecte (nous y revenons) ;
    • 3) la vision persane et zoroastrienne. En effet, chez les Grecs, le Cosmos est empreint de positivité ; chez Platon (en dépit des critiques de Nietzsche et de Heidegger que nous avons souvent faites nôtres), les choses du monde sont un reflet des idées, donc elles recèlent encore des fragments de positivité ; en Perse zoroastrienne, la dualité cosmique Ormuz / Ahriman est répliquée dans le monde immanent, donc celui-ci recèle au moins une moitié de positivité.

    Avec les gnostiques du Bas-Empire, le monde (mundus) est le mal tout court, le principe anti-divin. Ce refus d'admettre le moindre degré ou fragment de positivité dans le monde est le fondement du processus dénoncé par Heidegger : l'oubli de l'Être (Seinsvergessenheit). Le cosmos rayonnant (strahlender Kosmos) des Grecs est devenu, dans la vision cosmique, le “véhicule des ténèbres”, le vecteur d'un assombrissement du monde (on songe à l'Entlichtung de Schuler et Klages). L'homme est posé comme étranger à toutes les choses du monde. La déréliction de Heidegger, la Geworfenheit, est donc, pour Jonas, un résidu de gnosticisme. Heidegger a replacé cette déréliction dans l'immanence, si bien qu'elle devient, dans sa philosophie, un “existential”. Mais contrairement, aux gnostiques, cet existential est l'espace où s'exercera la liberté humaine. Jonas juge toutefois que l'idée de Geworfenheit chez Heidegger (mais aussi chez Sartre et Camus) est tellement nihiliste et négative que ces philosophes allemands et français ne se préoccupent pas assez :

    • a. du corps même de l'homme et de ses besoins vitaux ;
    • b. de la nature (en effet, l'existentialisme n'a pas directement et immédiatement généré une idéologie écologique, et se situait aussi en marge des traditions völkisch (folcistes) et des Lebensreformer (les réformateurs de la vie qui proposaient des mesures concrètes dans le sillage du mouvement de jeunesse allemand) ;
    • c. de l'environnement naturel et culturel, c'est-à-dire des continuités historiques concrètes. D'où, pour les existentialistes que critique Jonas, la décision de sortir de la déréliction ou d'échapper aux corsets de la tradition ne peut se faire que par la force, le coup d’État ou le coup d'éclat, la révolution ou le putsch (on retrouve là les nationaux-socialistes, les fascistes, les communistes, les anarchistes, Malaparte, Drieu, Malraux, Campbell, etc.).

    Certes Jonas pose cette critique a posteriori, quand l'élan fasciste ou national-socialiste s'est évanoui dans la défaite militaire et politique. Il n'empêche que sa question — son interpellation — est exacte : comment sortir de la déréliction, se débarrasser de la mythologie (post-gnostique) de la déréliction, échapper aux corsets de la tradition, sans recourir à la révolution, au coup d’État, à la force, etc. surtout quand ce n'est plus possible et, qu'en apparence, l'ère des effervescences politiques violentes est close en Occident (et même à l'Est : on l'a vu à Moscou en octobre 1993).

    Après avoir formulé une première critique assez violente des positions existentialistes et décisionnistes de Heidegger, Jonas admet, dans une deuxième phase de son œuvre après la Seconde Guerre mondiale, qu'il y a eu un premier Heidegger (celui de Sein und Zeit) et un deuxième Heidegger (celui des Holzwege, des Chemins qui ne mènent nulle part). Dans les Holzwege, Heidegger aussi s'insurge contre l'acosmisme anthropologique, cherche à étayer un discours plus enraciné (donc plus organique), constate les efforts pervers d'une pensée trop techniciste donc mécaniciste d'oblitérer et de manipuler le donné naturel et culturel. En dépit de son hostilité à Heidegger depuis le Discours de Rectorat en1933, Jonas reste, je le répète, son fidèle et attentif disciple.

    Du dualisme au technicisme

    Pour expliciter l'oubli de l'Être, Jonas va nous proposer une esquisse de l'évolution et du développement de la pensée occidentale. Pour lui, elle s'est déployée en 3 étapes :

    • 1. Celle du panvitalisme, de l'animisme et de l'hylozoïsme grecs (on songe aussi à l'hellénité primordiale que chantait Friedrich-Georg Jünger) ;
    • 2. Celle du dualisme ;
    • 3. Celle de l'idéalisme et du matérialisme, en tant que phénomènes parallèles, opposés l'un à l'autre dans un antagonisme stérile.

