Syrie
La Syrie est depuis longtemps dans le collimateur des faucons néo-conservateurs
L’objectif est d’éliminer un ennemi d’Israël !
Le dirigeant de la Syrie, Bachar El-Assad, est mis sous pression. La Ligue Arabe a imposé des sanctions à son régime et les Nations Unies, à leur tour, entrent dans la danse. Le pays serait “au bord de la guerre civile” et la Haute Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Navy Pillay, exhorte la communauté internationale à prendre “des mesures effectives pour la protection du peuple syrien”. Comme si tout ce pandémonium n’était pas encore suffisant, on apprend qu’une “Armée syrienne libre”, soit une troupe de rebelles composée pour l’essentiel de déserteurs, attaque de plus en plus souvent des bâtiments abritant des institutions de l’État syrien afin de déstabiliser le régime d’El-Assad puis de le renverser.
Que cette “Armée syrienne libre” (ASL) soit réellement composée d’anciens soldats des forces régulières, qui auraient changé de bord, est une affirmation plus que douteuse. Plusieurs agences de presse arabes sur internet signalent que cette “ASL”, qui prétend aligner 20.000 hommes, aurait reçu le renfort de 600 “volontaires libyens”. Si la teneur de ces dépêches s’avérait exacte, la lutte qui se déroule aujourd’hui en Syrie prendrait une toute autre dimension. En effet, on sait déjà que bon nombre de “rebelles libyens” ont été militairement formés en Afghanistan et ont des liens avec Al Qaeda et d’autres organisations islamistes. C’est par la Turquie que ces “Libyens” ont été infiltrés en Syrie. Cela paraît d’autant plus préoccupant pour nous, Européens de l’Ouest et du Centre de notre sous-continent, que la Turquie est membre, comme nous, de l’OTAN. Or elle fournit des armes aux insurgés syriens depuis longtemps et, par la force des choses, nous implique dans le conflit civil syrien.
Qui plus est, il y a, via la Turquie, un lien entre les rebelles et Israël, État qui travaille à l’effondrement du régime d’El-Assad depuis de longues années. Dans le contexte qui nous préoccupe aujourd’hui, il est intéressant de rappeler l’existence d’un rapport rédigé en 1996 par un groupe d’études placé sous la double houlette du faucon néo-conservateur Richard Perle (surnommé le “Prince des Ténèbres”) et du Premier ministre israélien de l’époque, Benjamin Netanyahou. Ce rapport était intitulé “Une nouvelle stratégie pour sauvegarder la sécurité de l’Empire” (en anglais : Realm). Le concept de “Realm” doit se comprendre ici comme synonyme de “domination”, soit la domination américano-israélienne dans la région. Le rapport Perle/Netanyahou explique qu’il ne croit plus à une “paix générale”, concrétisée par “un coup de force décisif” mais évoque la possibilité de prendre toutes sortes de mesures pour affaiblir la Syrie, pays auquel on reproche une belle quantité de manquements. Ainsi, Damas serait impliqué dans le trafic international des stupéfiants, tenterait également de prendre le Liban tout entier sous sa coupe, soutiendrait, conjointement avec l’Iran, des organisations islamistes comme le Hizbollah, ce qui aurait pour corollaire que la Syrie “défierait l’État sioniste sur le sol libanais”.
Richard Perle, qui était un des conseillers du Président américain George W. Bush et l’un des principaux architectes de la guerre d’agression contre l’Irak (guerre qui bafouait le droit des gens), propose la stratégie suivante : Israël pourrait « modeler son environnement stratégique en coopérant avec la Turquie et la Jordanie en affaiblissant, en endiguant et même en repoussant les Syriens ». Étape importante dans la réalisation de ce projet : “éliminer Saddam Hussein du pouvoir en Irak”, ce qui fut fait en 2003 sous le prétexte de “diffuser la démocratie dans le monde”. Une fois Saddam éliminé, les ambitions syriennes de devenir une sorte de petite puissance régionale allaient être torpillées. Nos 2 auteurs mentionnent expressis verbis la Jordanie comme partenaire : en effet, ce royaume hachémite a signé un traité de paix avec Israël ; ce qui explique sans doute que le royaume, dont le régime est fort éloigné du modèle démocratique à l’américaine, a connu la paix jusqu’ici.
L’attitude très rigide contre la Syrie s’explique aussi par le fait que les Israéliens souhaitent annexer définitivement les hauteurs du Golan, occupées depuis 1967. Car, vu la nature du régime de Damas, il est “naturel et aussi moral” qu’Israël rejette toute solution équivalant à une “paix générale” et préfère “endiguer” la Syrie, se plaindre de son armement et de son programme d’acquisition d’armes de destruction massive, que négocier sur la base dite de la “terre pour la paix”, en ce qui concerne les hauteurs du Golan. Ce projet Perle/Netanyahou de 1996 n’est pas le seul plan imaginé pour bouleverser la région : le fameux plan Yinon de 1982 vise également l’affaiblissement de tous les États musulmans de la région. Oded Yinon, haut fonctionnaire attaché au ministère israélien des Affaires étrangères, propose, dans son mémorandum, une balkanisation de la région qui serait entièrement remodelée et où ne subsisteraient plus que des États arabes petits et moyens, afin qu’Israël puisse conserver sa prépondérance stratégique sur le long terme.
