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SHS - Page 10

  • Panunzio

    SERGIO PANUNZIO : DU SYNDICALISME RÉVOLUTIONNAIRE AU FASCISME

    sergio10.jpgUne loi du silence, implacable, s'abat sur des centaines d'auteurs non conformistes. Tout comme les disparus des dictatures sud-américaines, ces hommes paraissent s'évaporer sans laisser de traces. C'est ce qui est arrivé à Sergio Panunzio (1886-1944). Malgré la solidité et l'ampleur de son œuvre écrite (1), riche et complexe, qui concerne la philosophie, la sociologie, la politique et le droit. Une base académique solide reposant sur 2 doctorats, en droit et en philosophie (2), constituait la base d'une pensée libre, s'auto-dépassant continuellement, qui s'emparait sans cesse de nouveaux espaces intellectuels au lieu de se retrancher dans des positions défendant des idées caduques.

     

    LE SYNDICALISME RÉVOLUTIONNAIRE

    labrio10.gif[Ci-contre : Antonio Labriola (1843-1904), professeur napolitain qui introduit les idées de Sorel en Italie. Il refuse les syndicats réformistes et développe un syndicalisme révolutionnaire et anarchisant, qui finira par épouser le “mythe national”. Le jeune Mussolini est fortement influencé par ses idées. Qui s'exprimeront notamment dans la revue La Lupa (Florence), en même temps que celles de Corradini, autre syndicaliste révolutionnaire et nationaliste. Dans le n°1 de La Lupa, on pouvait lire cette proclamation significative : « La Lupa est un hebdomadaire dirigé par ceux qui se trouvent à égale distance de tous les points de l'hémicycle politique »]

    Il est encore très jeune lorsque ses préoccu­pations sociales le poussent dans les rangs marxistes. En 1903, il commence à collaborer à Avanguardia Socialista, journal édité à Mi­lan, dans lequel le jeune Mussolini fait égale­ment publier ses premiers articles. Mais le marxisme commence déjà à être critiqué dans les rangs de la gauche. Georges Sorel met ses limites en évidence et, en Italie, Enrico Leone et Antonio Labriola soutiennent et diffu­sent ses thèses. C'est ainsi qu'un courant naît, rapidement baptisé syndicalisme révolution­naire, qui s'écarte de l'orthodoxie marxiste.

    La lecture du sociologue Gustave Le Bon contribue à cet éloignement. Les syndicalistes sont obsédés par le problème de la découver­te des processus psychologiques qui gouver­nent la mobilisation des masses ; en simpli­fiant : pour savoir comment lancer les ouvriers dans la révolution. Pour le marxisme classi­que, tout est un problème de développement des forces productives : quand le capitalisme sera arrivé à son zénith, il aura créé une telle masse de prolétaires déshérités que la révo­lution sera inévitable. Mais nombreux sont les révolutionnaires impatients, qui ne veulent pas attendre aussi longtemps. Panunzio arrive ainsi à la conclusion, tout comme le jeune lea­der socialiste Mussolini, que les phénomènes politiques de masses sont, en dernière analyse, des phénomènes psychologiques qui, par con­séquent, sont indépendants du degré de déve­loppement des forces productives. L'œuvre théorique qu'à ce moment-là, Pareto, Mosca, Michels et Sorel publient, vont dans la mê­me direction.

    L'élite révolutionnaire avait pour mission de mobiliser les masses et le marxisme ne dis­posait pas des éléments d'analyse et de pro­pagande permettant d'y arriver. Ajoutez à cela que, pour tous ces hommes, l'économicisme marxiste commence à se révéler étroit, eux qui rêvent d'un syndicalisme qui soit une idéo­logie plus moderne pour le mouvement ou­vrier, à la fois plus pragmatique (moins spécu­lative et théorique) et plus idéaliste (parce qu'elle doit éluder le déterminisme et valoriser davantage la capacité de mobilisation des idéaux).

    Le jeune Panunzio voit à quel point l'Italie est dominée par les groupes qui représentent les intérêts capitalistes, fondamentalement grâce à la légitimation des « mythes démocratiques » (vote, parlement, etc.) et des « symboles natio­naux » (la nation), parvenant ainsi à les écarter de leur fidélité — qui suppose spontanéité et naturel — envers leurs véritables organisations : les syndicats. Pour lui, les « mythes démocrati­ques » sont tout particulièrement dangereux. Aussi dénonce-t-il — et on retrouve cette carac­téristique dans sa toute pensée — la démocra­tie parlementaire et partitocratique comme système de domination politique de la bour­geoisie. Ses critiques sont analogues à celles, bien connues, de Michels, dans son œuvre classique sur les partis politiques. Les par­tis, même ceux qui s'auto-définissent comme partis ouvriers, créent une nouvelle oligarchie. Face à cette réalité, Panunzio veut instaurer un système basé sur l'autogouvernement ef­fectif des travailleurs à travers leurs syndicats.

