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À CONTRE-TEMPS - Page 125

  • Parvulesco

    parvul10.jpgJean Parvulesco est mort...


    podcast

    Jean Parvulesco est né en Roumanie (Valachie) en 1929 et vient de mourir à Paris le soir du dimanche 21 novembre 2010. De la Nouvelle Vague à la littérature, sa vie très singulière a représenté une trajectoire personnelle à la fois solitaire et engagée collectivement.

    Source : Albert François (repris sur L'Âge d'Homme & Mécanopolis)

    Avant l’âge de 20 ans, vers 1948, il décide de fuir le régime communiste et traverse le Danube à la nage. Il est emprisonné dans des camps politiques de travaux forcés en Yougoslavie et parvient à rejoindre finalement Paris, en 1950, qu’il ne quittera presque plus. Il suit les séminaires de Jean Wahl à la Sorbonne puis fréquente les milieux les plus divers, dans une pauvreté contre laquelle il se débattu toute son existence.

    Débute alors ce destin étrange et riche, où se mêleront l’écriture et l’action, et de nombreuses rencontres avec des cinéastes, des écrivains, des activistes, et des personnalités de zones différentes de l’échiquier politique. Proche de certains milieux de la Nouvelle Droite, il fut également lié à certains gaullistes, mais aussi à l’OAS, chiraquien atypique, apologiste du traditionalisme de René Guénon, influença le politologue russe Alexandre Douguine… Personnalité indépendante, il fut ami avec Raymond Abellio, Aurora Cornu, avec Louis Pauwels, discuta avec Martin Heidegger, Ezra Pound, Julius Evola… et connut Ava Gardner, Carole Bouquet et bien d’autres. Journaliste, il commence à écrire dans les années 60 et jusqu’à sa mort en passant de Combat à Pariscope, de Nouvelle École à l’Athenaeum, de Rébellion à la Place royale ou Matulu : La tendance politique, l’objet ou la diffusion d’un média ne le préoccupait jamais. Pour lui, seul comptait ce qu’il appelait la littérature, l’acte de dire par le texte, véritable « expérience de la clandestinité ».

    Il mena cette expérience jusqu’à des retranchements personnels toujours mystérieux, où l’écrivain ne se distinguait plus vraiment du personnage, et le personnage de l’homme lui-même. Ce caractère unique, cet esprit qui semblait au-delà de toutes les difficultés du quotidien, à la vitalité exceptionnelle, à la culture secrète et souvent magnifique, lui valut d’être remarqué et apprécié par Éric Rohmer, Jean-Luc Godard ou Barbet Schroeder. Dans À bout de souffle, Jean-Luc Godard fait interpréter par Jean-Pierre Melville le rôle de Parvulesco, qui aura cette réplique restée célèbre à une question sur son « ambition dans la vie » : « Devenir immortel… et puis mourir ». Dans L’Arbre, le maire et la médiathèque d’Éric Rohmer, il joue le rôle de “Jean Walter”, proche de celui qu’il était en vrai, au côté d’Arielle Dombasle et de François-Marie Banier.

    Au-delà de cette présence au cinéma, l’œuvre qui restera est son œuvre littéraire. Il commence à écrire des livres vers 50 ans, avec notamment leTraité de la chasse au faucon (L’Herne, 1978), recueil de poèmes remarqué, et un premier roman, La servante portugaise (L’Âge d’Homme, 1987), publié récemment en Russie. Une trentaine de romans et une dizaine d’essais composent son œuvre. Deux éditeurs jouèrent un rôle primordial dans la publication de celle-ci : Guy Trédaniel et Vladimir Dimitrijevic. Sa façon d’écrire, rejetée ou adulée, intéressa fortement des personnalités comme Guy Dupré, pour qui elle constitue « l’entrée du tantrisme en littérature », D. de Roux, M. Mourlet, M. Marmin, J.-P. Deloux ou O. Germain-Thomas (qui lui consacra une émission Océaniques sur FR3 en 1988).

    Le 8 juin 2010, il est invité sur le plateau de l’émission Ce soir (ou jamais !) par Frédéric Taddéï sur France 3. Auprès de D. de Villepin, de M. Halter ou P. Corcuff, il restera étonnamment silencieux. Son dernier livre, Un retour en Colchide, vient de paraître chez Guy Trédaniel. Il y notait, à sa façon, que « ce n’est pas nous qui décidons de l’heure. Moi, par ex., je fais tout ce que je peux faire, mais je ne sais pas s’il ne faudra pas que je sois obligé d’abdiquer. D’ailleurs, j’ai l’impression que le moment de la fin arrive ».

     

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    ♦ Liens :

     

    ♦ Bibliographie sommaire :

    ♦ Textes :

    REVUES

    •  Au fil de l'épée / Arcana Imperii : « Pour une deuxième libération de l'Europe de l'Est »   (n°46, 2003)
    • Contrelittérature : « Sur la mise en œuvre d'une liturgie cosmique finale » ( n°1, 1999), « La contrelittérature frappe à l'Est » (n°4, 2000)
    • Écrits de Paris : « Les nouvelles contre-stratégies de désaliénation historique » (n°570, 1995)
    • Éléments : « D. de Roux et le Cinquième Empire » (n°21/22, 1977), « Soleils de cendre » [sur O. Germain-Thomas] (n°33, 1979), « Raoul de Warren le ténébreux » (n°36, 1980), « La poésie au-delà de l'Apocalypse » [sur M. Marmin] (n°57/58, 1986). 
    • Nouvelle École : « La Poésie totale, arme totale d'un combat total » (n°33, 1979), « Sur le testament visionnaire de Dominique de Roux » (n°35, 1980) 
    • NSE :  « La guerre intercontinentale de la fin est commencée ! » (n°42, 1999), « La stratégie contre-mondialiste de l'axe Paris-Berlin-Moscou » (n°48, 2000)
    • Rébellion : « La troisième guerre mondiale est commencée » (n°26, 2007), « Une tentative prophétique de M. Marmin » (n° 34, 2009), « Une barricade mystérieuse » (n°37, 2009)
    • Vouloir : « La mission occulte de J. Evola » (n°89/92, 1992), « P. Drieu la Rochelle et nos plus grantds combats à venir » (n°94/96, 1992), « Arsène Lupin, “Supérieur Inconnu” » (n°109/113, 1993), « Les missions européennes et grandes-continentales de la Russie » (n°119/121, 1994), « Reconnaître le Pôle indien du Grand Continent Eurasiatique » (n°129/131, 1996)
    • Entretiens : « Entretien » (La Place Royale n°15/16, 1986), « Une littérature dans l'ombre » (Antaïos n°XIII, 1998), « Vladimir Poutine et l'Eurasie » (Réfléchir & Agir n°20, 2005), « Une conscience au-delà de l'histoire » (éléments n°126, 2007), « Entretien » (Rébellion n°28, 2008), « Dialogue entre Arnaud Bordes et J. Parvulesco » (Rébellion n°38, 2009), « Éric Rohmer, “le druide prophétique” » (Spectacle du Monde n°564, 2010)

