Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

otan

  • Azerbaidjan

    relief10.gifAzerbaïdjan : pas de sanctions !

    L’Azerbaïdjan est candidat à l’adhésion à l’OTAN

    L’emprisonnement de Ioulia Timochenko, chef de l’opposition ukrainienne, fait que Kiev, juste avant la Coupe européenne de football, essuie un feu roulant de critiques. Ce n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan où a eu lieu, le 26 mai, la finale du concours de l’Eurovision. Le président autoritaire Ilham Aliyev n’a rien à craindre : le ministère allemand des Affaires étrangères a fait savoir qu’il n’y aurait pas de « campagne systématique » contre cette ancienne république soviétique.

    Pourtant l’Azerbaïdjan devrait faire rugir de colère cet Occident si zélé à défendre les droits de l’Homme : les manipulations électorales y sont à l’ordre du jour tout comme les entorses lourdes à ces mêmes droits de l’Homme. Amnesty International estime que le nombre de prisonniers politiques est de 75 à 80 ; quant à l’organisation indépendante Reporters sans frontières, qui établit une liste des pays selon qu’ils accordent ou non une liberté de la presse pleine et entière, elle classe l’Azerbaïdjan à la 162ème place sur les 179 États qui ont été passés au crible de la grille d’analyse. L’Ukraine, elle, est au 116ème rang. Ensuite, il me paraît opportun d’ajouter que le clan Aliyev a fondé une sorte de dynastie post-communiste (Ilham Aliyev a succédé à son père Heydar en octobre 2003).

    Mais contrairement à l’Ukraine, l’Azerbaïdjan n’a commis aucune grosse faute : il ne s’est jamais heurté de front aux intérêts géostratégiques des États-Unis. Enfin, ce pays caucasien, riche en ressouces et d’une grande importance stratégique, se trouve, depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, tout en haut sur la liste des États prioritaires bénéficiant de l’aide américaine. Dans un rapport de planification stratégique édité par l’organisation d’aide au développement USAID, inféodée au ministère américain des Affaires étrangères, on a pu lire le constat suivant dès juin 2000 : « L’Azerbaïdjan possède d’énormes réserves prouvées de pétrole et de gaz naturel. De plus, il se situe dans une zone géostratégique cruciale entre la Russie et l’Iran ». Par voie de conséquence, Washington ne néglige rien pour mettre Bakou de son côté, tandis que les Azéris louvoient, depuis leur indépendance en 1991, entre les États-Unis et la Russie. Si les plans américains réussissent, Washingon pourra tuer deux mouches d’un seul coup de savate : d’une part, la Russie sera encore un peu plus houspillée hors du Caucase mériodional ; ce sera le deuxième revers après la Géorgie. D’autre part, les Américains pourraient créer une pierre d’achoppement entre Moscou et Téhéran.

    Le but principal des stratèges de Washington est donc de favoriser une adhésion à l’OTAN de l’Azerbaïdjan. Le 3 juin 2009, dans le magazine Eurasianet, qui s’affiche sur la grande toile, on pouvait lire un article de Shahin Abbasov, conseiller du spéculateur en bourse Georges Soros, financé par l’Open Society Institute Azerbaidjan, où l’auteur évoquait une rencontre avec un responsable très haut placé de l’OTAN, dont il ne citait pas le nom, selon qui l’Azerbaïdjan aurait plus de chance d’adhérer rapidement à l’OTAN que la Géorgie. « Il y a quelque temps, au quartier général de l’OTAN à Bruxelles comme à Bakou, on pensait que la Géorgie serait la première à adhérer au Pacte nord-atlantique et que l’Azerbaïdjan ne suivrait qu’ultérieurement ». Mais la donne a changé depuis la guerre entre la Géorgie et la Russie en août 2008 [relative à la question de l’Ossétie du sud] ; voilà pourquoi « l’Azerbaïdjan pourrait plus vite devenir membre de l’OTAN que la Géorgie ou l’Ukraine ». Ensuite, dit-on dans l’article, l’Azerbaïdjan dispose de « quelques atouts particuliers », notamment ses « liens culturels étroits » avec la Turquie, partenaire à part entière de l’OTAN et son importance stratégique cardinale sur le tracé prévu de l’oléoduc Nabucco.

    Mais avant que les démarches ne soient entreprises en vue de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Pacte nord-atlantique, il faut d’abord briser les bonnes relations qui existent entre Bakou et Moscou. La Russie a conservé, depuis la fin de l’Union Soviétique, la station de radar de Gabala en Azerbaïdjan, une station de haute importance stratégique. Le bail se termine à la date du 24 décembre 2012. À l’heure actuelle, les 2 États négocient un prolongement de ce bail jusqu’en 2025, mais Bakou exige comme prix de la location non plus la somme de 7 millions de dollars par an mais celle de 300 millions ! Jusqu’en novembre 2011, on parlait de 15 millions de dollars.

    Apparemment le prix a été réévalué à la hausse afin que Gabala soit trop cher pour la Russie et qu’ainsi la voie soit ouverte à l’OTAN. En janvier 2010, le politologue Vafa Guluzade, conseiller de l’ancien président Heydar Aliyev, soulignait dans un article : « Le territoire et le peuple de l’État d’Azerbaïdjan s’avèrent idéaux pour une coopération avec l’OTAN. Le pays dispose d’une situation géostratégique favorable, sa population est éduquée et capable de se servir de nouvelles technologies. L’Azerbaïdjan dispose aussi de terrains d’aviation militaires, qui pourraient servir de bases à l’OTAN ».

    Bien sûr, il faut également tenir compte de solides intérêts économiques. À ce propos, on a pu lire les lignes suivantes dans le texte qui exposait en juin 2000 la planification stratégique de l’USAID : « La participation de firmes américaines dans le développement et l’exportation du pétrole et du gaz naturel azerbaïdjanais s’avère importante pour la diversification des importations américaines d’énergie et pour la promotion des exportations américaines. Les États-Unis soutiennent l’utilisation de divers tracés d’oléoducs pour faciliter l’exportation du pétrole d’Azerbaïdjan ». Il s’agit surtout de contourner la Russie et l’Iran dans l’acheminement du pétrole et du gaz naturel. Le tracé Bakou / Tiflis (Tbilissi) / Ceyhan achemine déjà le gros du pétrole de la zone caspienne via la Géorgie en direction de la côte méditerranéenne de la Turquie. Cet oléoduc est contrôlé par un consortium anglo-américain sous la direction du géant pétrolier britannique BP.

    D’autres tracés d’oléoducs devront être construits à court ou moyen terme. On est actuellement en train de boucler les négociations quant à la construction de l’oléoduc TANAP (“Trans-Anatolian Pipeline”) qui devrait acheminer le gaz naturel azerbaïdjanais en Europe via la Turquie. Le projet TANAP, qui aura coûté 7 milliards d’euro, devrait avoir une capacité de 16 milliards de m3 par an, ce qui constitue une concurrence majeure pour la Russie, et aussi, bien sûr, pour l’Iran.

    ► Bernhard Tomaschitz, article paru dans zur Zeit n°21-22/2012. (tr. fr. : RS)