    Aujourd'hui, nous ne devons pas nous étonner qu'il se soit éloigné de l'orthodoxie marxiste car, en Italie, n'existaient pas les pré-condi­tions que Marx supposait pour le triomphe de la révolution (il y avait un faible développe­ment industriel et donc, une importance socio­logique peu élevée du prolétariat et de la bour­geoisie). Et Panunzio, comme les autres syn­dicalistes révolutionnaires, avait besoin de nouveaux instruments d'analyse qui lui servi­raient à faire la révolution en Italie, aussi vite que possible. Une évolution idéologique atti­rante commence ainsi, qui conduira de nom­breux leaders syndicalistes révolutionnaires, comme Roberto Michels, A.O. Olivetti (3), Paolo Orano et Ottavio Dinale, des rangs pro­létariens aux milices fascistes. Mais plus que de “conversions au fascisme”, il faudrait plu­tôt dire que ceux-ci furent leurs auteurs intellectuels authentiques. De fait, l'évolution de Panunzio reflète, comme peu d'autres, l'évolu­tion du climat intellectuel italien avant, pendant et après la Première Guerre mondiale.

    LA DÉCOUVERTE DE LA NATION

    [L'événement qui a lait basculer les ultra-révolutionnaires italiens dans le nationalisme : la campagne de Tripolitaine en 1912. Couverture du discours La Grande Proletaria si è mossa (nov. 1911) de Giovanni Pascoli nourri des idéaux du Risorgemento]

    libia10.jpgLa guerre italo-turque, pour la Lybie, en 1911, réorienta le syndicalisme révolutionnaire vers la découverte de l'idée de Patrie, comprise comme « Nation Prolétaire » victime de la mar­ginalisation et de l'oppression exercée par les puissances ploutocratiques. Les leaders du syndicalisme (Labriola, Olivetti, Orano) avaient été expulsés du Parti Socialiste italien pour déviationnisme idéologique. La guerre de Li­bye leur fait découvrir quelque chose d'insoup­çonnable pour un militant formé dans la tra­dition marxiste : l'enthousiasme altruiste et la prédisposition au sacrifice que manifestent ces travailleurs italiens pour répondre aux ob­jectifs nationaux. Il s'agit d'un phénomène que l'on ne peut nier ni méconnaître. Roberto Mi­chels, toujours à l'avant-garde intellectuelle, tente de découvrir, dans son livre Impérialisme italien, les racines démographiques, économi­ques et sociales à la base de cette mobilisa­tion populaire instinctive entraînée par la guer­re de Libye.

    Panunzio mit un certain temps à suivre cette évolution et, — de fait — il ne parvint pas, jusqu'à l'éclatement de la Première Guerre mondiale, à se reposer la question de la virtualité du syndica­lisme révolutionnaire (même situation chez O­livetti, Orano, Dinale, Rocca et Mussolini). Mais, pendant ce temps, Panunzio continue à prendre ses distances par rapport aux dogmes marxistes. Marx avait écrit qu'il n'était pas ve­nu prêcher une nouvelle morale, puisqu'il sup­posait que les idées des hommes, y compris les idées morales, ne constituaient qu'un reflet supra-structurel d'une infrastructure constituée par des conditions économiques données. L'influence de l'œuvre philosophique des néo­-idéalistes italiens, Croce et Gentile, a été déci­sive pour les syndicalistes. Ils sont arrivé à la conclusion qu'il est absurde d'encore main­tenir ce postulat. La composante éthique de l'homme n'est pas déterminée uniquement et exclusivement par les structures économiques d'une société.

    En 1914, Panunzio écrit dans Utopia — la revue théorique que dirige l'un des propagandistes i­taliens les plus ardents du socialisme, Benito Mussolini — un article dans lequel il soutient que le socialisme doit être une revendication éthique en vue de construire une nouvelle so­ciété, qui incarnerait une réalité éthique supé­rieure. Les révolutionnaires doivent agir sous la dictée d’une inspiration éthique.

    L'INTERVENTIONNISME

    [Ci-dessous : La marcia su Roma (1922) par le futuriste Tato, peinture ayant appartenu à Mussolini]

    rev_co10.jpgS'étant écarté des dogmes marxistes, Panun­zio a pu constater, en observant les événe­ments de la Première Guerre mondiale, à quel point l'idée de nationalisme continuait à être le moteur le plus efficace pour lancer les hom­mes dans l'action. Dans ses ouvrages Il con­cetto della guerra giusta et Principio e diritto di nazionalita, il donne un exposé, large et systé­matique, de cette idée fondamentale. Depuis le début, Panunzio a été partisan de l'entrée de l'Italie dans la guerre. En automne 1914, dans Utopia — qui se trouvait toujours sous la responsabilité de Mussolini —, il publie un ar­ticle où il parle du caractère révolutionnaire de la guerre, puisque « la nationalité est fonda­mentale pour l'action de l'homme ». Il faut faire bouger les masses, les tirer de leur léthargie. Et il n'y a pas de catalyseur plus efficace que la guerre. Aujourd'hui nous savons, grâce aux études minutieuses et inégalables de Renzo De Felice, à quel point le comportement de Panunzio serait décisif pour arracher Mussoli­ni à la neutralité qu'il défendait encore, suivant ainsi la ligne officielle du PSI, et pour le pous­ser jusqu'à l'interventionnisme.