     

    r-344310.jpgSymphony (aka B. Burgalat), « M. Parvulesco », vinyle 10" (Tricatel, 1999)


    podcast

     

    Bloc continental, Lumière du Nord, Endkampf et Imperium Magnum

    Une lettre de Jean Parvulesco

    Le 16 mai 1991

     

    parvulesco.jpgCher Robert Steuckers,

    je ne pense pas qu'il me faille le cacher, et bien moins encore vous le cacher à vous, c'est en quelque sorte la réception de votre dernier envoi, celui-ci ayant donc eu à accomplir, en l'occurrence, une mission pour ainsi dire pro­videntielle, envoi comprenant les revues Vou­loir janvier-février 1991 et Orientations été 1990 et hiver 1990-1991, cette dernière axée sur la grande bataille géopolitique finale ac­tuellement en cours et sur le concept hau­shoférien fondamental du Kontinentalblock, qui a brusquement cristallisé ma décision de rejoindre à nouveau, à titre personnel et quoi qu'il en fût, la Ligne de Front du combat à la fois tragique et total dont nous autres nous portons encore et toujours en nous la prédes­tination abyssale, le feu secrètement inextin­guible et le Nom Prohibé, qui n'en finit plus d'être celui de l'Honneur s'appelant Fidélité. Ainsi, tout rentre à nouveau dans la zone de l'attention suprême.

    ◘ (1) Je le tiens pour une évidence aussi tran­chante qu'inconditionnelle, l'histoire mondiale et juqu'à l'histoire ontologique du monde ap­prochent aujourd'hui vertigineusement de la ligne d'un non-retour final, cette ligne de fron­tière et d'engouffrement vers laquelle se trou­ve aujourd'hui fatidiquement emporté, et com­me aspiré en avant n'étant autre que celle de l'au­to-consommation apocalyptique des temps, ce que la pensée traditionnelle in­dien­ne appelle Mahapralaya, la “Grande Dis­solution”.

    Mais, d'autre part, si, à présent, le cycle final des grands cycles à leur fin va devoir lui-même connaître, catastrophiquement, sa pro­pre fin, il n'est pas moins certain qu'au delà de l'inéluctable déjà en marche d'autres temps viendront, porteurs d'un monde autre et d'horizons historiques entièrement, incon­cevablement autres.

    ◘ (2) Ceux de la grande lumière du Nord, ceux de l'ancienne Nordlicht ne l'ignorent pas, et ne l'ont jamais ignoré : au-delà de l'ensemble de toutes ces catastrophes terminales, catas­trophes que la tradition nordique secrète a prévues et sans cesse annoncées, nous allons à présent vers le Renversement des Pôles, vers le mystérieux Paravrti tantrique projeté sur ses dimensions cosmiques ultimes, nous nous apprêtons à connaître le retour de l'A­xe Polaire vers son élévation transgalac­tique des origines, élévation héroïque et di­vine, intacte et, de par cela même, régénérée et ré­générante, renouvelante et salvatrice en ter­mes de libération totale et de recommen­ce­ment total.

    « Je rappelle aussi que la dernière des grandes catastrophes eut pour conséquence le bascu­lement de l'axe des pôles. Ce fut comme un gigantesque coup de balai cosmique pour net­toyer la terre trop polluée. L'Atlantide ne con­naître plus jamais l'éternel printemps de l'âge d'or », écrit Bernard Delafosse dans son roman prophétique, paru en 1990 chez Guy Tréda­niel, Des vies de lumière.

    « À une certaine époque, l'axe de la terre s'est déplacé, et ce choc a dû disloquer l'ensemble de sa surface, provoquer des dévastations ir­rémédiables », lit-on aussi dans l'extraor­di­nai­re roman de l'Australien Earle Cox, La Sphè­re d'Or, paru en 1925 et repris par Néo en 1987.

    Lorsque survint le cataclysme du Renverse­ment des Pôles, la race habitant alors la terre avait atteint, d'après la Sphère d'Or, « les plus hauts sommets que l'humanité puisse at­tein­dre », entendons que l'humanité puisse at­teindre en se dépassant elle-même, en s'é­le­vant aux stades ultimes d'une suprême sur­humanité.

    Or, à ce moment-là tout comme aujourd'hui — la spirale ascendante du devenir cosmogo­nique retrouve les mêmes situations d'être, les mêmes états ontologiques, à des niveaux de plus en plus élevés, de plus en plus pa­ro­xystiques, de plus en plus sombrement tra­giques ­­— le seul problème salvateur appa­rais­sait donc comme étant, toujours en sui­vant la Sphère d'Or, celui de « transmettre le flam­beau d'une race mourante à celle qui n'était pas encore née ».

    ◘ (3) Aussi le prochain retour des fondations oc­cultes de ce monde à la conscience originale d'une race suprahumaine, préontologique­ment identique à elle-même et redevenant ainsi, encore une fois, surpuissante et même toute-puissante, se trouvera-t-il posé dans les termes mêmes du projet révolutionnare abys­salement encore et toujours présent, vivant et agissant dans les profondeurs du sang de cette race et de son immémoire transcendan­tale, et sur la ligne de confrontation de toutes les grandes batailles métapolitiques à venir ce seront donc les dénominations visionnaires de cette race, les concepts de sa propre géopoli­tique transcendantale en action, qui décide­ront du sens des recommencements à venir et de leur histoire encore, en ces temps, pour nous, in-prépensable (in-prépensable prove­nant, ici, du concept heideggerien d'unvor­denk­lich).

    Qui dira et qui, de par ce dire même, fera ain­si émerger à nouveau des profondeurs océa­niques de la “grande histoire”, pour les im­poser révolutionnairement à son cours fi­nal, les concepts géopolitiques d'avant-garde de sa propre vision de l'histoire et du monde, dé­ci­dera, ce faisant, de l'histoire du monde et du monde de l'histoire à sa fin.

    Ainsi les grandes batailles décisives pour la domination finale du monde seront-elles, dé­sormais et jusqu'à la fin, des batailles conçues et définies exclusivement en termes de géo­politique totale, en termes de géopolitique im­périale au double niveau planétaire et cos­mique, “galactique”.