    Première remarque importante : Jonas nous dit qu'au départ, au stade du panvitalisme grec, la vie ne posait pas de problème ; elle est donnée à profusion, elle est jugée belle et bonne, on remercie les dieux et les éléments de nous la donner. Seul problème inexplicable à cette ère panvitaliste : la mort. Pour la pensée grecque-ionienne, qui est hylozoïque, la matière est vivante (belebt) et animée (beseelt), elle a une âme. La mort reste un problème inexplicable et on essaie de la conjurer en vouant un culte aux morts, en donnant une majesté aux tombeaux, en cultivant l'idée de vie éternelle, d'immortalité ou, en Inde, de transmigration des âmes (cf. Schuler et Klages).

    La modernité inverse ce rapport entre la vie et la mort. Seule la mort, pour les modernes, est compréhensible, “encadrable” dans des concepts. La vie, elle, pose problème : comment l'expliquer, la mettre en concepts, la définir, comment maîtriser conceptuellement sa profusion incessante ? Pour Dilthey, on ne peut définir que les choses mortes, achevées, terminées dans leur évolution. La matière morte peut effectivement se définir sans poser problème. La matière vivante, les animaux, les corps, l'homme sont, eux, difficilement définissables.

    La modernité aboutit ainsi à concevoir un homme machinisé (qui n'est certes pas l'homme-machine de La Mettrie, dont L'Art de jouir est certes le contraire diamétral d'une rigueur mécanique), un homme machinisé qui serait l'instrument ou l'outil des pratiques mécanicistes jacobines qui rêvent d'une Cité géométrique (Gusdorf). La question centrale (et perverse) de la modernité est donc : comment théoriser la Vie ? Ce qui revient à dire : comment la mettre en cartes ou en fiches, l'enfermer dans des concepts-corsets, des définitions propres et closes ? Jonas, toujours disciple de Heidegger, pose l'équation : oubli de l'Être = oubli de la Vie. Dans la modernité : la vie est mise entre parenthèses et la pensée écartelée entredeux possibles également dévitalisés : l'idéalisme acosmique et un matérialisme de la matière morte.

    Les origines grecques de ce dualisme

    Jonas explore l'histoire de la philosophie pour retrouver les racines de ce dualisme qui aboutira à la modernité.

    ♦ A. Il estime que l'origine du dualisme grec réside dans l'idée orphique du “soma-sema” (“le corps est un tombeau”). Le corps est dévalorisé, devient un principe inférieur.

    ♦ B. Les œuvres de Platon et d'Aristote constituent vis-à-vis du “soma-sema” un pas en arrière (ein Schritt zurück).

    ♦ C. Ensuite, vient, dans la pensée grecque une différenciation toujours plus prononcée entre physis et logos, parallèle à une situation similaire dans le monothéisme juif, que Jonas explique : « Le monothéisme juif a mis de côté les dieux de la nature et tous les êtres intermédiaires et laissé Dieu et le monde en un état clair de séparation (de césure) » (analyse comparable à celle de Sigrid Hunke dans La vraie religion de l'Europe).

    ♦ D. Jonas, pour échapper à ce dualisme et à cet esprit de césure, revalorise la première phase de la Renaissance qui avait rétabli les hiérarchiesentre Dieu et le monde (Pic de la Mirandole, Luc Gafurius, etc).

    Critique de “l'optisme”

    Pour Heidegger comme pour Jonas, la doctrine platonicienne des idées est une objectivation optique du monde ; dans ce cas, le monde devient une image (pure surface sans profondeur) ; il y a là survalorisation de l’œil, du visuel, au détriment de tous les autres sens. Cette survalorisation du visuel est certes une constante anthropologique générale, admet Jonas. Dès les premières peintures rupestres des Cro-Magnons et des Aurignaciens, l'homo sapiens est aussi un homo pictor.

    Cette survalorisation du visuel implique :

    • a. La simultanéité (le philosophe exclut le devenir en amont et en aval de son présent) ;
    • b. La neutralisation de toutes les causalités dues aux effets sensoriels ;
    • c. La distance (hautaine) du philosophe par rapport aux choses, à ce qu'il voit, à ce qu'il a en face de lui.

    ♦ De la simultanéité : Jonas constate que le regard/l'optique issue du platonisme privilégie l'extension (res extensa), le statisme, la pure juxtaposition d'éléments coexistants (sans relations apparentes entre eux). Constatant que cette approche “optiste” est insuffisante pour pénétrer les mystères de la Vieet le réel sous toutes ses facettes, Jonas va réhabiliter l'ouïe, qui saisit des processus dynamiques mais de manière plus passive, et le toucher, soit l'expérimentation tactile.