    Principio e diritto di nazionalita développe exhaustivement ces idées. Panunzio signale dans ce texte l'importance sociale et politique du sentiment d'exigence chez l'homme, qui est fondamental. La Nation est une unité organi­que et naturelle composée d'hommes, qui ont en commun, non seulement le territoire, mais aussi les coutumes, la langue, l'histoire. La nationalité est, tout simplement, fondamentale pour la sociabilité humaine.

    Pour les syndicalistes révolutionnaires, une conclusion va s'imposer : peut-être se sont-ils trompés et c'est l'idée de la nation, et non cel­le de Syndicat, que les hommes ressentent comme communauté humaine fondamentale Ce n'est pas uniquement un phénomène ita­lien. Comme cela s'est déjà passé en Italie en 1911, lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale, tous les intellectuels de gauche ont regardé bouche bée, de quelle manière les masses de travailleurs allemands et français endossent joyeusement leurs uniformes et oublient toute idée d'internationalisme prolétarien. Oui, c'est la nation qui est la communauté « charis­matique », qui est capable d'unir et de lancer le peuple à l'action. Mais Panunzio n'oublie pas ses idéaux syndicalistes. Et en unissant nationalisme et syndicalisme, Panunzio rassemble les éléments qui constitueront plus tard la syn­thèse fasciste.

    LE DÉPASSEMENT DU SYNDICALISME

    Lorsqu'il était jeune, Panunzio était convaincu que les associations économiques, les syndi­cats, constituaient la communauté primaire et exclusive de l'homme moderne, comme les hordes l'avaient été pour l'homme paléolithi­que, la polis pour l'homme de l'antiquité classique et le fief pour l'homme médiéval. La Révolution industrielle avait supposé un changement qualitatif sans comparaison depuis la Révolution néolithique, qui avait créé l'agricul­ture et sédentarisé l'homme. Cette nouvelle réalité sociale devait créer son nouveau mo­dèle social et le syndicat était cette nouvelle communauté naturelle et moderne.

    Mais maintenant, Panunzio découvrait que le syndicat ne pouvait satisfaire tous les besoins, subtils et complexes, de la nature humaine. Il y avait une forme d'association plus vaste et plus complexe, la nation. Et en plus, c'était la nation, et non le syndicat, l'objet primaire de la fidélité des hommes, tout comme la guerre l'a­vait prouvé. Sans la langue, sans l'art, sans la science ; sans la philosophie, sans l'histoire et sans le potentiel économique dont est porteu­se une nation, l'homme n'avait ni substance, ni futur.

    En 1918, à la fin de la guerre, Panunzio avait redéfini sa doctrine comme “Syndicalisme Na­tional”. Une évolution en tous points similaire à celles de Filippo Corridoni, Roberto Michels ou Benito Mussolini.

    Donc, les nationalismes prenaient corps dans les États. L'État-Nation remplacera ainsi la « fédération de syndicats » comme communau­té politique de niveau supérieur Mais Panun­zio ne va pas renoncer à ses idéaux révolu­tionnaires dans le domaine social et se trans­former en un nationaliste petit-bourgeois. Pour lui, l'élément fondamental de cet État-National ne peut être que le Syndicat. En réalité, Pa­nunzio ne modifie pas le rôle qu'il avait tou­jours assigné aux syndicats (leurs objectifs moraux et éducatifs, leur rôle économique), mais change leur conception de l'État, qui de­vient plus qu'une structure artificielle, en deve­nant le corps physique de la Nation et, par conséquent, une structure « naturelle » et « éthi­que », à laquelle doit être réservée l'hégémo­nie juridique et organisatrice.

    Panunzio avait tiré des leçons fondamentales de Gumplowicz, Le Bon, Pareto et Mosca : l'homme était, surtout et avant tout un être so­cial. Face à l'individualisme des idéologies nées des Lumières (qui n'est que la séculari­sation de l'individualisme religieux du christia­nisme). Panunzio affirme la socialité comme l’élément constitutif fondamental de l'homme. Cette idée était déjà nettement définie dans sa phase syndicaliste révolutionnaire ; c'est la rai­son pour laquelle il insiste et continue à insis­ter sur le rôle du syndicat. Mais il modifie ses vues quant à l'association fondamentale qui détermine l'action de l'homme ; il établit qu'il en existe deux : la Nation — en premier lieu — et le Syndicat. En plus, Panunzio n'oublie pas que les exigences du développement économique plaident également en faveur d'une structure économique, supérieure en qualité en en di­mensions au Syndicat, qui, dès lors, ne peut être que l'État-Nation.