    La domination finale du monde n'est désor­mais plus rien d'autre que le fait impérial de sa définition géopolitique ultime, le monde et son histoire appartiennent désormais à qui parviendra à en donner, à en imposer la der­nière définition géopolitique totale.

    ◘ (4) Les concepts géopolitiques ultimes que je propose donc pour la prochaine instruction ré­volutionnaire impériale de la géopolitique agis­sante de ce monde et de son histoire à sa fin sont les suivants :

    ♦ Le concept d'Endkampf, interpellant et ré­gissant le mystère déflagrationnel de la ba­taille finale pour la domination totale du mon­de et de l'histoire du monde à sa fin.

    ♦ Le concept révolutionnaire de Nordlicht, qui en appelle à la lumière originale de l'être, à la conscience polaire de soi-même et du monde, conscience à la fois fondamentale et fondationnelle des nouveaux recommence­ments du monde et de cette nouvelle histoire du monde par le truchement de laquelle ses propres recommencements se trouvent à nou­veau posés, et posés, très précisément, par nous-mêmes, en termes de géopolitique totale, en termes de “géopolitique transcendentale”.

    ♦ Recommencements de l'histoire du monde qui, posés, ainsi, en termes de géopolitique to­tale, aboutissent révolutionnairement à l'exi­gence de la mise en être immédiate, de la mi­se en histoire directe du concept polaire, du concept métahistorique suprême de l'Impe­rium Magnum.

    Ainsi allons-nous rejoindre et découvrir, dans les chemins de nos plus proches combats à venir, le concept géopolitique révolutionnaire immédiat de la Fédération européenne et grand-continentale du futur Empire Eu­ra­sia­tique, de l'Imperium Magnum pré­on­tologiquement toujours présent dans la cons­cience abyssale de notre race, dans l'enso­leillement préontologique polaire de la Nord­licht.

    ♦ Enfin, si j'avançais aussi, en citant Moeller van den Bruck et les conclusions de son essai visionnaire Das Dritte Reich où il dit qu'il n'y a qu'un seul Reich comme il n'y a qu'une seule Église, il apparaîtra que le signe apoca­lyptique des profondeurs, annonçant et met­tant en branle l'irrévocabilité ontologique, l'immaculée conception du recommencement métahistorique polaire et impérial de la fin de l'actuelle histoire du monde, sera le signe de l'avènement d'une nouvelle religion propre à la race héroïque et divine qui assumera, qui assume déjà, souterrainement, dans son être, dans son sang transcendantal, dans ses plus secrets destins désormais à l'œuvre, le pas­sage en continuité au-delà des abîmes de sa propre fin et de la fin du monde, de son his­toire à sa fin et au-delà de sa fin.

    ♦ À l'heure de son passage à l'histoire, le concept géopolitique ultime qui est celui d'Im­perium Magnum recouvrant le projet de la Fédération européenne grand-continen­ta­le du futur Empire Eurasia­tique, exi­ge­ra que sa mise en processus ins­titue un corps spécial de protection idéolo­gique et de com­mandement, une comman­derie européen­ne grand-continentale, occulte à ses dé­buts, se dissimulant derrière ses propres struc­tures géopolitiques de pré­sence et d'ac­tion extérieures, mais appelée à se dévoiler historiquement et politiquement à mesure que va s'accomplir sa tâche impériale en avant.

    En assumant, quant à moi, toutes mes res­ponsabilités avouables et autres, et je dirais même les autres surtout, j'ai donc pris sur moi de procéder, sans plus attendre, à la ré­activation confidentielle des Groupes Géo­politiques ayant déjà été mis directe­ment en piste, à l'intérieur de l'appareil sou­terrain gaulliste faisant suite à 1968, de re­prendre la publication, dans un cercle res­treint, de la lettre confidentielle De l'At­lantique au Pacifique, d'envisager l'instal­lation sociale immédiate de l'Institut de Re­cherches Métastratégiques Spé­ciales “At­lantis” (IRMSA), ainsi que d'un certain nom­bre d'autres instances activistes.

    Ce qui s'est ainsi mis en marche, j'en ai pris l'engagement sans faille, ne s'arrêtera plus. Je ferai tout ce qui doit être fait.

    Je vous prie de recevoir, cher Robert Steu­ckers, mon meilleur salut de camarade,

     

    Jean Parvulesco

    Vouloir n°76/79, 1991.

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    Entretien avec André Murcie et Luc-Olivier d'Algange, éditeurs de Jean Parvulesco

    Amateurs de prose et de vers ajourés, André Murcie et Luc-Olivier d'Algange ne partagent cependant pas l'éthylique détachement de Rimbaud ou la talentueuse indifférence d'Hölderlin. Pour eux, la poésie est le flambeau de leur combat. Courageux ou téméraires, ils se dépensent sans compter pour la survie d'une petite maison d'édition, les Nouvelles Littératures Européennes. Sous ce label sont déjà parus une revue au parfum de la grande littérature, un roman de Luc-Olivier d'Algange (Le Secret d'or) et surtout un cahier d'hommage à Jean Parvulesco. 344 pages de témoignages et d'articles inédits font de ce volume, l'indispensable lexique de l'œuvre de l'auteur de La Servante portugaise.

    Éditer Parvulesco ou avoir opté pour la subversion par le talent.

    • En prenant la décision d'éditer Jean Parvu­lesco, génial trublion du la littérature franco­phone, vous avez pris un risque certain. Poète et essayiste, géopoéticien aurait dit Kenneth White, écrivain re­belle et ésotériste inspiré, Parvulesco ouvre les yeux des prédestinés mais demeure inconnu du grand public. Votre initiative avait-elle pour but de le rendre populaire ?

    ♦ Luc-Olivier d'Algange : Je dois avouer que mon engouement pour les écrits de J. Parvulesco est né de la lecture en 1984 de son Traité de la chasse au faucon. Il m'apportait la preuve attendue qu'une haute poésie était possible — et même né­ces­saire — dans cette époque pénombreuse où nous avons disgrâce de vivre. La dis­grâce, mais aussi, dirai-je, la chance ex­traordi­naire, car, en vertu de la loi des contrastes, c'est dans l'époque la plus déré­lictoire et la plus vaine que l'espoir nous est offert de connaître la joie la plus laborieuse et, dans sa splendeur absolue (Style), l'exaucement de la volonté divine. Tel était le message que me semblait appor­ter la poésie de Jean Parvulesco. Or, sa­chant qu'André Murcie poursuivait une quête pa­rallèle à la mienne et qu'il envisa­geait en outre de lancer la revue Style, il m'a semblé utile de lui faire part de ma dé­couverte. C'est ainsi que dès le premier numéro, avec un poème intitulé Le Privi­lège des justes se­crets, J. Parvulesco de­vint une voie es­sentielle de la revue Style. Celle-ci devait encore publier le vaste et fa­meux poème, Le Pacifique, nouvel axe du monde, ainsi que le Rapport secret à la nonciature, qui est un admirable récit visionnaire sur les appari­tions de Medjugorge et de nombreux autres poèmes. Tout cela avant d'élargir encore son dessein, en créant les éditions des Nou­velles Littératures Européennes, et de pu­blier un Cahier Jean Parvulesco, récapitu­lation en une succession de plans de l'univers de Parvulesco, en ses divers as­pects, poétiques, philosophiques, esthé­tiques, architecturaux, cinématogra­phiques ou politiques.