    ♦ De la neutralisation des causalités d'ordre sensoriel : Le terme “theoria” vient de “theorein”, qui signifie “regarder”. De ce fait, l'optique (l'optisme) dualiste hellénistique et occidentale (qui n'est ni ionienne ni grecque) brise le lien nodal et causal (Kausalnexus) entre le sujet et l'objet et élimine de son champ tous les liens, les relations entre sujet et objet. Toutes les dynamiques à l’œuvre dans la res extensa sont dévalorisées en tant qu'accidentelles et fortuites, temporaires ou éphémères. Au “theorein”, pur regard détaché, Jonas oppose, à l'instar de Nietzsche, la corporéité (Leiblichkeit), car elle implique de voir, d'entendre (Nietzsche et la musique) et de toucher (confrontation aux éléments) (voir not. : G. Deleuze, Nietzsche, PUF, 1965). La corporéité, telle que l'entendent Nietzsche et Jonas, conduit à un Mit-der-Welt-Sein (être-avec-le-monde), et à un abandon de la posture dualiste et “optiste” du face-au-monde. Le Mit-der-Welt-Sein implique l'imbrication dans le jeu complexe du monde, le Mit-Fühlen ; le face-au-monde rejette cette imbrication : il scrute, méfiant, la succession incessante des phénomènes du haut de son mirador de surveillance, symbole de la modernité selon Michel Foucault. Donc le monde, pour Jonas, n'est pas simplement un ensemble de données, mais d'actes (Gœthe, Faust : « Am Anfang war die Tat »). Ainsi, penser n'est pas regarder (“theorein”), n'est pas Anschauung (vision) mais Anstrengung (effort, effort de tout le corps) (*). En conclusion , pour Jonas, l'optique (la reine Betrachtung, le pur “theorein”) implique la priorité problématique et perverse de l'Être fixe, achevé, par rapport au Wirken, à l'agir, au devenir, à l'Être effervescent et grouillant, à la dynamique intérieure (et extérieure) (pour une bonne définition du Wirken, voir J. Evola, Le Yoga tantrique). La critique de Heidegger et de Jonas vise à sortir de cette impasse de l'optisme et à faire l'expérience des diverses forces à l’œuvre dans le monde. Et là, en dépit de ce qui les sépare sur le plan de l'engagement politique, la critique de Jonas, plus claire, il faut l'avouer, que celle de son maître Heidegger, rejoint finalement, sur bon nombre d'aspects celle des nationaux-socialistes Alfred Bäumler et Ernst Krieck (qui pense l'All-Leben, la pan-vitalité ; cf. R. Steuckers, « Ersnt Krieck », in : Encyclopédie des œuvres philosophiques, PUF).

    ♦ De la distance : L'optique occidentale dominante implique la distance du sujet regardant par rapport à l'objet regardé. D'où il y a disparition de l'interactioncorporelle (de la leibliche Interaktion). Ce qui a pour résultat l'abstractionnisme. La “théorie” (ou l'optique, l'uniquement visuel) à une dimension technique, constate Jonas. Si je suis théoricien, dans ce sens, j'interviens SUR et DANS les choses pour les modifier, changer leur image (et nous voilà aux manipulations médiatiques actuelles), leur donner le look voulu, gommer leurs imperfections naturelles (puisque tout naturel est dévalorisé et considéré comme imparfait) (voir les critiques actuelles de la puissance des médias chez Régis Debray, De Closet, Minc, etc.). Et j'interviens toujours sans tenir compte des interactions car celles-ci sont invisibles, donc “théoriquement” inexistantes.

    De la critique de la gnose et du dualisme à la philosophie organique

    L'affirmation d'une pensée organique se structure, chez Jonas, avec la parution de son livre Das Prinzip Leben, recueil d'articles et de conférences, rédigés et prononcées de 1951 à 1973. L'organique, écrit Jonas, dans ses manifestations les plus élémentaires, préfigure (vorbildet) le spirituel. En conséquence, Jonas identifie organique et liberté (et donc inorganique et absence de liberté). Il y a identification ontologique de l'organique et de la liberté. Contrairement à la gnose et à ses avatars modernes, il faut prendre l'organique au sérieux, nous dit-il, ne pas le démoniser, ne pas le considérer comme inférieur ou comme le véhicule du mal. Car l'organique, dans sa profusion (de formes de vie) et son imprévisibilité, est le cadre et la condition de notre liberté. À partir de Descartes, la matière, le monde environnant, c'est-à-dire l'environnement écologique, n'est plus qu'une res extensa, exploitable sans limites. Quand commence l'exploitation de l'énergie atomique et que s'amorcent les manipulations génétiques, Jonas, comme Heidegger et Friedrich-Georg Jünger, prend conscience d'un certain danger : le danger de jouer avec des acquis, de poser des expérimentations irréversibles. Devant ce danger, Jonas veut susciter, chez ses contemporains, dans nos cœurs, un sens de la RESPONSABILITÉ pour les acquis, pour l'héritage à long terme, tant en amont qu'en aval de notre présent. Si nous ne déployons et ne diffusons pas une éthique de la responsabilité, nous courons à la catastrophe. Tel sera l'objet de son livre le plus lu, Das Prinzip Verantwortung, ou, en français, Le Principe responsabilité, paru en 1979, au soir de sa vie.