    Ainsi donc, en 1918, un an avant l'organisa­tion de l'assemblée nationale fondatrice des Fasci di Combattimento, Panunzio a déjà éta­bli toutes les lignes fondamentales du pro­gramme fasciste. Et, en 1919, en toute logi­que, il devient l'un des propagandistes les plus compétents du fascisme.

    THÉORICIEN DU FASCISME

    Entre 1918 et 1921, Panunzio reste en contact étroit avec Mussolini. A. James Gregor a souligné comment Pa­nunzio a été l'un des intellectuels qui tenta le plus fermement de donner une base idéologi­que rationnelle au fascisme (4). D'après lui, son œuvre est comparable à celle de Giovanni Gentile et, à mon avis, dépasse celle-ci en pertinence politique. Ce spécialiste américain du fascisme italien a démontré par analyse scientifique que la lecture de l'œuvre de Pa­nunzio suffit pour infirmer définitivement la thè­se qui veut que le fascisme italien fut un acti­visme pur, qui adopta une idéologie a poste­riori pour couvrir, pudiquement, son activisme irrationnel, dépouillé de toute rigueur concep­tuelle.

    Gregor a prouvé que la Théorie de la Révolu­tion, la Théorie de la Dictature, la Théorie du Syndicalisme national, la Théorie de l'État Syndicaliste et Corporatif et la Théorie géné­rale de l'État qui caractérisent le fascisme (c'est-à-dire, l'ensemble des discours idéolo­giques qu'adopte le fascisme lors des différen­tes phases de son activité politique), ont été largement développées et rationnellement fon­dées sur l'œuvre de Panunzio.

    LA VIOLENCE ET LA LOI

    14-dev10.jpg[Ci-contre : 1920 : L’Italie est en ébullition. Squadristes au cours d'une “expédition punitive”]

    Dès le début de son œuvre, Panunzio rejette l'individualisme. L'homme n'est pas homme si­non en société. Ce sont là des idées similaires à celles exprimées par le jeune Mussolini dans son ouvrage La filosofia della forza. Mais si Panunzio affirme que les hommes ne sont pas des atomes mais des êtres sociaux, il affirme, en même temps, que cette situation n'est pos­sible que parce qu'ils vivent en fonction de normes. Cependant, les normes juridiques ne sont pas sacro-saintes. Et la théorie de la ré­volution développée par Panunzio est un en­semble d'opinions raisonnées et normatives, qui constituent la base éthique des idées révo­lutionnaires du fascisme. De fait, Panunzio a été le seul parmi les intellectuels qui se rap­prochent du fascisme, à donner une justifica­tion philosophique au recours fasciste à la vio­lence, en phase révolutionnaire.

    En réalité, Panunzio, qui possède une forma­tion juridique solide, même en acceptant la né­cessité et la souveraineté des lois, affirme que les lois existantes peuvent constituer un obstacle à la justice et au développement humain. Les lois ne peuvent être éternelles et doivent se transformer pour faire face aux nouveaux problèmes et aux nouvelles réalités. Et en temps de crise, le recours à la violence afin de changer les lois est légitime.

    On peut dire la même chose au niveau inter­national. L'Italie, nation prolétaire, a droit à la guerre, pour modifier un statu quo injuste. De manière identique, la révolution, en tant que guerre interne, est justifiée par Panunzio com­me un recours contre l'injustice. Mais la vio­lence ne peut être une fin en soi. La violence fasciste a pour objectif de créer un nouveau système étatique. Pour lui, le fascisme est une révolution qui conserve, renforce et défend l'idée d'État. Le fascisme est un exemple par­fait de “Révolution conservatrice”. De fait, Panunzio a voulu, au long de toute son œuvre, définir simultanément le fascisme comme révolutionnaire (parce qu'il désirait créer un nouvel État) et comme conservateur (parce qu'il défendait l'idée de l'État).

    La violence fasciste n'était donc pas une « ma­ladie morale » comme disait Croce, mais, au contraire, une nécessité éthique, rationnelle et progressiste. L'organisation qui personnifie cette volonté de violence est le parti révolu­tionnaire, qui doit établir une « dictature héroï­que », c'est-à-dire une dictature incarnée dans un homme unique (une idée analogue à celle du leader charismatique défendue par Mi­chels).

    Panunzio ne cessa de réfléchir, avec pertinen­ce et profondeur, jusqu'à la fin de ses jours, au nouvel État fasciste (je signale au passage qu'il a consacré un texte important à l'Espa­gne nationale-syndicaliste). Il a toujours consi­déré le régime fasciste comme la forme transi­toire entre l'État libéral-parlementaire créé par la bourgeoisie et le Nouvel État qui doit naître, pour l'organisation et la représentation non d'une seule classe sociale, mais de l'ensem­ble des travailleurs, tous types confondus, et de toutes les catégories qui forment une na­tion.