    ♦ André Murcie : En effet et ceci répond de façon plus précise à votre question, il est clair que Parvulesco va à contre-courant de ses contemporains. Jean Parvulesco n'est en aucune façon un spécialiste. Il est, au con­traire, de cette race d'auteurs qui font une œuvre, embrassement de l'infinité des appa­rences et de cette autre infini qui est der­rière les apparences. C'est là la diffé­rence soulignée par Evola entre l'opus, l'œuvre, et le labor, le labeur. Avec Par­vulesco, nous sommes aux antipodes d'un quelconque “travail du texte”, c'est à dire que nous sommes au cœur de l'œuvre et même du Grand œuvre, ainsi que l'illustre d'ailleurs le premier essai, publié dans le Cahier dans la série des dévoilements : Al­chimie et grande poésie. Ce texte est sans doute, depuis les De­meures philosophales de Fulcanelli, l'approche la plus lumineuse de ces ar­canes et tous ceux qui cherchent à préciser les rapports qui unissent la création litté­raire et la science d'Hermès trouveront, sans nul doute, en ces pages, des informa­tions précieuses et, mieux que des informa­tions, des traces - au sens où Heidegger di­sait que nous devions mainte­nant nous in­terroger sur la trace des Dieux enfuis. Pour J. Parvulesco, il ne fait aucun doute que la lettre est la trace de l'esprit. C'est ainsi que son œuvre nous délivre des idolâ­tries du Nouveau Roman et autres lit­téra­tures subalternes qui réduisent les mots à leur propre pouvoir dans une sorte de res­sassement narcissique. Pour Jean Parvu­les­co, la littérature n'a de sens que parce qu'el­le débute avant la page écrite et s'achève a­près elle.

    • Il est signicatif que ces propos sur l'alchimie soient, dans le même chapitre du Cahier, sui­vis par un essai intitulé : « La langue fran­çaise, le sentier de l'honneur »...

    ♦ LOA : Trace de l'esprit, trace du divin, la langue française retrouve en effet, dans la prose ardente et limpide de J. Parvulesco, sa fonction oraculaire. Ses écrits démentent l'idée reçue selon la­quelle la langue française serait celle de la com­mune mesure, de la tiédeur, de l'anecdote futile. Jean Parvulesco est là pour nous rap­peler que dans la tradition de Scève, de Nerval, de Rimbaud, de Lautréa­mont ou d'Artaud, la langue française est celle du plus haut risque métaphysique.

    « Langue de grands spirituels et de mys­tiques, écrit J. Parvulesco, charitable­ment emportés vers le sacrifice permanent et joyeux, d'aristocrates et de rêveurs pré­destinés, faiseurs de nouveaux mondes et parfois même de mondes nouveaux, langue surtout, de paysans, de forestiers conspi­ra­teurs et nervaliens, engagés dans le chemi­nement de leurs obscures survi­vances trans­cendantales, occultes en tout, langue de la poésie absolue... ».

    C'est exactement en ce sens qu'il faudra comprendre le dessein littéraire qui est à l'origine du Cahier — véritable table d'orien­tation d'un monde nouveau, d'une autre cul­ture, qui n'entretient plus aucun rapport, même lointain, avec ce que l'on en­tend or­dinairement sous ce nom. Car il va sans dire que la “Culture” selon Parvu­lesco n'est cer­tes pas ce qui se laisse asso­cier à la “Com­mu­nication” mais un prin­cipe, à la fois sub­versif et royal, qui n'a pas d'autre but que d'ou­trepasser la condition humaine. Tel est sans doute le sens du chant intitulé Les douzes colonnes de la Liberté Absolue que l'on peut lire vers la fin du Cahier :

    « ... que nous chantons, que nous chantons, par ces volumes conceptuels d'air s'appelant étangs, ou blancs corbeaux, au­tour de l'im­maculation des Douzes Co­lonnes, ver­tiges s'ou­vrant sur les Portes d'Or et indigo de l'At­lantis Magna, chu­chotement circu­laire et lent, je suis la Li­berté absolue ».

    L'œuvre doit ainsi accomplir, par une in­time transmutation, cette vocation surhu­maniste, qui, dans la pensée de J. Par­vulesco, ne contredit point la Tradition, mais s'y inscrit, de façon, dirai-je, clandes­tine ; toute vérité n'é­tant pas destinée à n'importe qui. Mais c'est là, la raison d'être de l'ésotérisme et du secret, qui, de fait, est un secret de nature et non point un secret de convention.

    • Vous avez donné une large place dans le Cahier aux rêves et prémonitions métapoli­tiques de Jean Parvulesco.

    ♦ AM : En ce qui concerne le do­maine politique, nous avons republié dans le Cahier, un ensemble d'articles de géopo­li­tique que Parvulesco publia naguère dans le journal Combat et qui eurent à l'époque un rententissement tout à fait extraodi­naire. Ce fut, à dire vrai, une occasion de polé­mi­ques furieuses. À la lumière d'évènements récents, concernant la réuni­fication de l'Alle­magne, les change­ments intervenus à l'Est, ces articles re­trouvent brusquement une actualité brû­lante. Il semblerait que seul ce­lui qui expé­rimente les avènements de l'âme soit des­tiné à comprendre les évè­nements du monde. Ainsi des études comme L'Allemagne et les destinés actuelles de l'Europe ou en­co­re Géopolitique de la Mé­diterranée occiden­tale donnent à relire les évènements ulté­rieurs dans une perspec­tive différente.

    • Le Cahier s'enrichit aussi des reflexions peu banales de Parvulesco sur le cinéma.