    Une responsabilité pour les générations futures

    Dans cet ouvrage qui a connu un assez vif succès, on décèle clairement la préoccupation majeure de Jonas : toute action, bonne ou mauvaise, met désormais en jeu plusieurs générations (ganze Generationenketten, zahllose künftige Geschlechter). Nous sommes ainsi poussés, bon gré mal gré, dans un “nouvel ordre de grandeur”. L'homme moyen dispose-t-il ontologiquement de capacités cognitives suffisantes pour maîtriser totalement ce “nouvel ordre de grandeur” (neuartige Größenordnung) ? Jonas est pessimiste, à l'instar des disciples de Konrad Lorenz, Riedl, Wuketits, Oeser, Preuß, etc.) . Le rythme de l'évolution biologique de l'homme a été et demeure un rythme lent, alors que le rythme de la transformation de l'atmosphère et de la biosphère par la technique est un rythme plus rapide et sans doute beaucoup trop rapide, si bien que l'homme ne pourra le maîtriser, vu ses limites biologiques et cognitives, vu les mauvaises habitudes prises par la consommation de masse. Sur le plan concret, ce télescopage entre rythme biologique lent et rythme technique rapide ne semble pas avoir d'effets immédiats (Naheffekte), mais aura indubitablement et inexorablement des effets à moyen ou long terme, effets qui seront additifs et cumulatifs. L'éthique jonasienne de la responsabilité s'accorde dès lors avec une pensée qui tient compte du long terme (et que vient de développer l'éthologiste Irenäus Eibl-Eibesfeldt, dans In der Fall des Kurzzeitdenkens, soit “Dans le piège de la pensée à court terme”).

    Trois faisceaux de phénomènes préoccupent donc Jonas : la prolifération des armes et des technologies nucléaires, la crise écologique globale et la généralisation des technologies génétiques et biogénétiques. Ces applications de la science et de la technique modernes sont préoccupantes et grosses de risques ou d'effets désastreux sur le long terme. Le philosophe, dit Jonas, a le devoir impérieux d'apporter une réponse et de développer une pensée qui parie pour la survie de la Terre, se soucie de la santé de la biosphère, se soucie de la dimension intérieure de la vie(des codes génétiques). Dans Das Prinzip Verantwortung (1979) — livre qui influencera considérablement le Chancelier Helmut Schmidt après qu'il ait quitté les affaires — ce pari et ces 2 soucis conduisent Jonas à théoriser le sujet responsable (Verantwortungs subjekt), l'objet de responsabilité (Verantwortungsobjekt) et l'instance de responsabilité (Verantwortungsinstanz). En résumé, cette triple théorisation signifie que le sujet responsable est face à des objets qui réclament de lui le développement d'un sens de la responsabilité, ce doit ensuite le conduire, s'il détient une quelconque autorité, à créer, entretenir, articuler et maintenir des instances de responsabilités.

    Responsabilité et devoir

    Le principe responsabilité est un livre qui entreprend une vaste réhabilitation de la notion de responsabilité. Il appelle nos contemporains à développer un nouveau sens de la responsabilité, au-delà de Max Weber et, cette fois, face à la fragilité de la Nature, réceptacle de tout agir humain. Il déplore que l'homo faber a pris la place de l'homo sapiens (on relira dans cette optique le fameux roman de Max Frisch, Homo Faber). Il vise à susciter une éthique pour le futur, une futurologie qui est avant tout une pensée du long terme. Il cherche à combler le vide éthique de la pensée occidentale face au donné naturel qui court d'aussi graves dangers. Dans la prospection ou la planification à long terme, il faut toujours, dit Jonas, donner la priorité au pire, privilégier le pire scénario, de façon à ce que l'instance de responsabilité ou la communauté nationale ou la collectivité étatique soient toujours sûres de pouvoir affronter efficacement une catastrophe. Enfin, la responsabilité se fond sur la réciprocité, c'est-à-dire sur une réciprocité qui nous amènerait à prendre toujours en compte les intérêts d'autrui ; en ce sens, l'irresponsabilité serait d'agir sans réciprocité.