    S'il critique férocement le parlementarisme li­béral, il croit toujours à la nécessité de la re­présentation politique, qui doit se réaliser au départ de la revitalisation de parlements cor­poratifs représentant les intérêts sociaux réels et authentiques, contrairement aux partis qui cachaient la réalité directe et authentique de ces intérêts sociaux. Cette idée le force à af­fronter un autre théoricien de l'État fasciste, Carlo Costamagna, plus proche de ce que nous appelons la “statolâtrie”. Il combat également les tendances philo-collectivistes d'une partie de la gauche fasciste, modelées sur l'i­dée de la « corporation propriétaire » d'Ugo Spirito et soutenant, avec insistance, l'idée de l'« économie mixte », c'est-à-dire, de la coexis­tence des propriétés privée et étatique des en­treprises. Au contraire, il a été très proche d'hommes comme Giorgio Del Vecchio, peut-être le juriste le plus remarquable de l'Italie fasciste, et de Giachino Volpe, l'auteur de la plus célèbre Histoire du Mouvement Fasciste. En tout cas, l'œuvre de Panunzio démontre — de manière répétée — qu'il est absolument faux que les fascistes n'aient jamais tenté d'é­laborer des thèses idéologiques pour légaliser leur révolution et leur régime.

    UNE ÉVOLUTION COHÉRENTE

    Beaucoup seront surpris que l'on puisse évo­luer du syndicalisme révolutionnaire au fascis­me. Mais, en réalité, ce qui doit nous sur­prendre, c'est la cohérence lucide et la fécon­dité de la pensée de Panunzio. Notre auteur ne s'est pas laissé rattraper par des événe­ments passagers et contingents, mais il a tou­jours tiré ses idées de prémisses qui, aujour­d'hui encore, s'avèrent actuelles. Sa formation juridique et sa tendance naturelle à la spécula­tion déterminent le caractère de son œuvre, comme l'écrivit Francesco Perfetti (5).

    Peut-être la meilleure contribution de Panun­zio a-t-elle été de résoudre, comme personne ne l'avait fait, le problème juridique de la rela­tion entre l'État et les autres forces sociales organisées. D'après lui, on doit se situer dans le domaine d'un État Corporatif, au sein du­quel les corporations assument le rôle de Quatrième Pouvoir étatique, à côté de l'exé­cutif, du législatif et du judiciaire. Le long che­minement intellectuel qui conduit du syndica­lisme révolutionnaire au fascisme se réalise chez lui de manière cohérente ; en effet, ce n'est pas un hasard si son premier ouvrage s'est appelé Il Socialisme Giuridico (6) et si Panunzio parle des syndicats ouvriers en les présentant comme les organisations destinées à modifier radicalement la société, il ne cesse pas non plus de parler d'un « droit syndical ou­vrier »...

    Un tel sens du juridique évite à Panunzio de se précipiter dans la voie de l'anarchisme. Vu le caractère italien et le climat intellectuel de l'époque, il n'était pas facile de se soustraire à cette tentation. Mais lorsqu'on a le sens du droit, on doit avoir le sens de l'autorité. Et si pour le jeune Panunzio, le syndicat devait faire face à l'État, cela ne signifiait pas qu'il devait s'opposer à l'idée d'autorité.

    SYNDICALISME ET ANARCHIE

    Dans La Persistenza del diritto, il écrit : « Ce qui différencie le vrai syndicalisme de l'anar­chisme, c’est que le premier, même en niant l'État, ne nie pas simultanément toute forme d'organisation sociale basée sur l'autorité, alors que le second nie l'État parce que, intrin­sèquement, il nie toute forme d'autorité socia­le ». L'erreur de l'anarchisme — et également du marxisme — consiste à identifier domination de classe sociale avec État. Beaucoup pensent que c'est le cas dans l'État bourgeois, qui est au service de cette classe sociale et qui crée des codes juridiques imposés à la société pour maintenir sa domination.

    Panunzio oppose une nuance importante à cette idée généralement acceptée : « le droit n'est pas une force qui s'impose toujours et nécessairement de l'extérieur et avec violence à un groupe déterminé de personnes, mais plutôt une force psychologique et sociale de toute première importance qui se produit ab intus, moyennant un processus de formation que l'on ne peut séparer d'un groupe humain ou d'un noyau associatif déterminé ». Autre­ment dit : le droit est l'émanation d'un groupe social, au sein duquel se produisent des i­dées, des sentiments, des opinions et des cro­yances collectives. Le Droit, comme la Reli­gion ou l'Art, est un phénomène social et non le produit exclusif de l'État. Et par conséquent, il se perçoit également dans les lois psycho­sociologiques en vigueur dans les collectivités (et qu'essayèrent de découvrir non seulement Le Bon mais également Marde, Miceli et Si­ghele).