    ♦ LOA : Je crois que nous mesurons encore mal l'influence de J. Par­vulesco sur le cinéma français et euro­péen. On sait qu'il fut personnage dans cer­tains films de Jean-Luc Godard — en parti­cu­lier dans À bout de souffle, et qu'il fut aussi, par ailleurs, acteur et scénariste. À cet égard, le Cahier contient divers témoi­gnages passionnants concernant, plus par­ticulière­ment, Jean-Pierre Melville et Wer­ner Schrœ­ter dont nul, mieux que l'auteur des Mystères de la villa “Atlantis”, ne connait les véritables motivations. Il nous propose là une relecture cinémato­graphique dans une perspective métapoli­ti­que qui dépasse de toute évidence les niai­se­ries que nous réserve habituellement la cri­tique cinématographique.

    ♦ AM : L'intérêt extrême des té­moignages de Jean Parvulesco concernant l'univers du cinéma est d'être à la fois en pri­se directe et prodigieusement lointain. C'est à dire, en somme, de voir le cinéma de l'in­térieur, comme une vision, en sympa­thie pro­fonde avec le cinéaste lui-même, et non point telle la glose inapte d'un quel­conque cinéphile. C'est ainsi que Nietzsche ou Tho­mas Mann parlèrent de Wagner.

    • D'autres textes, publiés dans ce Cahier ont également cette vertu du témoignage direct, qui nous donne à pressentir une réalité sin­gulière. Ainsi en est-il des récits portant sur Arno Breker et Ezra Pound.

    ♦ LOA : J'ai été pour ma part très sensible à l'hommage que J. Par­vulesco sut rendre à Ezra Pound dont Dominique de Roux disait qu'il n'était rien moins que « le représentant de Dieu sur la terre ». Hélas, cette recherche de la poésie absolue était jusqu'alors mal comprise, li­vrée aux maniaques du “travail du texte” et autres adeptes du lit de Procuste, acharnés à faire le silence sur les miroitements ita­liens de l'œuvre de Pound. Cette italianité fit d'ailleurs d'E. Pound une sorte d'apostat, alors que, par cette fidé­lité essentielle, il rejoignait au contraire, au-delà des appartenances spéci­fiantes, sa véri­table patrie spirituelle qui, en aucun cas ne pouvait être cette contrée où Edgard Poe et Lovecraft connu­rent les affres du plus impi­toyable exil. Mais je laisse la parole à Jean Parvulesco lui-même :

    « Ce qu'Ezra Pound, l'homme sur qui le soleil est descendu, cherchait en Italie, on l'a compris, c'est le Paradis. Tos­cane, Om­brie, Ezra Pound avait accédé à la certi­tude inspirée, initiatique, abyssale, que le Para­dis était descendu, en Italie, pen­dant le Haut Moyen Âge et que, très occul­tement, il s'y trouvait encore. Pour en trou­ver la passe in­terdite, il suffisait de se lais­ser conduire en avant, aveuglément — et nuptialement aveu­glé — par la secretissima, par une cer­taine lu­mière italienne de tou­jours ».

     

    ♦ Cahier Jean Parvulesco, Nouvelles Littératures Européennes, 1989, 350 p.

    ► Propos recueillis par Hugues Rondeau, Vouloir n°73/75, 1991.


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    Une boule de lumière dans les mains

    À propos des Mystères de la Villa “Atlantis” de Jean Parvulesco

    Anesthésiés par les médias, bercés par une production romanesque toute vouée à l'ego quand elle ne sacrifie pas lâchement à la plus futile actualité, nos contempo­rains, c'est une triste évidence, dorment à poings fer­més. Condamné au cabotage, que sait du grand large l'homo consumans ?

    Que sait-il de la haute mer ? Jamais la vie quotidienne ne fut réduite à une telle étroitesse, à une telle indigen­ce mythique, et c'est pourquoi la parution du nouveau roman de Jean Parvulesco, l'apparition de ce roman résolument gorgé de sens, réjouit, étonne et récon­forte. Dans ces Mystères de la Villa “Atlantis” où confluent les grandes traditions occultistes, une con­ception oubliée (et peut être inédite) du roman s'affir­me avec une vigueur qui ne pourra manquer de con­vaincre.

    Retour du tragique

    C'est le grand retour de la théogonie, celui du tragi­que, en un mot. Disons-le cependant sans tarder, l'ontologie s'incarne ici dans des personnages vrais, réalistement dépeints, ce qui, joint à la verdeur du lan­gage, coupe court à toute comparaison avec les éva­nescences symbolistes. Réels sont aussi les lieux, qu'il s'agisse du Boulevard Saint-Michel et de sa fau­ne (dont la description nous vaut une hallucinante eau forte), de la Place de l'Étoile ou de la Rue Boislevant, même si, par delà le réalisme, ces lieux s'avèrent être autant de nœuds énergétiques, autant de chakras.

    Résumer le roman serait une gageure, le centre y étant partout. Aussi me bornerai-je à un rapide survol. Tout commence en forêt de Rambouillet où le romancier Raimondi, reçu chez des amis, croit entrevoir une femme qu'il aima, Dorothée. Morte ? Disparue?  Si on en croit les apparences, ce qui n'est guère facile, vie et mort mêlant inséparablement leurs eaux, elle fut, as­sassinée dans la forêt. D'autres questions se posent à Raimondi. Cherchant Dorothée, la cherchant dans une fiévreuse quête nervalienne, n'est-il pas sur les traces d'une autre ? Sur celle d'Andrea de Winter, elle aussi retrouvée morte, et ce dans la même forêt, où continue de retentir l'appel du sang ? Aux côtés de ces femmes étranges que sont Jenny Arasse, Katrei, Tanit (avec qui Raimondi aura un extraordinaire entretien médiumnique), on n'est pas surpris de rencontrer la très belle, la fascinante Dominique Sanda (inoubliable Lou-Salomé de Liliana Cavani), que Raimondi surprend « comme enveloppée de mort ». Hanté par l'éternel féminin, ce dernier s'interroge : Guenièvre, Isis, et même Marie­-Antoinette, et même Dorothée ne sont-elles pas, sous des noms divers, une seule et même hiérophanie ? Que Jean Parvulesco se réfère à Jünger, Evola, Gustav Meyrink, Abellio, qu'il cite le Lancelot de Bresson, on n'en est pas davantage surpris. Ne sont-ils pas les siens ? N'a-t-il pas tout à fait sa place auprès de ces guetteurs de l'invisible, préoccupés par le déclin, par l'oubli grégaire de l'Être ?