Au nom du “retour à l’initiative stratégique” et pour donner à Israël une marge de manœuvre afin que l’État hébreu puisse “mobiliser toutes ses énergies pour reconstruire le sionisme”, les faucons israéliens insistent pour que les États récalcitrants de la région, comme l’Irak en 2003 et la Syrie aujourd’hui, soient “ramenés à la raison”. Comme Tel Aviv ne peut atteindre cet objectif seul, ou ne pourrait l’atteindre que très difficilement, les États-Unis et aussi, dans un deuxième temps, l’Europe, doivent être sollicités et entraînés dans la danse. Et finalement, ne trouve-t-on pas dans le rapport Perle/Netanyahou l’éternelle évocation des “valeurs communes” de l’Occident que partagerait, avec l’Europe et l’Amérique, la “seule démocratie” du Proche Orient.
► Bernhard Tomaschitz, article paru dans zur Zeit n°49/2011.
Bashar el Assad : dernier bastion contre le néo-ottomanisme d’Ankara
Le projet du Premier ministre turc Erdogan de faire de la Syrie aussi une “démocratie” islamo-modérée a échoué : Damas a dit “non” !
L’arabisme contre l’ottomanisme : tel est l’enjeu aujourd’hui au centre des débats au Proche Orient. Le défi est le suivant : pour être au diapason du grand projet occidental, il faudra forger une aire proche-orientale totalement rénovée et ravalée, avec partout des pays alliés à Washington, souples à l’égard d’Israël, qui, de surcroît, ne seraient plus que des réservoirs énergétiques, prompts à satisfaire les exigences de l’économie globale. Après les révolutions d’Afrique du Nord — qui ont été habilement déviées et orientées vers des objectifs fort différents de ceux qu’espéraient voir se réaliser les protagonistes premiers de ces effervescences révolutionnaires et populaires — la pièce maîtresse qui devait rapidement tomber, pour faire triompher le projet occidental, était la Syrie.
Cependant, il s’est vite avéré impossible de renverser El Assad par une simple révolte populaire téléguidée : une bonne partie des Syriens continue à appuyer le gouvernement, surtout quand on s’aperçoit, à l’évidence, que les “manifestations pacifiques” contre le régime ne sont en réalité et dans la plupart des cas que des actes terroristes de facture islamiste perpétrés contre les autorités du pays. Damas résiste donc à toutes les tentatives de déstabilisation intérieure comme à toutes les menaces extérieures. Et Damas résiste surtout aux pressions qui voudraient faire perdre au régime ses dimensions laïques pour faire du pays une nouvelle pièce dans la mosaïque d’États islamistes modérés, qui devraient tous devenir les meilleures alliés de l’américanosphère occidentale. Le modèle que l’on suggère aux Syriens est le modèle turc et c’est justement Ankara qui s’est mis en tête de gérer cette “islamisation modérée” que l’on peut parfaitement définir comme un “néo-ottomanisme”.
Il y a quelques semaines, le Premier ministre turc Erdogan s’est rendu dans les pays du “printemps arabe”, l’Égypte, la Tunisie et la Libye. Cette tournée diplomatique a été célébrée par les médias turcs comme une volonté d’amorcer de nouvelles relations avec les gouvernements issus de cette “révolution”, dans l’optique de réaménager les équilibres au Proche Orient. Au même moment, Erdogan a changé de ton vis-à-vis de la Syrie et, quelques jours plus tard, en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York, il a, lors d’un entretien avec Obama, officialisé le “changement de front”, en annonçant « qu’il avait bloqué les pourparlers entamés avec Damas » et qu’il était désormais prêt à participer aux sanctions que l’on imposerait à la Syrie.
Mais ce ne sont pas les violences présumées que l’on attribue au régime syrien qui ont poussé Erdogan à se ranger contre un ancien allié de la Turquie, posé désormais comme ennemi. Il s’agit bien plutôt du “non” catégorique qu’a opposé Bashar El Assad au projet turc de subvertir subrepticement le caractère laïque de la république arabe syrienne. C’est au cours du mois de juin 2011 que la rupture réelle a eu lieu, quand « le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a proposé au Président syrien Bashar El Assad de réserver un quart voire un tiers des postes de ministre dans son gouvernement aux Frères Musulmans et d’user alors de toute son influence pour mettre un terme à la rébellion, si Assad s’exécutait ». Erdogan a essuyé un refus clair et net. C’est ce qu’a révélé un diplomate occidental à l’AFP, du moins d’après ce que rapportait, vendredi 30 septembre, le quotidien libanais en langue anglaise, The Daily Star.