    Le Droit, estime Panunzio, peut et doit naître, non de l'État, mais des groupes sociaux. Et pour lui, ces groupes sociaux doivent être les syndicats. Le syndicat ne fut jamais pour Pa­nunzio un pur mécanisme revendicatif, un or­ganisme économique, car pour lui, toute so­ciété, est à la fois économique, politique et ju­ridique. Nous touchons ainsi à une idée fonda­mentale dans toute l'évolution idéologique de Panunzio : le syndicat comme groupe social politique et comme groupe de droit. Lors de sa phase syndicaliste révolutionnaire, Panunzio a cru que le syndicat devait s'opposer à l'État, le vider de son contenu et prendre sa place. Sa découverte « du fait national » le fait changer de vue.

    Mais ce qui importe aujourd'hui, c'est de souli­gner à quel point cette idée s'oppose aux thè­ses anarchistes. Panunzio se demande de quelle manière pouvait s'établir, dans l'histoire comme dans la réalité, le contrat social qui au­rait mis fin à la société anarchique. Il ne se trompait pas quant à la nature humaine et il savait que, dans un groupe humain, le mal existerait toujours, tout comme d'ailleurs les comportements anti-sociaux. Raison pour la­quelle l'autorité s'avérait essentielle dans toute société.

    Les syndicats, en tant que groupes sociaux or­ganiques réels doivent donner naissance à leur propre Droit. Mais vu l'existence de divers syndicats, par branches d'activité, le problème se posait du besoin d'un autre type d'autorité et de représentativité, qui ne peut être que la politique. Panunzio, comme tous les syndica­listes révolutionnaires, nie la virtualité de la re­présentation parlementaire et partitocratique Et, dans son cas, il propose une solution origi­nale à ce dilemme : faire également des syndi­cats des organisations politiques. Et même il croit que ces syndicats pourraient adopter une politique socio-économique différente de celle suivie jusque là par les partis socialistes ouvriers.

    CRÉER DE LA RICHESSE

    Les partis de la gauche ouvrière se sont pré­occupés surtout du problème de la distribution de la richesse. Par conséquent, ils ont adopté certains programmes politiques qui condam­naient la création de richesse ; conséquence les socialismes ont distribué fa misère au lieu de répartir la richesse. La bourgeoisie avait su créer de la richesse comme jamais aupara­vant dans l'histoire de l'homme, grâce à la ré­volution industrielle ; mais elle l'avait accaparé de manière scandaleuse Cependant, les for­ces ouvrières ne s'étaient préoccupées que de la répartition des richesses, comme si celles-ci croissaient spontanément. Donnons-en un exemple historique : si le seigneur féodal vivait beaucoup mieux que ses paysans, le fait qu'un prolétaire vive mieux qu'un seigneur féodal n'est pas dû à la distribution de la ri­chesse de l'aristocratie entre les serfs, mais à la création de richesse. Si l'on ne répartissait que la richesse existante, on ne favoriserait que la consommation et chaque être humain ne se verrait attribuer qu'une part minime de la richesse globale. Au contraire, le syndicalisme devait tendre à créer le maximum de richesse car seule une société opulente apportera le bien-être à tout le monde.

    L'attitude typique du mouvement ouvrier avait été d'arracher la richesse aux bourgeois (de manière révolutionnaire : avec les expropria­tions et les nationalisations ; de manière réfor­miste : moyennant des impôts progressifs sur la rente, orientés vers la redistribution de la ri­chesse) Panunzio se montre beaucoup plus original : « le syndicalisme doit représenter la politique économique de production a­lors que le réformisme socialiste représen­te la politique anti-économique de consom­mation ».

    Ce n'était pas là l'unique critique adressée par Panunzio aux partis ouvriers. De fait, il com­mence par leur reprocher d'être des partis. Ils participent ainsi au jeu de la bourgeoisie, ils trahissent leurs bases prolétariennes. Seuls, les syndicats modernes, avec leur caractère double, technico-économique et politico-so­cial, peuvent en finir — pense-t-il — avec l'État bourgeois, théoriquement démocratique, mais basé, en réalité, sur la pré-puissance écono­mique et sur l'éventuel recours à la violence.

    LA CONCRÉTUDE “NATION”

    La guerre de Libye et la Première Guerre mondia­le vont mettre en relief les limites du syndica­lisme : en effet, la Patrie apparaît comme une réalité plus suggestive pour les travailleurs que le syndicat. La nationalité l'emporte sur la conscience de classe. Panunzio réfléchit de­vant les faits qui se présentent à lui et arrive à une conclusion évidente : son modèle de so­ciété basé sur les syndicats souffre d'impréci­sion : seul, le national lui donne ses dimen­sions concrètes et solides.

    De plus, seul le national jouit de plus de force parmi les masses que le mythe démocratique et peut, de fait, aider à mettre hors-jeu le Par­lement bourgeois. Cette conviction se situait dans l'interventionnisme de nombreux hom­mes de gauche italiens : comme le Parlement s'opposait à la guerre, si l'on pouvait convain­cre le peuple que l'intervention dans le conflit favoriserait ses aspirations nationales (en libérant les provinces italiennes soumises à l'empire austro-hongrois) et qu'en obtenant l'intervention italienne, on saperait le pouvoir du Parlement : de là, on insisterait sur le carac­tère révolutionnaire de la guerre : on ne livre­rait pas seulement la guerre pour libérer des provinces italiennes, mais pour libérer l'Italie entière du joug du parlement dominé par des chambres réactionnaires.