    Le projet Birkenfeld

    Rétablir l'Imperium, refaire par des méthodes magi­ques, métapolitiques, la Grande Europe, c'est à quoi s'emploie ce roman, soudé autour d'un mystérieux projet Birkenfeld, une franc-maçonnerie abyssale. Une grande bataille évoquée à plusieurs reprises, est entamée contre les forces des ténèbres, forces aux­quelles, dans sa chronique légèreté, s'abandonne la société libérale avancée. Aussi est-ce à ceux qui tombèrent avant l'aube que Raimondi dédie son livre. Pour sa méditation, nourrie de visions oniriques d'une rare puissance, Jean Parvulesco recourt ici et là, opportunément, à des supports iconographiques tels que le Château des Pyrénées de Magritte, ou encore la Madonne de Munch. Inspiré entre tous, ce roman à l'écoute des Mères ne se prévaut aucunement pour cela de l'inconscience qu'on prétend propre au créateur, détail qu'eût apprécié Ortega y Gasset.

    Les propos que Jean Parvulesco place dans la bouche d'un personnage (la Présidente des Assis) montrent assez combien sa vue de l'œuvre reste lucide. Et son mérite est grand d'unir ainsi passion et lucidité. L'une et l'autre le garde de théories qui auront engagé le roman dans de peu glorieuses impasses.

    Idoles brisées de la modernité

    Tout change par bonheur. Les idoles de la modernité brisée, nous redécouvrons les dieux, l'éternité, et qu'il n'est rien qui ait plus de prix. C'est pourquoi, noblesse l'y oblige, Jean Parvulesco se tourne vers le cycle arthurien, source pérenne, voie royale. Néan­moins, ainsi le veulent les temps, le roman de Rai­mondi n'aura pas de fin.

    « Après un cours de Heidegger, écrit Lévinas, on sor­tait anéantis ». Refermant Les Mystères de la Villa “Atlantis”, c'est mêlé à la joie, un sentiment voisin qui m'habitait. Vertigineux, ardent, troué de fulguran­ces, ce livre, incontestable chef-d'œuvre, met au servi­ce d'un itinéraire tantrique, d'une charnelle anamné­sis, une incroyable alchimie verbale. Et il n'eût pas déçu Ezra Pound qui voulait qu'un livre fût une boule de lumière dans les mains. Avec ces Mystères, c'est un grand roman hauturier qu'en esprit supérieur non moins qu'en seigneur des Lettres nous donne Jean Parvulesco.

     

    ► David Mata, Vouloir n°89/92, 1992.

     

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    "L'Étoile de l'Empire Invisible" de Jean Parvulesco
    Un roman qui tient de l'Art Royal, de l'ancienne "Ars Regia"
     

    Une Mission salvatrice

    Humain, trop humain, ces mots qualifient à merveille, ils disqualifient plutôt, les petits romans nombrilistes, couronnés ou non, dont la pléthore, en cette fin de siècle, est tout le contraire d'un signe de santé. On ne pourra faire ce reproche à L'Étoile de l'Empire Invisible, dernier roman de Jean Parvulesco, qui se situe, les partisans, les conjurés ayant suivi Les mystères de la Villa Atlantis n'en seront guère surpris, tout à l'opposé de la tendance dominante.

    S'il s'agit d'un vrai roman, savamment construit, fertile en rebondissements, habité de personnages bien vivants, et parmi lesquels d'inoubliables amoureuses, les motivations de ces derniers — là est la différence — ne ressortissent ni au misérabilisme ni à la touche bourgeoise, qui sont les réservoirs de la production romanesque ordinaire, aujourd'hui, en France. Les personnages, dans L'Étoile de l'Empire Invisible, ne se réduisent pas à leur moi ni à aucun moment à leurs émois singuliers. Ils n'en ont pas le loisir. En vrais aristocrates, prêts, ainsi que leurs ancêtres, à payer l'impôt du sang, ils participent à un combat qui engage non seulement l'Histoire, mais aussi l'Être du monde. Agents secrets du sacré, prêtres et prêtresses dans le siècle et dans les ténèbres du siècle, ils assument une mission salvatrice qu'ils ne perdent pas de vue un seul instant, et à laquelle ils subordonnent tout, au mépris, si besoin est, de la morale conventionnelle, et plus précisément du moralisme.

    Difficilement racontable, le roman s'ouvre sur un écheveau d'intrigues qui se nouent dans le plus troublant des climats. Par une douce nuit de juillet, Raoul de Waldeck donne une « réception intime » dans son hôtel particulier du parc Monceau, afin d'annoncer à ses amis ses fiançailles officielles avec Éliane Victor, sa maîtresse. Or, la jeune femme qui fait son entrée n'est pas Éliane Victor, mais une inconnue, Jeanne Darlington, qu'il présente comme sa nouvelle fiancée. Qu'est devenue Éliane ? Qui est Jeanne, qui est cette jeune femme si envoûtante ? Le narrateur, Tony d'Entremont, découvre à certains signes qu'elle sert la même cause occulte que lui, et il s'unit à elle au terme d'un parcours presque somnambulique.

    Cependant, très vite, la réception tournera à la tragédie. Jeanne, qui, hypnotisée par Monongo, voit des ruisseaux de sang couler sous la terre, sous les étendues gazonnées du Parc Monceau, est violentée par André de Tallien, lequel va périr, la même nuit, au volant de sa voiture. Monongo étrangle le maître des lieux, qu'il accuse d'avoir tué Éliane Victor (dont le spectre apparaît), et d'avoir conçu le dessein de supprimer, aussi, Jeanne Darlington.

    Deux couples se forment au long de cette nuit enfiévrée, dont les apparences, au premier abord, assez rocambolesques, dissimulent, en fait, le caractère profondément mystagogique. Jeanne part avec Charles-Antoine Zdrojewski pour Lisbonne, où le désir fou les cloîtrera dans la ville des Cinq Oeillets Rouges. Pendant ce temps, le narrateur, Tony d'Entremont, ramènera Renée à son domicile confidentiel — leur ancien domicile d'avant la séparation — situé dans l'île Saint-Louis.

    Si Tony d'Entremont aime Renée, il aime aussi — ou aimera — Jeanne et Marie-Hélène, et pourquoi ne les aimerait-il pas simultanément, ces épouses philosophiques, auxquelles un peu plus tard se joindra Sandrine, et qui apparaissent comme les projections existentielles d'une seule créature innommée ?

    À Renée, qui descend des rois d'Irlande, à Jeanne et à Marie-Hélène, qui appartiennent elles aussi à des maisons royales, s'agrégeront, par la suite, 2 jeunes juives de Prague, Véra et Nelly, « deux engins thermonucléaires érotiques, deux vraies tueuses », instruites à leurs tâches ultra-spéciales par ceux qui, à Prague, travaillent à l'abri spirituel de certaines Tentes d'Indigo d'ancienne science alchimique et kabbalistique ayant récemment eu à reprendre du service.