    Jonas réhabilite également le sens du Devoir (Pflicht). Le Devoir chez Jonas est essentiellement le Devoir que nous avons de léguer un monde viable aux générations futures, de donner un avenir à l'humanité, à nos enfants. Le Devoir, pour Jonas, est fondé sur une métaphysique (Jonas ne se pose pas ainsi comme pur vitaliste immanentiste).

    Autre question : qui incarne la responsabilité ? Les Parents et les Hommes d’État. Les Parents car les enfants de notre chair sont l'objet premier de toute responsabilité. Les Hommes d’État car ils sont responsables de la continuité et de l'avenir de toute collectivité nationale, ethnique ou étatique, responsables d'une fraction de l'espace terrestre. Pour Jonas, il paraît évident de mettre en avant le sens du devoir et de la responsabilité, mais pourquoi la philosophie contemporaine ne l'a-t-elle pas fait auparavant ? Parce que la fascination, que continue d'exercer sur nous l'optisme post-platonicien, interdit de penser une dynamique, qui s'affirmerait aussi responsable pour le non-visible, pour les relations à l’œuvre derrière la surface du visible. Ensuite, la pensée occidentale post-gnostique, dont le noyau est le refus gnostique de la vie, est tropmarquée par l'eschatologie messianique, dont un avatar moderne est le marxisme. Le livre de Jonas répond également à Ernst Bloch, auteur du Principe espérance (Prinzip Hoffnung), et prophète du “pas-encore” (noch-nicht-sein). Pour Jonas, l'influence de Bloch sur les jeunes révoltés de mai 68, en Allemagne surtout, est la source de la dé-responsabilisation dramatique de ces générations et leur ignorance des racines culturelles de leur civilisation. La révolte de 68 ne débouche pas, chez Bloch et ses disciples, sur une pensée nécessairement plus responsable,mais sur la vision (!) paradisiaque d'une humanité oisive qui s'adonnerait à ses dadas (Steckenpferde). Dans un tel monde, il n'y aurait plus ni liberté ni dignité. Plutôt que le “pas-encore” de Bloch, Jonas prône le “déjà-là”. Un “déjà-là” en devenir. Un devenir qu'il faut laisser évoluer et cheminer sans intervention intempestive.

    La leçon que nous lègue Jonas est donc capitale pour comprendre notre siècle, pour donner une dimension pratique et éthique aux réflexions de son maître Heidegger, pour développer une futurologie positive et responsable, pour amorcer une critique profonde des progressismes dévoyés.

    ► Robert Steuckers.

    ◘ Bibliographie complémentaire de Hans Jonas :

    1. Das Prinzip Leben : Ansätze zu einer philosophischen Biologie, Suhrkamp, st 2698.
    2. Das Prinzip Verantwortung : Versuch einer Ethik für die technologische Zivilisation, st 1085.
    3. Le principe responsabilité : Une éthique pour la civilisation technologique (tr. fr. de Jean Greisch), Champs-Flammarion.

    Note : (*) Cette distinction posée par Jonas entre “vision” et “effort” dévoile un ensemble de pièges du vocabulaire, dans lesquels bon nombre de penseurs et aussi la ND, confessons-le, sont tombés : souvent, n'avons-nous pas entendu les principaux protagonistes de cette ND,  jurer par “nos idées” (avec trémolos dans la voix – nos “idées fixes” dirions-nous sans ajouter un pléonasme inutile), ou par “notre-vision-du-monde”, posture anti-nietzschéenne et anti-heideggerienne par excellence, en dépit des références à Nietzsche et à Heidegger (!). La ND – seul Guillaume Faye a souvent eu la lucidité de le dire – a trop souvent été un muséisme, surtout dans le chef d'Alain de Benoist. On a l'impression que celui-ci collectionne les idées (les images du réel, ou pire, les images des images du réel) comme d'autres des timbres-poste ou des bibelots de porcelaine. Cette focalisation sur des “idées” (qui seraient immuables ou simplement chromos) ou sur une “vision-du-monde” (plutôt que sur un “sentir-le-monde”, un Mit-Fühlen immédiat) conduit à la peur du réel, des engagements concrets, de l'histoire, de la géopolitique, etc. D'où, pour l'observateur extérieur, cette drôle de sensation d'être en face d'un sous-platonisme de Prisunic, saupoudré de quelques termes heideggeriens, pour faire croire à la galerie qu'on est cultivé. Triste spectacle. Réédition morose des précieuses ridicules ou du bourgeois gentilhomme.