    QUEL PARLEMENT ?

    Il serait pourtant faux de dire que Panunzio s'est opposé à tout type de représentativité politique. Mais il a aspiré à un parlement d'un nouveau genre, à un “parlementarisme des réalités”, opposé à celui, démodé, qui se révé­lait si fictif. Avant même de rejoindre les rangs du fascisme naissant, Panunzio s'était déjà largement préoccupé de la question de savoir comment faire représenter au Parlement les intérêts des professions et des travailleurs, au lieu des intérêts artificiels des partis.

    L'élaboration définitive de ses idées se réalise déjà dans la période fasciste, alors que Pa­nunzio a déjà adopté l'idée de l'importance su­prême de la nationalité, et déduit qu'une na­tion ne peut prendre corps que dans un État. La pluralité sociale et la multiplicité syndicale s'accompagnent du monisme de l'État. Mais il s'agit de l'État des Syndicats.

    Avec le triomphe du fascisme, Panunzio arrive à la conclusion que les syndicats ont donné vie au nouvel État, à l'État Syndical. Par con­séquent, l'État doit reconnaître maintenant le rôle des Syndicats, leur reconnaître leur per­sonnalité juridique. Dans Il sentimento dello Stato, Panunzio ajoute : l'homme ne peut « sentir l'État » s'il ne « sent pas le Syndicat », car on arrive à l'idée de l'État à travers des groupes sociaux intermédiaires qui socialisent l'homme. Ainsi, l'État ne doit pas se con­fronter aux syndicats, personnification des forces sociales, mais les intégrer dans la structure constitutionnelle. Aux Syndicats, on doit ajouter les Corporations, en tant que confédérations et — à travers les syndicats et les corporations — on doit atteindre l'intégra­tion de l'Individu dans l'État.

    Les fonctions des corporations doivent être consultatives, législatives ; elles doivent égale­ment servir d'intermédiaires entre les diffé­rents syndicats et entre ceux-ci et l'État. La nouvelle représentation, la nouvelle participa­tion, ne doit pas se réaliser à travers les partis mais à travers les corporations Panunzio as­signe ensuite aux Corporations un rôle fonda­mental dans la politique économique. Con­vaincu de l'utilité de l'initiative privée, il s'oppo­se aux thèses philo-collectivistes de Spirito (la « corporation propriétaire »). Grâce aux corpo­rations, l'État doit diriger et planifier, et non gé­rer. Ce pluralisme économique rend nécessai­re un organe délibératif et représentatif, qui ne discute plus d'abstraits programmes politiques de partis, mais des besoins concrets et réels issus du processus de création de la richesse nationale.

    Tout comme dans le monde de la musique existent à la fois harmonie et pluralité des sons, l'État doit garder la souveraineté dans le domaine de l'économie mais doit également respecter un pluralisme et, par conséquent, doit posséder une Chambre où sont représen­tés les intérêts des corporations. Le fascisme crée ainsi un nouveau type d'État. Jusqu'à présent, a existé un État au service de la bour­geoisie, mais maintenant doit se créer un Nou­vel État qui, en faisant des syndicats et des corporations ; la base de sa structure constitu tionnelle, intègre les intérêts de tous les Ita­liens et permet la création d'une nation très forte, riche et harmonieuse.

    ► Carlos Caballero-Jurado, Vouloir n°126/128, 1995.

    • Notes :