    L'Être contre le Non-Être

    Dans ce roman nourri de tantrisme, et d'où se dégage une forte et capiteuse odor di femina,  les femmes, on l'a compris, s'arrogent la part du lion, de la Lionne serait-on même tenté de dire, en pensant à celle que les anciens Égyptiens appelaient Sekhmet la Rouge. Admirablement, et, comment dire, suggestivement décrites, elles suscitent irrésistiblement le désir, elles appellent l'adoration, et le narrateur les célèbre avec un enthousiasme soutenu, dévotement soumis à la Venus Victrix, comme les Blasons du Corps Féminin et les initiés, aussi, de l'École de Fontainebleau avaient déjà su le faire en leurs temps, en d'"autres temps". On ne s'étonnera pas, en conséquence, si l'union du narrateur et de Jeanne, du narrateur et de Marie-Hélène, s'accomplira toujours sur le mode extatique, si elle équivaut chaque fois à une plongée abyssale, à des « coups de rasoir dans le Voile d'Isis ».

    Car, pour qui s'en trouve habilité à le savoir et, le sachant, à l'expérimenter soi-même, l'amour est connaissance, connaissance supérieure et, démentant le poète qui prétendait qu'elle serait triste, la chair, en ce roman, ne cesse de somptueusement flamboyer.

    Faut-il le redire ? Il en est encore ici de l'érotisme comme de la métapsychologie celle-ci et celui-là ne s'y prenant jamais pour fin, s'inféodant à une réalité transcendante, laquelle exigera de fort mystérieuses transmigrations, d'une chair à l'autre. C'est ainsi qu'à Tony d'Entremont, Jeanne déclare : « Renée, c'est moi, moi mortelle. Moi, je suis Renée ressuscitée ». Et c'est ainsi que l'on assiste à une certaine « redistribution des épouses », opération magique et philosophale ultra-secrète, « interdite », et que l'auteur pourra écrire : « Elles sont la même femme, le même laurier sauvage ». Et il ajoutera aussi : « Marie-Hélène, Jeanne, Renée, le corps, l'âme et l'esprit ».

    Mais de ces jeunes femmes — car il faut aussi qu'advienne, un jour, le dernier jour, l'Innommée elle-même — 3 seront sacrifiées, il le faut, il faut en passer par là. Lesquelles ? Sandrine n'est que la projection opérative des 3 premières, et la cinquième — on y reconnaîtra la Quinta Essentia des anciens philosophes de l'Inextinguible Feu — « redeviendra la première ». Comment, en arrivant là, ne pas se ressouvenir, aussi, des Chimères de Gérard de Nerval :

    La Treizième revient... C'est encor la première ;
    Et c'est toujours la Seule - ou c'est le seul moment :
    Car es-tu Reine, ô Toi ! la première ou dernière ?

    Erotiques donc, mais participant du plus haut érotisme sacré, les rencontres de chair qui jalonnent ce roman ont une impérieuse raison d'être secrète, qui est celle d'armer d'une manière spéciale, privilégiée, les conjurés mystiques de l'Atlantis Magna, de les doter de certains pouvoirs supérieurs, voire suprahumains, dans le combat final qu'ils mènent contre l'Édifice des Ténèbres, ses Puissances, ses Principautés.

    Il s'agit de la lutte du camp de l'Être, des Supérieurs Inconnus qui régissent invisiblement le Centre du Monde, le mystérieux Agartha qu'avait entrevu Alexandre Saint-Yves d'Alveydre, contre le camp du Non-Être, celui-ci représenté, à son niveau le plus bas, par les masses abjectes (si bien pressenties, évoquées par P.H. Lovecraft), auxquelles la démocratie a dangereusement lâché la bride, et au premier chef l'Amérique.

    Dans La Fosse de Babel,  Raymond Abellio, cité, ici, par Jean Parvulesco, définit l'Amérique de la manière suivante :

    « Un pays qui crée à ce point de la puissance matérielle ne peut être à la tête de l'humanité, il ne peut en être que le ventre. L'Amérique a grossi sans évoluer, comme les larves. Elle est le produit de la mort de l'Europe, de sa première mort ».

    Et, à propos du non-être, on y fera, aussi, une allusion opportune à Beaubourg, ce symptomatique et suprême "centre d'infection".

    L'heure est venue de "délivrer le Roy"

    Une conférence doctrinale, donnée dans la chapelle désaffectée d'un mystérieux îlot de l'Oise, par le commandeur Jean d'Altavilla, conférence qui n'occupe pas moins de trois chapitres de ce roman, éclaire le sens politique de l'affrontement en cours entre l'Être et le Non-Être, dévoile ses dimensions continentales, ainsi que l'importance de l'Europe, centre du Grand Continent Eurasiatique, celle également de la France, actuellement réduite à l'état de zombie, mais promise à un rôle fondamental, « car l'histoire de ce pays est celle d'une prédestination, et c'est par lui que doit s'accomplir l'union du Regnum Sanctum et du Sanctum Imperium, au sortir de la dormition des lys ».

    Nous sommes entrés dans "la fin des temps", et l'"heure est venue de délivrer le Roy".

    À cet endroit, viendra ensuite se placer une interrogation sur le sens et les limites de la littérature, impuissante à établir un contact charnel, agissant, avec la vie (« qu'est-ce qu'un roman qui ne serait pas conspiration active, mise en péril ? »), et qui devra donc, à présent, céder la place à l'action directe. Henry Montaigu, déjà, l'annonçait : « Bientôt les gentilshommes ne feront plus du tout de la littérature. Tremblez ».

    Ces limites, pourtant, qui sont aussi les limites mêmes de l'humain trop humain, Jean Parvulesco les brisera autant qu'il est possible et plus, donnant à ce livre une dimension propre, et pour le moins inusitée, périlleuse peut-être.

    À plusieurs reprises — dans la chambre vouée aux « cérémonies spéciales » à l'hôtel Waldeck, au Portugal ensuite et, aussi, dans l'Oise, durant la conférence du commandeur Jean d'Altavilla — des lointains éboulements souterrains se font entendre, auxquels répondent des tremblements de terre, des orages magnétiques. Répercussions cosmiques du combat des hommes ? Signes annonciateurs ? « La Terre-Mère n'a jamais perdu ses privilèges de maîtresse du lieu », écrit Mircea Eliade.

    Rien, d'autre part, n'est ici ce qu'il paraît : Paris flotterait sur une mer sans fond, la Mare Parisi. Quant au Portugal, il serait un pays de longue date englouti par les gouffres océaniques, et qui ne le sait pas encore, envoûté, halluciné.