Cette nouvelle a été confirmée par un autre diplomate européen, qui a, lui aussi, préféré garder l’anonymat : « Les Turcs, dans un premier temps, proposèrent que les Frères Musulmans occupassent 4 ministères importants, en arguant que les Frères sont une partie importante du paysage politique syrien ». Les Frères Musulmans, en réalité, ont été mis hors la loi en Syrie dès 1980, à la suite d’une campagne terroriste particulièremet sanglante que leurs affidés avaient menée à cette époque-là ; aujourd’hui, ils font partie de ceux qui, ouvertement de l’extérieur et clandestinement depuis la Syrie elle-même, sèment la terreur dans toutes les régions du pays. Le 9 août 2011, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a indirectement confirmé l’alliance de facto entre les Frères et les néo-ottomans turcs en confiant au Président syrien un message écrit par le Président turc Abdullah Gül, dans lequel ce dernier explique qu’avant de former le parti pour la Justice et le Développement, actuellement au pouvoir à Ankara, il avait appartenu à une organisation proche des Frères Musulmans. Dans un débat face à face avec le Président syrien, Davutoglu a, une fois de plus, « réclamé le retour des Frères Musulmans en Syrie ». El Assad a répondu qu’à titre individuel, certains Frères pourraient récupérer leur citoyenneté syrienne mais ne pourraient pas se constituer en parti politique parce qu’un tel parti serait basé sur « des principes religieux incompatibles avec le caractère laïque de la Syrie ».
Revenu en Turquie, dès son débarquement à l’aéroport d’Ankara, Ahmet Davutoglu, bien loin de révéler le contenu de ses discussions avec El Assad, a lancé un ultime message à Damas : « Nous espérons que certaines mesures seront prises dans les prochains jours pour mettre fin aux effusions de sang et pour ouvrir la voie à un processus de réformes politiques ». Vingt jours plus tard, le 28 août 2011, le Président turc Gül affirmait qu’Ankara avait « perdu confiance » en la Syrie. Peu de temps auparavant, lors d’une rencontre avec une délégations des associations chrétiennes du Moyen Orient, El Assad avait déclaré — et ses déclarations avaient été répercutées par de nombreux médias — « qu’il avait refusé que l’ottomanisme se substitue à l’arabisme et qu’Ankara redevienne le centre majeur de décision pour le monde arabe ». El Assad répétait ainsi son opposition à toute participation des partis religieux dans la politique syrienne, parce que « cela permettrait aux Frères Musulmans, qui ont un siège à Ankara, de contrôler toute la région ». Toutes les démarches qui ont suivi vont dans le sens d’un rejet par l’alliance américano-turque de ce laïcisme arabiste : les sanctions prises par la Turquie contre Damas ; la Syrie devenue un pays ennemi de l’Occident car trop laïque pour s’insérer dans le nouveau Moyen Orient islamo-modéré voulu par Washington et les projets atlantistes.
► Alessia LAI. (article paru dans Rinascita, 1 & 2 oct. 2011)
Une journaliste italienne : Washington encourage la violence en Syrie
Rome, 01 octobre 2011 : La journaliste italienne Alessia Lai s’est étonnée des déclarations de Mark Toner, porte-parole du Département d’État américain, dans laquelle il justifiait le recours des opposants en Syrie à la violence contre les forces de l’ordre et l’armée.
Dans une analyse publiée hier par le quotidien italien Rinascita sous le titre « Washington encourage la violence en Syrie », la journaliste italienne a indiqué que les déclarations américaines s’étaient faite simultanément avec les actes de meurtre perpétrés par les groupes armés contre des innocents syriens, civils et militaires. « Washington déforme la démocratie et justifie la violence pour servir ses objectifs », indique Mme Lai qui évoque dans ce sens la négligence par le média occidental de parler des personnes armées qui terrorisent et tuent les innocents et les civils. La journaliste Lai a mis l’accent sur les armes trafiquées par les groupes armés « qui voulaient transformer la Syrie en Émirat façonné par l’Amérique », soulignant que ces armes déployées dans nombre de villes syriennes ont été utilisées par les groupes armés pour assassiner des académiciens et des officiers.
La journaliste a évoqué la réaction courroucée des Syriens pour la visite hier de l’ambassadeur des États-Unis au bureau de l’un des avocats au centre de Damas, soulignant que cet avocat, un opposant, était dans son bureau, il n’était ni emprisonné ni torturé par les forces de police. La journaliste a fait noter que les visites de provocation des ambassadeurs des États-Unis et de la France dans des villes syriennes visaient à présenter le soutien à tout opposant du gouvernement syrien. (Source)