    • (1) Relation des ouvrages publiés par Sergio Panun­zio. Le chiffre qui apparaît entre parenthèses indique la date de publication de l'œuvre ou des œuvres, Il socialisme giuridico, Il sindicalismo nel passato (1907) ; La persistenza del diritto (Discutendo di sin­dicalismo e anarchia), Lotta per l'assistenza e asso ciazione per la lotta (1910) ; Sindicalismo e Medioevo (Politica contemporanea) (1911) ; Il concetto della guerra giusta : Principio e diritto di nazionalita (1917) ; La Lega delle Nazione (1920) ; Diritto, forza e violen­za (1921) ; Stato nazionale e sindicati, Il sentimento dello Stato, Che cos' e il Fascismo (1924) ; Lo Stato fascista (1925) ; Il diritto sindicale e corporativo (1930) ; Popolo, Nazione, Stato (1933) ; Le Corpora­zione Fasciste (1935) ; L'economia mista ; dal sindica­lismi giuridico al sindicalismo economico (1936) ; Spagna nazional-sindicalista (1942) ; Motivi e metodo della codificazione fascista (1943).
    • (2) Il reçut le grade de Docteur à Naples en 1908, pour sa thèse, Una nuova aristocrazia sociale : i sin­dicati. En 1911, à Naples également, il obtint le doc­torat en philosophe.
    • (3) Il n'est pas facile de trouver de la documentation sur les principaux syndicalistes révolutionnaires ita­liens. Dans la collection « I fatti della Storia » (dirigée par Renzo de Felice chez Bonacci à Rome), Fran­cesco Perfetti a réalisé fa compilation et l'introduction à un excellent volume d'Olivetti. Cf. Angelo Oliverio Olivetti, Dal Sindicalismo Rivoluzionario al Corpora­tivismo.
    • (4) Dans son livre, Sergio Panunzio : Il sindicalismo ed il fondamento razionale del fascismo (Volpe edi­tore, Roma, 1978), qui est une magnifique introduc­tion à l'œuvre de Panunzio, accompagnée d'une sé­lection exhaustive de textes de cet auteur. Dans cet article, je suis l'argument des thèses exposées par A. James Gregor.
    • (5) Francesco Perfetti, dans Ordine Nuovo n°2 (1ère année), juin 1970. J'utilise également ici, de ma­nière systématique, les points de vue de Perfetti.
    • (6) Il s'agit d'une compilation d'articles, dont quel­ques-uns parmi ceux-ci ont été édités en France par Sorel dans Mouvement Socialiste.

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    ♦ Liens :

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    SERGIO PANUNZIO : DISCOURS DU 1er MAI 1933 (extraits)

    (...) La vie politique actuelle connaît deux grands échecs : l'échec de l'État des partis ; l'échec de l'État des syndicats. Les conséquences extrêmes de ces échecs, dans le régime du suffrage universel élargi, du système démo-libéral des partis concurrents et égaux, ont été, comme on s'en est aperçu, le proportionalisme, le coalitionisme ou, mieux, l'hybridisme, transporté du pays dans les parlements et dans le mécanisme vital et constitutionnel de l'État ; conséquence : le nihilisme. (...) C'est Ostrogorski, ..., continuateur de Tocqueville, ..., qui a mis en exergue la nécessité, pour arrêter la crise, de substituer au système pesant et massifiant des partis permanents, constitués sur un mode rigide, un système agile et souple de lois provisoires et contingentes, adaptées à chaque coup par des groupes d'hommes afin de résoudre des problèmes déterminés et concrets. Le “légisme” signifie, en d'autres termes, “problémisme”. (...)

    Sans aucun doute, seul est moderne le concept de parti révolutionnaire. Le présupposé intellectuel et philosophique de celui-ci est une conception idéaliste et processuelle de la réalité, de l'histoire, de la politique et du droit. Dominent aujourd'hui dans les ordres de la vie et dans la pensée, le dogmatisme et l'objectivisme, pour lesquels l'État n'est pas un processus, n'est pas toujours, par définition, en train de se faire, mais, au contraire, est un donné fixe, un fait immuable, et est toujours ainsi une sorte de masse de pierre au sein de laquelle il n'est pas possible, parce qu'il n'y a pas de place pour les contradictions fécondes, de faire la révolution, et où le concept de parti révolutionnaire, qui en découle, est purement et simplement ignoré. (...) Le parti révolutionnaire est le parti politique qui n'accepte pas l'État existant et ne s'y adapte pas ; le parti révolutionnaire nie l'État existant et veut l'abolir en expropriant le vieux pouvoir, en prenant possession de cet État par la violence, l'insurrection, afin de créer spirituellement et instaurer juridiquement l'État Nouveau. (...)

    Le “Parti National Fasciste” est une institution essentiellement populaire qui embrasse en un seul symbole l'homme du peuple le plus humble et l'hiérarque ou le magistrat le plus élevé ; c'est une institution éminemment représentative qui sélectionne et recueille les énergies les plus vives et les plus passionnées du peuple, formant ainsi un véritable filtre à travers lequel passe le meilleur des forces du peuple. Le Parlement de vieille mouture recèle une puissance de représentativité bien moindre que celle du PNF, parce que le Parlement, plus il est parfait grâce au système proportionnel, ne fait rien d'autre que reproduire les forces, les classes et la mécanique des classes préexistantes dans le pays, et parce que le PNF, lui, au contraire, est un condensateur, un transformateur et un “dépasseur” de la statique des forces des classes sociales. (...)

    Le vieux syndicalisme laisse les syndicats livrés à eux-mêmes et libres face à eux­mêmes, concurrents et souverains. Au libéralisme des individus, succède alors un libéralisme des groupes. Nous avons alors affaire à une multiplicité irrésolue et statique. Et non l'e pluribus unum. Dans l'État fasciste corporatif, l'un politique, c'est l'État, qui s'auto-réalise dans la multiplicité sociale des syndicats ; mais le multiple, à son tour, s'auto-réalise et vit dans l'un politique.

    ► Sergio Panunzio, Il fondamento giuridico del fascismo, Bonacci ed., coll. “I fatti della storia”, 1987.