    Ainsi, énigmatique était l'ouverture de ce roman, énigmatique, et racontée dans une sorte d'état second, en sera le dénouement.

    Au cours d'une incursion somnambulique profonde, la "femme élue", "déesse vivante", l'"occulte Innommée", se montrera soudain au narrateur sous la forme extatique d'une "tête adorante", ce qui conduira — reconduira — celui-ci à un tableau célèbre de Burne-Jones. Mais, la "déesse vivante", comment la rencontrer ? D'autres choses étranges, inquiètantes, arrivent, le narrateur, Tony d'Entremont, revient au Parc Monceau, où l'hôtel Waldeck (car les années ont passé), a été modernisé, et il y sera témoin de l'étrange apparition d'Irène, la « prisonnière de la Pyramide du Parc Monceau ».

    Parvenu au terme presque de sa course ontologique, Tony d'Entremont se verra obligé à s'engager dans la traversée du « Pré de Médée », au risque d'être rattrapé par les « Chiennes Noires », et c'est alors qu'il arrive à s'emparer du journal secret de l'"Innommée", journal dont nous ne connaîtront pourtant pas les dernières pages, ce que l'auteur est censé déplorer infiniment, « inconsolable ».

    Enfin, par un quotidien local, nous allons apprendre que deux immenses boules ignées ont foudroyé, lors d'un orage magnétique d'une violence inouïe, trois jeunes femmes inexplicablement présentes, sous l'orage, en haut, sur la terrasse de la villa Les Indes Galantes, propriété depuis toujours de la famille de Waldeck.

    Cependant, l'"Innommée", elle, avait été retrouvée dans un fossé, à moitié inconsciente, amnésique, mais ayant survécu à l'épreuve du feu, et qui vivra.

    Des personnages de feu dialoguent dans des paysages hallucinés

    D'un tel roman, multiforme et tumultueux, on ne peut guère rendre compte sans inévitablement le trahir. Si osée soit-elle, une comparaison avec les relations d'incertitude de Heisenberg, avec l'impossibilité de localiser un corpuscule dans l'espace sans que sa vitesse échappe à l'observation, peut aider à comprendre la difficulté à laquelle se heurte, en l'occurrence, celui qui veut en rendre compte.

    Une matière mouvante et comme en fusion bouillonne, insaisissable, dans ces pages portées au dernier degré d'éréthisme, ou des personnages de feu dialoguent dans des paysages hallucinés.

    Et, si l'ouvrage apparaît ainsi centré sur une vision apocalyptique, la fidélité de l'auteur aux grandes traditions ésotériques sous-jacentes ne bride aucunément sa liberté improvisatrice. Un incroyable remuement verbal, une stupéfiante ivresse langagière, une magnifique exaltation servent l'auteur dans cette entreprise, ambitieuse s'il en fut, et aventurière. Il n'empêche qu'ici, à tout instant, on longe des précipices redoutables, et des plus cachés.

    Ce que quelqu'un avait déjà dit de la peinture, à savoir qu'il faut passer par elle, mais qu'il faut la dépasser, pourrait aussi bien s'appliquer à la littérature telle que l'entend Jean Parvulesco. Attentif au présent, dans ce qui relie celui-ci aux contreforts de la métahistoire, à l'invisible, son livre surplombe de très haut ces romans, innombrables, dont les dogmes humanitaires bornent l'horizon, étouffent le souffle, avortent la tentative, écume inutile. Rien à faire.

    Hora est de somno surgere, c'est qu'il est en effet grand temps de s'arracher au sommeil de mort qui est le nôtre actuellement, à ce sommeil de plomb où médias et pseudo-culture enferment nos contemporains. Il serait vain d'attendre des livres, de leurs livres, qu'ils contribuent à l'éveil. Ils sont écrits, pour la plupart, par des dormeurs et des agonisants, par ces lugubres man¦uvres de l'esprit que déjà fustigeait Baudelaire. La culture, aujourd'hui, et plus particulièrement, peut-être, la littérature, sont passées à l'ennemi, ne servent plus que le non-être. L'éveil, désormais, nous viendra d'ailleurs, et très autrement.

    La vie, la grande vie n'y est plus, mais les avancées du néant. D'où, sans fin, ces mornes historiettes, toute cette misère. D'où cette épouvantable, cette sinistre horizontalité dans le domaine actuel des lettres françaises et européennes, ce conformisme bêlant qui n'épargne à peine que quelques franc-tireurs perdus dans la nuit. À ce dernier petit nombre appartient sans conteste Jean Parvulesco, dont le dernier roman nous rappelle, avec une force terrifiante, qu'il y a sur terre et dans le ciel beaucoup plus de choses que ne saurait le soupçonner la canaille écrivante.

    Et comment conclure mon témoignage personnel sur L'Étoile de l'Empire lnvisible, si ce n'est par une citation, qui eût pu aussi bien être une autre. C'est Marie-Hélène Zdrojewski, personnage central de ce roman, qui parle, et même si l'on peut se trouver en désaccord avec ces propos et avec certaines de leurs implications, comment ne pas s'avouer frappé par leur pathos, par le son secret, par les réverbérations qu'y agissent, comme venant de loin, d'un autre espace sidéral et d'une autre histoire, d'outre-monde ou, peut-être, du fond embrasé d'un avenir encore inconcevable pour nous autres, victimes aveuglées et soumises de l'heure présente ?

    Marie-Hélène Zdrojewski, donc :

    « ... je vous ferai remarquer que toutes ces révélations se maintiennent à dessein au seul niveau de l'action politico-stratégique directe, au seul niveau — mais là aussi les choses sont beaucoup plus noires qu' elles n'en ont l'air au premier coup d'approche — des grandes manipulations "démocratiques" actuellement en cours, dont le but final — de fort proche échéance — n'est que celui d'en finir définitivement avec la France... la démocratie ne sera jamais, pour la France, qu'une option suicidaire, un suicide qui, à travers l'aliénation démocratique, lui sera toujours imposé de force, et de l'extérieur, dans les termes toujours d'un processus de mise sous influence criminelle, antinationale, s'utilisant à la perdre et à la détruire, à la plonger subversivement dans les ténèbres du chaos et du vide, du non-être et de l'oubli crépusculaire de sa propre prédétermination ontologique des commencements... ».

    Mais, y lit-on aussi, ce signe, ce soir, m'est-il délivrance, ce signe, ce soir, m'est-il recommencement ?

    ► David Mata, Vouloir, juin 1993.